•  Notule d’histoire châtillonnaise

    La famille Eiffel et le châtillonnais

     Gustave Eiffel a été à l’honneur en 2019, avec des manifestations et un film en cours de tournage sur sa vie.

    Le nom d’origine de la famille n’est pas Eiffel, mais Bonickhausen et, pendant longtemps, il sera écrit : « dit Eiffel » ; ce n’est que le premier avril 1879, par décret, que Gustave obtiendra officiellement le droit de ne plus faire état de Bonickhausen dans les textes officiels.

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    Aux origines, il y a un bourgeois né près de Cologne, dans le Saint Empire Germanique, en 1680, mais qui va fuir les guerres et s’établir en France, vers 1700. Dans son désir de s’assimiler, il va adopter un prénom français (Jean René, au lieu de Guillaume Henri) et fonder un foyer à Paris.

    L’un de ses descendants, François-Alexandre, va s’engager, à 16 ans, pendant la période révolutionnaire, comme volontaire dans le Régiment des Hussards de Bercheny, et participe aux campagnes d’Eugène de Beauharnais en Italie.

    Après la chute de l’Empire, il se réengage, faute de mieux, comme simple soldat et mène une vie végétative, de garnison en garnison. C’est ainsi qu’il se retrouve cantonné à Dijon, où il rencontre la fille d’un marchand de bois, Catherine-Mélanie Moneuse, qu’il épouse le 23 novembre 1824.

    Celle-ci va pousser son mari à prendre un poste à la sous-intendance militaire de Dijon puis à la préfecture ; le jeune ménage s’installe quai Nicolas-Rolin, chez les parents Moneuse. 

    Mais, à la mort du père de Mélanie, en 1831, Alexandre rejoint sa femme pour la seconder dans son négoce et celle-ci se lance dans le commerce d’un combustible très demandé, le charbon, auquel elle ajoute le coke, le bois et le gaz.

    En 1833, elle devient entrepositaire des mines de Blanzy, en Saône et Loire, et travaille aussi avec celle de Rive-de-Gier, dans le département de la Loire, grâce à l’ouverture complète du canal de Bourgogne, en 1832.

    En 1836, comme l’ouverture de la voie ferrée d’Epinac au canal permet à la Compagnie d’Epinac de baisser fortement ses prix, Mélanie Moneuse-Bonickhausen passe une convention avec elle, pour fournir les industries de Bourgogne en charbon et coke de meilleure qualité, à des prix plus intéressants, et dans des délais de transport désormais plus courts que ceux de Blanzy[i].

    Elle fournit, entre autre, les forges de Montbard et de Châtillon-Sainte Colombe, qui sont des clients importants ; plus de six mille cinq cent mesures, soit quatre bateaux de charbon, leurs sont destinés, par mois (le charbon est vendu 1,95 F l’hectolitre à Montbard).

    Elle fournit également la forge de Chenecières ; en 1834, les frères Lapérouse acquirent les lieux et y installèrent des laminoirs, en renforçant le bief et en substituant au bois la houille d’Epinac, vendu par Mélanie Eiffel.Pour gérer les 30 000 tonnes de charbon qui arrivent au port de Dijon, l’entreprise Eiffel doit, dès 1839, déployer une logistique importante; pour cela, elle possède deux péniches pour faciliter le transport et organise le déchargement, le stockage et la vente du charbon.

    C’est sûrement lors de l’un de ses voyages d’affaire que Mélanie a repéré le jeune régisseur du fourneau de Châtillon. Car, en 1845, Joseph Maître a construit un fourneau à la place de la papeterie, avec une machine à vapeur. Au recensement de 1846, le régisseur est J.B Mailfert (26 ans) mais, au recensement de 1851, le régisseur est Joseph Collin (26 ans).

     [i] Gustave Eiffel pourra écrire, dans sa Généalogie : « La Haute Marne avec ses hauts-fourneaux de création récente, venaient s’alimenter en houille d’Epinac au port du canal de Dijon dont des chargements importants partaient chaque jour. Ma mère se tourna délibérément de ce côté et obtint d’être entrepositaire unique de ces mines pour Dijon et pour les régions voisines telles que la Haute-Marne ». Les houillères d’Epinac sont à l’époque considérées comme les plus remarquables du bassin d’Autun.

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    Le 15 décembre 1832, naît Gustave Eiffel ; il sera baptisé en la cathédrale Saint Bénigne, mais mis rapidement en nourrice.

    Marie naîtra en 1834 et Laure le 23 mars 1836.

    En 1843, ayant amassé un capital appréciable, le couple Eiffel-Bonickhausen se retira des affaires et vendit son fond de commerce. Pour Gustave, il est en pension chez sa grand-mère. Mais, l’inactivité semblant peser au couple, Alexandre devint comptable pour un marchand de bière, Edouard Regneau, lequel leur consentit la location du Castel, rue des Moulins, au milieu d’un vaste parc.

     Quant à Gustave, après des études dijonnaises, ayant son baccalauréat ès Lettres et ès Sciences en poche, il part à Paris en 1850 s’inscrire au collège Sainte Barbe, qui prépare à l’Ecole polytechnique. Mais, en 1852, il ne sera pas sur la liste des admis ; par contre, il peut entrer à l’Ecole centrale des arts et manufactures. C’est là que Gustave va se former à l’art de l’ingénieur. Son diplôme en poche, en 1855, il est en quête d’une situation. Sa mère fait alors pression sur son gendre, Joseph Collin.

    Car Mélanie a fait épouser sa seconde fille, Laure, avec l’une de ses relations d’affaire, Joseph Collin, directeur du haut fourneau de Châtillon. Né le 7 avril 1825, celui-ci est le fils d’Antoine Honoré Charles Collin, horloger à Châtillon, et d’Anne Thierry[i]. Le 23 octobre 1854, il a épousé à Dijon Laure Bonickhausen.

     [i] Antoine Honoré Charles Collin est né à Laignes, le 12 juillet 1802 ; il se marie à Châtillon le 5 juillet 1824 et décède à Châtillon le 5 juillet 1866. Anne est née à Châtillon le 21 avril 1806 (Collin s’était remarié à Claudine Sebille)

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    C’est là que sa mère envoie Gustave, espérant que son fils trouve sa voie. Il semble y être resté de septembre 1855 à janvier 1856.

    Mais Gustave écrira : « Il est constant que je n’entends pas grand-chose à la métallurgie». Surtout, il s’accorde du bon temps chez sa sœur, profitant des confitures de coing : « Je suis toujours dans une période d’engraissement. Je ne sais où cela s’arrêtera ». Ce ne sont pas les filles de Châtillon qui l’attirent, car elles ont des airs de « jardinières endimanchées » et une « dindonnerie sans pareille ».

    Ce qui l’amuse, ce sont les parties de chasse avec son beau-frère, dans les bois de Villers-Patras, où ils s’amusent à débusquer le lièvre et à tirer les alouettes ; « toutes les courses en plein soleil et cette activité m’ont donné plus de couleurs que je n’en ai jamais eu, je suis bruni comme un soldat d’Afrique »[i]. Ainsi, « je passe agréablement mes journées ici à ne rien faire »[ii].

    Mais tout a une fin pour Gustave, sa sœur accouche d’une petite fille, Josèphe Mélanie Jeanne, le 26 janvier 1856, et sa mère l’envoie à Paris, chez l’ingénieur Charles Nepveu, « constructeur de machines à vapeur, outils, forges, chaudronnerie, tôlerie, matériel fixe et roulant pour chemins de fer »,  puis il sera embauché comme ingénieur à la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest et ensuite chez un industriel belge, François Pauwels.

    Souhaitant avoir un ménage, Gustave Eiffel va épouser, le 8 juillet 1862, à Dijon, Marie Gaudelet, petite fille du brasseur qui employait son père. Nommé à la tête des ateliers de Clichy, propriété de la Compagnie Pauwels, le couple va s’installer dans cette ville. Alors qu’il vient d’être père d’une petite Claire, le 19 août 1863, il accueille chez lui sa plus jeune sœur, Laure, atteinte d’une tumeur à la gorge qui la mine, afin qu’elle soit mieux soignée.

    Sa fille, Jeanne, est recueillie par ses grands-parents, au Castel, tandis que son mari est trop occupé au fourneau de Châtillon. C’est chez Gustave que Laure s’éteindra, entourée de son frère et de son mari, le 11 août 1864.

    Elle sera enterrée à Dijon.Au foyer Eiffel naîtra, le 16 octobre de la même année, une deuxième fille, prénommée Laure en souvenir de la sœur disparue.

     [i] Lettres de septembre et octobre 1855

    [ii] Lettre du 8 janvier 1856

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    Gustave va se conduire, envers sa famille, comme un patriarche, tour à tour bienveillant et autoritaire.

    Vis-à-vis de sa nièce, Jeanne, orpheline, c’est lui qui prendra en charge son éducation, mais celle-ci, d’un caractère assez difficile, est ballotée entre ses grands-parents à Dijon et Levallois, où habite désormais Gustave. Finalement, c’est lui qui lui choisira un mari, Lucien Dupain, un polytechnicien, qu’elle épousera en 1875 à Levallois[i]

    En ce qui concerne ses beaux-frères, Gustave n’est pas tendre. Marie a épousé Armand Hussonmorel, employé à la comptabilité à la Compagnie Pauwels. Mais, comme il va faire des malversations bancaires et dépenser les 45 000 francs de la dot de sa femme ; après un conseil de famille, Armand sera poussé à prendre un bateau pour New-York et à se faire oublier[ii].                                                

    En ce qui concerne son autre beau-frère, Joseph Collin, lui aussi connaîtra des problèmes après la mort de sa femme. Incapable de s’occuper de sa fille, lui aussi va dilapider les 45 000 francs de la dot de sa femme et sera contraint de quitter le fourneau de Châtillon.

    Après un essai pour être négociant à Châtillon, Gustave va le faire travailler pour lui à partir de 1873. Il l’accompagnera dans ses voyages et l’enverra diriger les chantiers à Chinon puis, plus tard, au Portugal, pour la construction du pont Maria Pia, à Porto.

    Mais le contremaître n’en veut plus. C’est probablement à cette date qu’il va s’occuper d’une briqueterie. Cependant, Gustave fait de temps en temps appel à lui : entre avril et décembre 1884, Joseph est dépêché au Portugal, dans l’espoir de faire avancer les réclamations lors de la liquidation de la société Eiffel-Seyrig ; en juillet 1888, il intervient pour la maison Eiffel de Levallois-Perret, lors de l’attribution de construction de passerelles démontables dans Paris pour l’exposition universelle ; et, en janvier 1889, il aide Gustave à rassembler de la documentation pour le discours que ce dernier doit faire, lors de son élection à la présidence de la Société des ingénieurs civils[iii].

    Rentier et retiré à Laignes, rue des moulins, il décède le 19 mai 1890.

     [i] Elle aura un fils, Raoul ; dans le testament de Gustave Eiffel, il doit recevoir 50 000 francs

    [ii] Né à Dôle le 2 janvier 1827, il décède à New-York le 4 avril 1871. Marie se remariera à Albert Hénocque en 1872

    [iii] Selon la brochure : « travaux scientifiques exécutés à la tour de 300 mètres, de 1889 à 1900 ; Eiffel ; Paris, 1900 », Joseph et les responsables du bureau de dessin auraient reçu, en1889,  une médaille commémorative attribuée à tous ceux ayant pris part à la construction de la tour

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    Gustave Eiffel a aussi travaillé avec un autre châtillonnais, Louis Cailletet, la Tour permettant, après l’exposition universelle de 1889, des études scientifiques et justifiant, aux yeux du public parisien, l’utilité de la tour.

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    En 1892, Cailletet et Colardeau étudièrent la chute des corps à partir d’une plate-forme de la tour :

    « Il n’y a jamais eu jusqu’ici qu’un très petit nombre d’expériences exécutées sur la chute libre des corps dans l’air, en tenant compte de la résistance que l’air oppose à leur mouvement. Un de nos savants les plus éminents, M L. Cailletet … a entrepris, avec la collaboration d’un physicien des plus distingués, M.E. Colardeau, une série d’expériences à ce sujet… La résistance de l’air intéresse les ingénieurs de chemins de fer en ce qui concerne la marche des trains, les marins pour la marche des navires ; son étude est la base du problème de la direction des ballons et de celui de l’aviation… M.M Cailletet et Colardeau ont pensé que la Tour Eiffel offrait les conditions les plus avantageuses pour entreprendre les expériences les plus complètes sur la chute des corps et la résistance de l’air, en permettant les mouvements rectilignes. Un laboratoire a été installé à la seconde plate-forme de la Tour. Il renferme les appareils d’expérience et de mesures, et offre une colonne d’air de 120 mètres de hauteur, pour la chute des corps. L’installation de ce laboratoire est due à M. Eiffel, notre grand ingénieur, que l’on trouve toujours prêt à patronner les entreprises de l’intelligence, et à contribuer aux progrès de la science » ( La Nature, 9 juillet  1892).        

    La brochure, « travaux scientifiques exécutés à la tour de 300 mètres de 1889 à 1900 », transcrit le discours prononcé par Gustave Eiffel à la conférence Scienta, le 13 avril 1889.

    Il remerciait tous ceux qui l’avaient encouragé à construire sa tour :« il y a quelques jours, j’en recevais de précieux témoignages dans une ascension à la plate-forme de 300 mètres que je faisais avec MM. Mascart, Cornu et Cailletet[i]. Sur cette étroite hune, qui semble isolée dans l’espace, nous étions ensemble pris d’admiration devant ce vaste horizon, d’une régularité de ligne presque semblable à celle de la mer, et surtout devant l’énorme coupole céleste qui semble s’y appuyer et dont la dimension inusitée donne une sensation inoubliable d’un espace libre immense, tout baigné de lumière, sans premiers plans et comme en plein ciel…Sans parler d’autres nombreuses expériences que beaucoup entrevoient, M. Cailletet me permettra de vous dire qu’il étudie en ce moment un grand manomètre à mercure avec lequel on pourra réaliser avec précision des pressions allant jusqu’à 400 atmosphères ».

    Ce manomètre fut inauguré le 2 avril 1891 et son installation, servant de mesure étalon pour la fabrication de tous les manomètres industriels, eut un retentissement international.

     

    [i] Eleuthère Mascart, physicien (1837-1908), membre de l’académie des Sciences ; Alfred Cornu, physicien (1841-1902), membre de l’académie des Sciences

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    La famille Eiffel et le Châtillonnais

    (DominiqueMasson)

    Bibliographie :                                                                                                                                         Bermond Daniel : Gustave Eiffel ; Perrin ; 2002                                                                                   Brunet Véronique : Mélanie Eiffel, mère et femme d’entreprise moderne en Bourgogne ; Editions du Revermont ; 2019                                                                                                                              Carmona Michel : Eiffel ; Fayard ; 2002

    [1] Gustave Eiffel pourra écrire, dans sa Généalogie : « La Haute Marne avec ses hauts-fourneaux de création récente, venaient s’alimenter en houille d’Epinac au port du canal de Dijon dont des chargements importants partaient chaque jour. Ma mère se tourna délibérément de ce côté et obtint d’être entrepositaire unique de ces mines pour Dijon et pour les régions voisines telles que la Haute-Marne ». Les houillères d’Epinac sont à l’époque considérées comme les plus remarquables du bassin d’Autun.

    [1] Antoine Honoré Charles Collin est né à Laignes, le 12 juillet 1802 ; il se marie à Châtillon le 5 juillet 1824 et décède à Châtillon le 5 juillet 1866. Anne est née à Châtillon le 21 avril 1806 (Collin s’était remarié à Claudine Sebille)

    [1] Lettres de septembre et octobre 1855

    [1] Lettre du 8 janvier 1856

    [1] Elle aura un fils, Raoul ; dans le testament de Gustave Eiffel, il doit recevoir 50 000 francs

    [1] Né à Dôle le 2 janvier 1827, il décède à New-York le 4 avril 1871. Marie se remariera à Albert Hénocque en 1872

    [1] Selon la brochure : « travaux scientifiques exécutés à la tour de 300 mètres, de 1889 à 1900 ; Eiffel ; Paris, 1900 », Joseph et les responsables du bureau de dessin auraient reçu, en1889,  une médaille commémorative attribuée à tous ceux ayant pris part à la construction de la tour

    [1] Eleuthère Mascart, physicien (1837-1908), membre de l’académie des Sciences ; Alfred Cornu, physicien (1841-1902), membre de l’académie des Sciences

     

     

     

     


    3 commentaires
  • Joyeux Noël 2019 à tous mes lecteurs !

    Joyeux Noël à tous, plein de paix, de joie et d'amour...

    Joyeux Noël 2019 à tous mes lecteurs !

    A l'année prochaine !

     


    7 commentaires
  • Reprise de l’activité

    La vieille turbine Fontaine a plus de 80 ans. Elle tourne encore mais avec du jeu dans les paliers et dans les engrenages, une chambre d’eau qui fuit, le rendement a diminué, il faut la seconder.

    Marius récupère une machine désaffectée à l’usine de Plaines où elle était installée sous une chute d’eau de 3,60 m. A Gomméville la chute n’étant que d’un mètre, la puissance est beaucoup plus faible mais c’est néanmoins un complément intéressant.
    Marius demande aux Ponts et Chaussées l’autorisation de l’installer sur la rive gauche du bief, en remplacement de la vieille roue à aubes de la pointerie, ce qui lui est accordé sans problème.
    La machine est envoyée aux Fonderies et Ateliers de Construction de l’Est à Dijon qui se chargent de son adaptation. Les maçons Robert Chevance de Mussy et Hector Bernardis de Châtillon construisent un barrage de planches et d’argile pour couler le béton de la dalle et de la chambre d’eau.

    Le chantier dure tout l’été 1946.

    L'histoire du moulin de Gomméville par Jean Verniquet (3)

    (La turbine dite « américaine »)

    L'histoire du moulin de Gomméville par Jean Verniquet (3)

    (Régulateur centrifuge 2008)

     Cette machine faisait partie du paysage. Construite en 1913 par les Etablissements Rose-Teisset à Poissy, elle avait d’abord été installée à la forge de Plaines. Après l’arrêt de l’activité de meunerie, couplée à une dynamo, elle a permis de chauffer la maison jusqu’en 2005.

    La dynamo, de seconde main, elle aussi, avait été construite en 1935 à Nancy. Elle avait été récupérée à l’usine des Emballages de Mussy. C’est Maurice Denis, électricien mécanicien, grand bricoleur et ancien Maire qui l’avait installée dans les années 50 pour remplacer une machine plus petite et encore plus vieille.

     La meunerie est alors une activité prioritaire : la capacité globale d’écrasement des moulins français est excédentaire, mais la production de blé est insuffisante pour nourrir la  population nationale qui rêve de retrouver le bon pain blanc d’avant-guerre.

    Les moulins doivent même écraser du maïs que les américains envoient dans le cadre du plan Marshall.On essaie de faire du pain avec cette farine jaune. Dans les familles d’origine italienne de Gomméville, les grands-mères savent encore faire la « polenta », la bouillie de farine de maïs.

    Les « tickets de pain » (de rationnement) restent en vigueur jusqu’en 1948. La commercialisation de la farine est règlementée et contrôlée à la fois en prix, qualité et quantité. Les quantités à produire sont fixées par l’organisme de la Répartition des Farines qui dépend de la Préfecture. Il ne saurait être question de gaspiller le blé en faisant une farine trop blanche : le taux d’extraction est imposé.
    Les meuniers « tirent » à plus de80%, à ce taux c’est de la farine grise. Or à l’époque, après des années de restrictions, le marketing ne permet pas encore de faire croire à chacun que le pain noir est meilleur et qu’il faut le payer de plus en plus cher.

    Marius Verniquet écoule une partie de sa production auprès des boulangers locaux et d’autres plus éloignés à Montigny, Courban, Lamargelle, Salives, Montbard, Précy etc ;

    Le reste est expédié par wagon en gare de Pothières ou de Mussy, vers les départements français déficitaires (la Loire, la Drôme etc…, selon les « bons de répartition » qui lui sont attribués.

    Une savante bureaucratie est en place pour les contrôles de tous les transports de blé ou de farine qui doivent faire l’objet « d’acquis » (pièces de Régie qui génèrent ensuite le paiement des taxes)

    La farine boulangère est conditionnée dans des sacs de jute de 100kg étiquetés et scellés.
    Il part avec le camion chargé de farine et revient avec du blé en passant par les silos de Châtillon ou chez Guinot, marchand de grains à Laignes. Le déchargement des sacs de farine nécessite force et adresse, car il faut les porter en équilibre sur l’épaule et parfois grimper un escalier en colimaçon pour les vider dans la trémie du boulanger. Si un sac tombe (ne parlons pas du porteur), il éclate et son contenu sera destiné au repas des cochons.

    Rien ne paraît plus simple aujourd’hui que de démarrer son véhicule le matin pour aller travailler, mais à l’époque, il n’en est pas de même, surtout en hiver. Le camion ne circule pas tous les jours, la batterie doit être rechargée. Maurice Denis, l’électricien du village, a fabriqué un chargeur qui fonctionne sur la turbine, mais ça ne marche pas au pied levé. Démarrer à la manivelle un gros moteur par temps froid est problématique, alors Marius se lève encore plus tôt, allume le feu de la cuisinière et fait chauffer 20 litres d’eau pour remplir le radiateur qu’il avait préalablement vidangé par précaution contre le gel, le moteur part alors au quart de tour.

    Toujours positif, il se dit que c’est quand même plus facile que de démarrer avec des chevaux

    L'histoire du moulin de Gomméville par Jean Verniquet (3)

    (La mélangeuse en 2008)

     Le moulin tourne parfois nuit et jour. Marius  dort ou plutôt essaie de dormir sur ses sacs, dans le bruit et le tremblement des machines, le grondement des cylindres, le sifflement des courroies de cuir enduites de résine. Le meunier doit avoir l’oreille musicale, il faut réagir au moindre bruit anormal au milieu de cet orchestre étrangement harmonieux d’engrenages, de coussinets en bronze, de poulies à gorge.

    Une courroie qui casse, c’est un élévateur qui se bloque, il faut alors courir dans l’escalier en avalant les marches  quatre par quatre pour dégager les tuyaux bourrés de recoupes ou de remoulages et soulager une bluterie dont les paliers risquent la surchauffe.

    L'histoire du moulin de Gomméville par Jean Verniquet (3)

    (L’escalier de 80 marches en 2008)

    Il faut ensuite réparer et remonter la courroie sur la poulie tandis qu’elle tourne, ce qui peut être très dangereux lorsque l’accès est un peu acrobatique.

    Lucie est toujours très inquiète quand son mari se livre à ce genre d’exercice.

    Au milieu de ces vieilles mécaniques qui s’agitent dans la poussière, sans aucune sécurité, le risque d’incendie est permanent. C’est d’ailleurs ainsi que finissent la plupart des moulins dont l’intérieur est tout en bois, archi  sec et de plus verni.

    Depuis des années, Marius souffre d’asthme, les quintes de toux l’épuisent. Il essaie d’en atténuer les effets sans grand résultat en respirant la fumée d’une poudre qu’il fait brûler dans une soucoupe, sur le coin du poële. Ensuite il aura un système plus efficace en pulvérisant un liquide dans sa gorge avec sa « poire » qu’il a toujours avec lui.


    3 commentaires
  • "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

      Catherine Miraton , Directrice du Théâtre Gaston Bernard, accompagnée d'Annabel de Courson, metteur en scène, a présenté  le spectacle musical "Promenons Nous, les Tout-Petits Patapons""conçu comme un véritable mini concert pour les tout-petits.

    Ceux-ci étaient venus nombreux avec leurs parents, leurs grand-parents, leurs nounous et ils ont beaucoup apprécié cet adorable spectacle.

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    Accompagnées au violoncelle par Isabelle Vuarnesson (violoncelliste d’Anne Sylvestre et professeure au conservatoire de Saint-Mandé)...

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical  a ravi les tout-petits ...et les adultes qui les ont accompagnés !

     Daphné Souvatzi (mezzo-soprano et comédienne)...

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    et Charlotte Pinardel (comédienne, chanteuse et guitariste)...

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

     ont interprété  une douzaine de chansons et comptines mettant en scène des animaux comme l'escargot :

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

     Nestor l’alligator qui mord, qui mord....

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    en passant par  les Lapinous, dans un décor enchanté d’arbustes, d’herbes folles et fleurs parfumées.

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    Ce fut une adorable promenade musicale d’une demi-heure qui a ravi petits et grands.

    D’une grande exigence musicale et avec des arrangements originaux, ces mélodies et scènettes ont entrainé le mini public dans une fantaisie poétique, du rock and roll à la berceuse sans oublier quelques escapades dans l’univers des comptines, le tout agrémenté de jeux de doigts et de percussions corporelles.

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

     Le jeu des couleurs a été aussi de la partie....

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    Les trois artistes très talentueuses ont été très applaudies pour ce joli moment rafraîchissant...

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    et elles ont pris le temps de laisser venir à elle les bambins....

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    Après le spectacle, une photo des artistes et de leur metteur (metteuse ?) en scène qui réalise aussi les arrangements musicaux :

    "Promenons-nous" un très joli spectacle musical pour les tout-petits bientôt au TGB

    Mise en scène et arrangements musicaux : Annabel de Courson

    Avec : Charlotte Pinardel (chant, guitare et jeu)

    Daphné Souvatzi (mezzo-soprano et jeu)

    Isabelle Vuarnesson (violoncelle)


    1 commentaire
  • L'exposition sur les fouilles de Vix se poursuit jusqu'au 5 janvier 2020 au Musée du Pays Châtillonnais

    L’espace d’actualité au musée joue les prolongation jusqu’en début d’année 2020.

    L’espace d’actualité consacré à la récente fouille de la tombe de Vix sera encore ouvert pour les vacances de Noël, l’occasion de revivre cet événement exceptionnel à travers un nouvel élément : un time-laps du chantier.

    Dans cet espace, documents et objets illustrent le chemin parcouru par les chercheurs pour la connaissance et la compréhension du site archéologique de Vix.

    Sont présentés les notes et des objets issus des fouilles de Jean Lagorgette (1881-1942), pionnier des recherches sur le site de Vix et inventeur du site, des pièces techniques du montage du vase de Vix qui ne sont pas présentées dans l’exposition permanente, des documents d’archives inédits pour replonger dans l’histoire et la légende du Trésor de Vix ainsi que le squelette de la Dame de Vix.

    L'exposition sur les fouilles de Vix se poursuit jusqu'au 5 janvier 2020 au Musée du Pays Châtillonnais

    Pour revenir à notre époque, l’exposition met en lumière les méthodes de l’archéologie contemporaine appliquées à la nouvelle fouille mais aussi des éléments liés aux récentes analyses ADN de la Dame de Vix comme le scan 3D de son crâne dont l’objectif est de proposer une reconstitution faciale fidèle qui sera connue au cours du premier semestre 2020.

    Cet espace est évolutif et permet de revenir sur le chantier de fouille à travers des photos et des vidéos comme cette dernière acquisition, une animation vidéo réalisée à partir d'une série de photographies prises à des moments différents de la fouille et de visualiser en quelques minutes le travail des archéologues de l’Inrap entre les mois d’août et novembre 2019.


    2 commentaires
  • LES GARRAULT, UN DOUBLE UNIVERS

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Pénétrer dans l’univers d’un artiste, c’est s’expatrier, oublier ce que l’on est, ce que l’on sait, devenir poreux pour accueillir un univers autre pénétrer dans le double univers d’un couple d’artistes relève d’un défi digne d’une acrobatie intellectuelle et spirituelle.

    Maryvonne et Jean-Pierre Garrault vivent côte à côte, chacun fixé sur son idéal artistique, fasciné par cet inconnu à naître, et cependant unis l’un à l’autre par un côtoiement qui est une fusion, et que nourrit un jeu savant d’échos, rendus d’autant plus évidents qu’un artiste est un être humain passionné par ce qu’il porte en lui, et largement ouvert à l’autre. Ainsi avons-nous deux singularités qui s’animent et se vivifient mutuellement.

    En apparence, nous nous trouvons face à deux univers fort distincts. En réalité nous découvrons des correspondances qui se méritent.

    Maryvonne ne peut cacher son ascendance bretonne. Elle porte son pays autant que son pays la porte, jusque dans son prénom. Limpide, glissant, aérien, lumineux « Maryvonne » est un prénom d’embruns reluisants, aux accents de pèlerinages et de patiences, aux silhouettes de femmes de marins dont saint Yves est le protecteur.

    Sa Bretagne est historique, intime et hors du temps. Elle relève du folklore, à condition de rendre à ce terme ses lettres de noblesse, son poids d’histoire et de savoir populaire Le folklore est la science du peuple. Parce qu’elle peint non tant ce qu’elle voit mais ce qu’elle porte en elle, ce qu’elle est., Maryvonne est reliée à une histoire, à un âge qui n’a rien à voir avec nos calendriers prosaïques . Avec ses silhouettes de Bretonnes, son art de peindre en jouant de couleurs hâtives, pressées d’aller à l’essentiel, suggérant ce qui n’appartient pas à une mode,

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Maryvonne quitte même l’histoire pour naviguer dans la légende. Le mot « légende » signifie ce qui doit être lu, dit, raconté, sauvegardé. Le vrai temps qui fascine Maryvonne est le « Il –était-une-fois’ des contes d’enfance. Lesquels ont leur part d’ombres, de mystères, de tempêtes, de violences, au milieu de naïvetés apparentes et parfois trompeuses.

    Quand elle mémorise des femmes costumées, quand elle saisit sur le vif les empoignades des lutteurs bretons, dans cette lutte appelé « gouren »...

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    et quand elle détaille des objets qu’on appelle sottement en français des « natures mortes » (préférons le terme anglais « still life », vie silencieuses), Maryvonne est voyagée par les mêmes besoins de fidélité, de témoignage, de lien viscéral avec ce qui la concerne et la relie à ce qui la dépasse.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Un des secrets de Maryvonne est qu’elle n’a pas été élaguée par le temps qui crée des adultes insensibles et raisonnables. C’est l’enfant qui peint, c’est l’enfant qui aime les greniers secrets de la mémoire, même quand les ombres lui font peur et ravivent d’anciens souvenirs douloureux. Une paire de sabots dans un panier d’osier où git un tourteau peut devenir dans l’imagination de l’enfant une tête de mort.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Et la poupée qui nous regarde en sait plus long que nous sur les mystères qui trament l’essentiel de toute vie. C’est la petite sœur délaissée du Chaperon Rouge. Un artiste est souvent un enfant nourri de douleurs, obligé de se créer un jour de substitut, à ses propres clartés de paradis perdu.

    Sachons voir ce que peint Maryvonne à larges traits colorés qui refusent l’anecdotique et le frivole. Ses femmes, ce sont souvent des « revenantes », des rescapées du sablier des vents du large. Ses rochers sont des ombres fantomatiques voire inquiétantes. Parfois on n’est pas loin de l’abstraction comme si le visible allait s’évaporer. Chaque coup de pinceau sait qu’il est temps d’agir, contre vents et marées.

     Voilà pourquoi sa peinture a quelque chose de nostalgique et d’éolien

    Il y a un terme en marine qui me paraît convenir parfaitement aux toiles de Maryvonne Garrault, c’est celui d’ « œuvres vives », cette partie immergée qui permet au navire de tracer son chemin dans la mer. S’il est question de granit en Bretagne, on doit parler de « tendre granit » pour cette sensibilité toujours aux aguets.

     Je disais tout à l’heure que l’univers de Jean-Pierre Garrault paraissait fort différent des paysages bretons de son épouse. Regardons-y de plus près.

    Le monde de Jean-Pierre  est essentiellement minéral, à l’image de ces fortifications ruinées qui occupent tout le fond de la salle d’exposition.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Le minéral, ce que son prénom, Jean-Pierre  semble promettre déjà. Mais s’il y a quelque chose qui me paraît symboliser la vision de ce peintre, c’est une figure magique et mystérieuses, celle de la Loba. Née d’une légende, sans doute d’origine mexicaine, cette femme autrement appelée « la Huesera » (la femme aux os) ou « la Trapera » (la ramasseuse) est en quête des ossements d’animaux, essentiellement de loups, que sa dextérité reconstitue intégralement. Alors elle se met à chanter, et l’animal reprend sa vie d’avant sa mort et s’en va librement.

    N’y a-t-il pas le même miracle chez ce peintre lorsqu’il se penche sur des plantes torturées, sur des amas de pierres ruinées par le temps, sur des dolmens bretons, sur des tours mystérieuses de Sardaigne ? Il les regarde, il les ausculte, il se les incorpore, il fait partie, corps et âme, de ces témoignages de la vie passée ou présente, il les oriente, il les anime d’un feu secret, il leur sauve la vie, les mettant hors du temps. Mieux, il les ressuscite par l’alchimie de son art. Comme son épouse, Jean-Pierre vit intensément ce qu’il regarde et recrée,, rejetant les anecdotes, les détails superflus. Son abstraction, visible dans les végétaux stylisés, n’est plus qu’un élan vital, aux couleurs d’une sève sacro-sainte . Cela est beau, parce que c’est la vie originelle, sauvée des pesanteurs reliée au ciel et à la terre par des éclairs qui sont des visions fulgurantes.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Ses arbres qu’on croit morts, ce sont des queules, des formes tourmentées avec lesquelles Jean-Pierre entre en sympathie. Il les purifie, comme s’il s’agissait  d’ossements précieux. Il les veut vivants, en tous les sens. Ce sont des squelettes dont on se demande s’ils sont encore végétaux. Telle est la force du regard de Jean-Pierre Garrault que les règnes se confondent et s’harmonisent, en dépassant leurs limites. Toujours l’esprit circule dans la matière ainsi régénérée. Cet esprit, c’est autant la sève de l’arbre que la vision artistique du peintre qui se confondent sur la toile.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Et l’abstraction, loin de créer je ne sais quelle confusion, est capable de transformer le hasard des formes en révélations magistrales.

    Quant aux squelettes, si fréquents chez ce peintre, son but est loin de nous peiner. Rien de funèbre, rien de morbide. Une célébration constante afin de déceler la beauté des formes et la victoire de l’essentiel sui ne périra pas.

    Regardez cette tête de cervidé, peut-être un mégacéros du paléolithique, qu’importe ! Jean-Pierre ne s’arrête pas à l’histoire. Ce qui compte, c’est le travail du temps, son pouvoir de métamorphose, sa puissance continuelle. Ce que le temps met en beauté et que l’artiste saisit au vol d’un regard intuitif. C’est une révélation votive

     Ce bois palmé de cervidé devient une main tendue par-delà la mort. On entre en sympathie avec tant de beauté qui nous regarde encore de ses yeux vifs.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Venons-en aux pierres, toujours monumentales. Quand il peint un dolmen, nous ne sommes pas seulement en Bretagne. Nous sommes dans la légende rituelle qui perdure dans le silence d’un matériau que des croyances ont « chargé » de pouvoirs secrets. Ses dolmens sont des « bouches d’ombre ». elles savent des choses, entretiennent les légendes bretonnes, pourquoi pas celle de l’Ankou qui rôde et cherche à nuire. Parfois on n’est pas loin des relents infernaux, des puissances souterraines, chthoniennes.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    Dernier thème abordé qui prolonge le précédent, les nuraghes. Des pierres édifiées par l’homme, pour constituer des tours rondes, tronconniques, du XVIIIème siècle au XVème siècle avant Jésus-Christ. Des œuvres monumentales, creuses, contenant  souvent un escalier intérieur menant à une terrasse. Des observatoires, sans doute liées à l’astronomie ou à l’astrologie, du temps paléolithique où la science et la religion étaient jumelles. Une étymologie douteuse fait venir ce mot « nuraghe » de l’arabe « nûr » qui signifie « feu, lumière ». Ce sont des monument hiératiques, des pierres sacrées, des reliquaires d’une mémoire inassouvie. Comme à Stonehenge. On est dans le chthonien, dans le volcanique dans la puissance formidable, que Jean-Pierre a relevée à sa façon, avec des éléments tirés du sol, du feu, de la lumière. Cette peinture est un cérémonial.

    "Les Garrault, un double univers", un très beau texte de Michel Lagrange sur un couple d'artistes Châtillonnais

    On est dans le sacré païen, épique, pas loin de la création d’un monde dont nous avons hérité. Cette préhistoire légendaire est la version virile des rochers de Maryvonne, des luttes celtiques, des noces de la terre et du feu, de l’ordre et du chaos, de la mémoire et de l’oubli.

    Aujourd’hui, dans ce double musée intérieur et secret qui les unit et qui rassemble en eux  les souvenirs et les symboles, si harmonieusement éclairés de pénombres, c’est cette vision qui vient révéler glorieusement les strates de la mémoire et les pulsions de la création artistique, instinctivement nourrie d’instincts nécessaires, colorée de réminiscences celtiques, sans doute, pas loin du légendaire, mais plus encore incarnation d’une liberté originale et sans concessions.

    Chez Jean-Pierre, la légende est palpable, brutale, effervescente. Elle donne à la matière ses pleins pouvoirs. Il est à sa façon un archéologue de la beauté secrète, souvent nocturne.

    Chez Maryvonne, ces apparences, on les dirait endimanchées, à la proue du grand large et de la nostalgie.

    Chez Jean-Pierre c’est le temps qui compte et qui dure, chez Maryvonne c’est l’espace en liberté grande.

    Mais dans les deux cas se dessine une épopée du légendaire, aérienne ou chtonienne, subtile ou agressive, alerte ou pétrifiée.

    Un mémorial, une sacralisation où la vie et la mort se lèvent dans un même sillon créateur de beautés.

    (Michel Lagrange novembre 2019)

    L'exposition des œuvres de Maryvonne Jeanne-Garrault et de Jean-Pierre Garrault est à voir encore, jusqu'au 3 janvier 2020, à la Galerie d'Art et d'Or de Châtillon sur Seine.

    Ne la manquez pas !


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires