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"Deux aventuriers Bourguignons " une conférence de Jean Ponsignon pour l'ACC..
Pour la première conférence de 2010-2011 de l'Association Culturelle Châtillonnaise, Jean Ponsignon nous a fait connaître le 20 septembre 2010, la vie extraordinaire de deux aventuriers Bourguignons.
Les deux aventuriers Bourguignons dont nous entretint Jean Ponsignon, étaient en réalité une femme et un homme..
L'aventurière, dont l'histoire nous fut présentée en premier , fut
Jeanne Barret.
Jeanne Barret , née en 1740, était native de la région qui est maintenant la Saône et Loire .
Elle devint, à 14 ans, domestique d'un médecin , Philippe Commerson..
Philippe Commerson ,outre son activité de médecin, adorait la nature, les plantes, les animaux.
Apprenant que Bougainville allait conduire une expédition autour du monde pour y découvrir des espèces botaniques inconnues , il lui proposa ses services, se disant accompagné d'un aide qui n'était autre que Jeanne..
Jeanne en effet aidait son maître dans ses recherches botaniques.
(Bougainville)
Mais Jeanne étant femme, ne pouvait monter sur un bateau à l'équipage exclusivement masculin !
Elle se déguisa donc en homme , dit être castrat et s'appeler Jean Baré..
Pendant plusieurs mois, elle ne fut pas découverte, mais ce sont des Tahitiens qui, lors d'une de ses descentes à terre, "sentirent" ( littéralement, car leur odorat leur permet de percevoir les hormones féminines !) qu'elle était une femme et lui sautèrent dessus en la déshabillant !
Sauvée par deux marins qui accompagnaient Commerson, il lui fallut bien avouer la vérité à Bougainville.
Commerson et elle furent débarqués à l'île de France (actuellement l'île Maurice).
Commerson continua à herboriser mais mourut au bout de quelques années.
Savez-vous que c'est lui qui découvrit...l'hortensia ?
Il donna aussi le nom de Jeanne à une plante : la baretia (qui a changé de nom depuis, hélas)
Jeanne se maria plus tard avec un officier français, resta encore dans l'île quelques années puis revint en France.
Elle remit plusieurs caisses de plantes, non connues, au Musée d'Histoire Naturelle de Paris,le "jardin du Roi", elle reçut une rente et vécut jusqu'à sa mort dans une certaine aisance, en 1807.
Jeanne inspira les écrivains, Diaguilev voulut faire de sa vie un ballet, et les marins chantèrent cette chanson composée en pensant à son aventure :
Chantons pour passer le temps
Les amours jolies d'une belle fille
Chantons pour passer le temps
Les amours jolies d'une fill' de quinze ans
Aussitôt qu'elle fut promise
Aussitôt elle changea de mise
Et prit l'habit de matelot
Pour s'embarquer à bord du navire
Et prit l'habit de matelot
Pour s'embarquer à bord du vaisseau. Le capitain' du bâtiment
Etait enchanté d'un si beau jeune homme
Le capitain' du bâtiment
Le fit appeler sur l'gaillard d'avant
"Beau mat'lot ton joli visage
Tes cheveux et ton joli corsage
Me font toujours me souvenant
D'une jeun' beauté que j'ai tant aimée
Me font toujours me souvenant
D'une jeun' beauté du port de Lorient".Le second aventurier Bourguignon s'appelait :
Jean de Léry.
Originaire de Lamargelle, donc en Côte d'Or actuelle, il naquit en 1536.
Devenu protestant il rejoignit les calvinistes à Genève , et partit en expédition avec des catholiques, à la conquête du Brésil.
La concorde régna d'abord entre les membres des deux religions qui construisirent un fort " Fort Coligny" .Mais les catholiques prirent le dessus et chassèrent les protestants hors du fort.
Jean de Léry dut partager la vie des Indiens Tupinambas, et il en profita pour observer leurs coutumes.Il écrivit à son retour un livre qui suscita la vocation , des siècles plus tard, de Claude Lévi-Strauss !
Ce dernier en a d'ailleurs fait l'éloge dans Tristes Tropiques
Les Tupinambas étaient anthropophages. Ils capturaient leurs ennemis, les "engraissaient" pendant un certain temps et leur fournissaient une épouse..
Puis lorsqu'ils étaient "à point", ils les tuaient , les cuisaient et les mangeaient . C'est la femme du prisonnier qui obtenait le meilleur morceau !!!
Tous les membres de la tribu se nourrissaient ensuite des chairs du prisonnier de guerre.
Jean de Léry était un observateur intelligent: bien sûr il fut horrifié par ce cannibalisme, mais il trouva d'autres qualités intéressantes à ces "sauvages" comme on les appelait à l'époque..
En effet ces indigènes lui apparaissent raisonnables et même plus humains que les paysans en France. En accueillant les étrangers, ils étaient, disait-il, plus hospitaliers que les Français !
Après 9 mois de présence au Brésil, tous les explorateurs , catholiques et protestants revinrent en France, leurs bateaux chargés du fameux "rouge-Brésil" un bois magnifique.
(Jean-Christophe Ruffin a d'ailleurs raconté l'histoire de ces explorateurs dans son roman, pour lequel il obtint le prix Goncourt, "Rouge-Brésil")
Jean de Léry rentra en 1558.Après le massacre des Protestants à la Saint Bartélemy, il se réfugia à Sancerre.
Il mourut à l'âge de 79 ans, dans l'île de Suisse
Et Jean Ponsignon, en conclusion de ces deux biographies singulières, nous demanda de conter les histoires fabuleuses de ces deux aventuriers, qui n'eurent pas froid aux yeux, à nos enfants et petits-enfants.
L'aventure même à notre époque est toujours possible, n'est ce pas ?
Et le soir dans votre lit douillet,nous dit le malicieux Jean Ponsignon, si vous ne dormez pas, imaginez Jeanne et Jean se balançant dans leurs hamacs:celui d'un bateau pour Jeanne, celui d'une feuille de bananier pour Jean !!
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Commentaires
2JUREDIEU PierreJeudi 12 Mai 2011 à 11:04J'étais l'année dernière à Maurice et à la Réunion , et j'ai bien sûr vu la stèle de Commerson à la Retraite (Maurice) et le gouffre Commerson (la Réunion) , mais il y a un personnage qui a joué un rôle important à Maurice , mais aussi à Pensacola ( Louisiane) et ailleurs , il s'agit de Pierre César de SERCEY , mais le plus curieux , c'est qu'il est né à peu d'intervalle à la même époque que J BARET dans le même village qu'elle, à savoir à La Commelle , entre Etang/ Arroux et Autun ..
Amicalement PJ
1rousseletDimanche 26 Septembre 2010 à 13:46Quand le réel rejoint le Fabuleux,nous plongeons dans la mythomanie!,le domaine privilégié de l'enfance.Bravo,Mr Ponsignon!
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Un grand merci pour ces deux histoires très intéressantes ! Je connaissais déjà la chanson "Chantons pour passer le temps" et je ne me doutais pas qu'elle cachait un récit véridique ! Très malicieux, en effet, le petit commentaire de la fin. :-)