-
"Le scandale de la garçonne", une conférence de Michel Lagrange pour l'ACC
Le thème de la conférence donnée à l'Association Culturelle Châtillonnaise par Michel Lagrange le 3 décembre, était celui de la "Garçonne" et de son scandale.
Ce scandale vint de la publication d'un livre de Victor Margueritte intitulé justement "La Garçonne"..
Ce livre fut le reflet d'une certaine émancipation féminine, poussée à son paroxysme.
L'émancipation féminine, nous dit Michel Lagrange, commença vraiment avec le cataclysme de la guerre de 1914-1918. Auparavant le mouvement avait bien sûr commencé avec des femmes affranchies comme l'écrivain Colette, par exemple.
Les femmes s'émancipèrent "par force", obligées de remplacer les hommes partis à la guerre, on appelait certaines d'entre elles qui travaillaient dans les usines d'armement les "munitionnettes" ou "poilues de l'arrière", elles trimèrent, elles souffrirent.
Les plus favorisées se jetèrent, la guerre terminée, pendant ce qu'on a appelé "les années folles", dans une quête de plaisir, une sorte de revanche sur le chaos.
Colette , elle, n'avait pas attendu ces "années folles" pour s'habiller en homme et se couper les cheveux... son amie Missy, duchesse de Morny, affichait ouvertement sa masculinité !
Les femmes des "années folles" , sous l'influence de Coco Chanel, de Paul Poiret, raccourcirent leurs jupes, coupèrent leurs cheveux...
Le cinéma nous montra ces nouvelles femmes
Les peintres les immortalisèrent
Cheveux courts et ondulés, sautoir, maquillage...
La révolution des moeurs , nous dit Michel Lagrange, était en marche, même Léon Blum prônait la liberté sexuelle ! les divorces augmentèrent, les drogues apparurent, le jazz prit possession des cabarets parisiens, comme au "boeuf sur le toit".
Et pourtant le droit de vote des femmes ne fut toujours pas accordé, il ne le sera qu'en 1945 ...
Et voici, qu'en 1922, fut édité un livre, intitulé "la Garçonne" dont l'auteur était Victor Margueritte.
Fils d'un héros de la guerre de 1870 et frère de Paul Margueritte , il s'engagea en 1886 dans les Spahis, avant d'entrer en 1891 à l'École militaire de Saumur où il devint lieutenant de dragons . En 1896, il donna sa démission pour se consacrer à la littérature .
Il se montra préoccupé des questions sociales et fut un ardent défenseur de l'émancipation de la femme ainsi que du rapprochement des peuples. Il collabora notamment à la Revue Contemporaine d'Edouard Rod . Il soutint des opinions sociales de plus en plus avancées et collabora aux journaux et périodiques dans la mouvance internationale et communiste.
De 1896 à 1908, il collabora à toutes les œuvres de son frère Paul qui parallèlement publiait des ouvrages sous son seul nom. Il devint Président honoraire de la Société des Gens de Lettres.
Le livre de Victor Margueritte "la Garçonne" fit un scandale énorme, à sa parution . On le traita de "livre de bidet" !! et pourtant cet ouvrage nous montrait la réalité d'une certaine frange de la vie parisienne d'alors , un immoralisme dans le milieu d'une bourgeoisie sans repères.
Dans la première partie du roman, l'héroïne, Monique Lerbier, surprend son fiancé avec sa maîtresse,( fiancé imposé par sa famille bourgeoise comme c'était encore le cas à l'époque ).
Dans la seconde partie de l'ouvrage, elle devient une femme brisée qui se jette dans une entreprise d'auto-destruction. Elle s'étourdit de paradis artificiels, chute dans un monde dépravé.
Dans la troisième partie du roman, elle renaîtra à la lumière en faisant connaissance de son sauveur, Georges.
Ce roman engagé (qui paraît maintenant bien innocent car ses détails érotiques scandaleux pour l'époque, ne sont que des périphrases sans mots crus !! ) valut à Victor Margueritte d'être déchu de sa Légion d'Honneur, bien que défendu par Anatole France.
Ce roman, nous dit Michel Lagrange est pourtant extrêmement intéressant par les thèses qu'il développe :
-l'évocation d'une bourgeoisie sans scrupule, milieu pourri et corrupteur
-la misère du petit peuple, représenté par Julia, la servante vitriolée, qui subit les coups de son mari
-La compréhension par l'héroïne de la politique qui pourrait évoluer.
-l'espérance d'une société humaniste.
Un point obscur cependant : l'antisémitisme larvé de certains passages, mais ce trait était, hélas, dans l'air du temps.
Le livre est hélas introuvable à notre époque, Michel Lagrange en a déniché un exemplaire chez Emmaüs !
Pour lire un résumé de l'intrigue, cliquer sur le lien :
La Garçonne, de Victor Margueritte
Le cinéma s'empara en 1936 du livre de Victor Margueritte "la Garçonne", on y vit la lumineuse Marie Bell jouer le rôle de Monique Lerbier.
Dans ce film on vit, et entendit une débutante: Edith Piaf qui chantait une chanson d'une rare violence..Michel Lagrange nous la fit écouter.
J'ai retrouvé cette chanson sur Youtube:
Un dernier cliché, tout personnel : voici la photo d'une jeune fille dans les années 30, c'était ma mère...Eh oui, on pouvait aussi suivre la mode "garçonne", en province, mais sans les dépravations parisiennes !
(Des commentaires sur le thème de l'article seront les bienvenus, ils me montreront que ce blog vous intéresse et ils me donneront envie de continuer à l'alimenter .
Merci.)
-
Commentaires
merci pour cette retransmission de Piaf. Je pense que la jeune femme alanguie était Arletty et bravo pour le portrait de votre maman, magnifique