• Dominique Masson nous propose un notule sur le château de Gurgy la Ville, qu'il en soit remercié.

    Notule d’histoire :

    le château de Gurgy-la-Ville

      Le « château des hirondelles », tel est le « surnom » donné au château de Gurgy-la-Ville par ses actuels propriétaires.

    S’il n’avait pas été racheté en 2005 par M. Jean-Philippe Guerra et sa femme, Eliane, un entrepreneur en maçonnerie-taille de pierre spécialisée dans la restauration du patrimoine et ancien compagnon du devoir, le château allait s’écrouler dans les mois à venir.

    Pour ce sauvetage, ils ont obtenu en 2014 dans la catégorie « patrimoine bâti parcs et jardins » un premier prix régional du patrimoine pour ce sauvetage.

    A son départ en retraite, les ouvriers de son entreprise lui ont offert une truelle géante, qu’il a mise comme enseigne sur l’une des tours ; le château aurait pu aussi bien être surnommé « à l’enseigne de la truelle ».

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 1 :La truelle géante fichée dans le mur de l'une de ses tours.

    Peu de distance sépare « Gurgeium Villa » de « Gurgeium Castrum », mais ces deux villages, tous deux dans la province de Champagne avant la Révolution et du bailliage de Langres, ont une histoire bien différente.

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    Figure 2 : Carte du duché de Bourgogne par Delisle début XVIIIème siècle. Gurgy-la-Ville et Gurgy-le-Château se trouvent en Champagne, mais entre Châtillon et Arc en Barrois qui sont à l'époque en Bourgogne.

    Gurgy-le-Château (ou Gurgy-le-Châtel) apparaît dans les textes en 1106, tandis que Gurgy-la-Ville apparaît un peu plus tard, en 1185.

    En 1199, l’abbé de Clairvaux, Guy, intervient dans une dispute entre l’abbaye d’Auberive et celle de Longuay, concernant l’étendue de leurs pacages respectifs ; à l’avenir, la première disposera pour elle seule de tous ceux de Buxerolles, Gurgy-le-Château et Faverolles, sans outrepasser du côté de Longuay la voie antique conduisant de Gurgy-le-Château à La Chaume ; et la seconde disposera de tous ceux de Gurgy-la-Ville, Lucey et La Chaume, sans dépasser cette voie du côté de la grange de Val-Serveux et Faverolles

    [i]. En 1231, Henri de Nogent reconnaît avoir cédé à l’évêque de Langres, pour 30 livres, la moitié des dîmes de Gurgy-la-Ville et sa part dans celles de Gurgy-le-Château ; car les cures de chacun des villages sont à la collation de l’évêque de Langres

    [ii]. Ce sont tous les deux des seigneuries, mais avec des seigneurs différents et il n’est pas évident de savoir quel seigneur est de l’un ou l’autre village.

    Cependant, en 1270, la seigneurie de Gurgy-le-Château est vendue à l’évêque de Langres, avec le château, et sera alors une seigneurie ecclésiastique, alors que la seigneurie de Gurgy-la-Ville restera toujours une seigneurie laïque.

    En 1236, Simon, seigneur de Châteauvillain, atteste que Guillaume de Gurgy a rendu hommage à l’évêque de Langres

    [iii], mais il est difficile d’en savoir plus sur les seigneurs de Gurgy au moyen-âge. Certains citent Robert de Gurgy en 1201 et Jean de Gurgy en 1340

    [iv]. Un peu avant 1400, eut lieu le partage de la seigneurie de Gurgy ; Simone de Saint-Balo avait deux filles. L’une, Simone de Chauffour, épousa Oudot de Senailly et eut la maison forte et la moitié de la justice ; l’autre fille, Jeanne de Chauffour (ou Jeannette), épouse d’Arnoult (Arnould) de Dampierre, écuyer, eut « les basses maisons de la maison forte » et probablement l’autre moitié de la justice du lieu

    [v].Pour la branche « Dampierre », on trouve ensuite Pierre Pignard, marchand, seigneur de Dampierre et de Gurgy en partie, procureur à Langres de 1487 à 1491, mort en 1518 (fils de Guyot, seigneur de Dampierre, il fut marié à Catherine Girault) ; son fils, Guy, seigneur de Gurgy en partie, fut bailli à Langres en 1520, puis secrétaire du roi (mort avant 1541, il était marié à Raimonde Ribotteau).

    Puis c’est la branche « Gurgy » de la famille Legoux. Guillaume Legouz, écuyer, seigneur de Vellepesle, est aussi seigneur de Gurgy et La Villeneuve, conseiller du roi en ses conseils d’état et son premier avocat général au parlement en 1586.

    On voit alors que Gurgy est plus du côté bourguignon que champenois.

    Il avait épousé Renée Levallois, dont il eut Bernard Legoux, écuyer, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi en 1618 ; de son mariage, en 1623, avec Anne Morin, il eut une fille, Odette, qui épousa Henry François Garnier et lui apporta Gurgy.

    Leur fils, Georges, écuyer, seigneur de Gurgy en partie, né vers 1666, épousa Anne Febvre, née vers 1658, fille de Richard Febvre et Claude Becquet.

     [i]Archives de Haute Marne-ADHM ; 1 H 36 ; cité dans : « Benoît Chauvin : le Val-Serveux et l’abbaye d’Auberive » ; Les Cahiers Haut-Marnais ; n° 307, 2023/2

    [ii]Roserot Alphonse :

    [iii] ADHM ; G 303

    [iv]Nicolle Adolphe : « monographie de la commune de Gurgy-la-Ville, 1888 » (Cahiers du Châtillonnais, n° 70) ; l’abbé Jacques Denizot parle de Euvrard, écuyer, et son frère, Huo, qui sont seigneurs en 1183 (Bibliothèque de Dijon, Ms 1727-1732) ; certains parlent également de Jobert de Gurgy en 1185

    [v] ADHM ; G 303

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 3 : Armorial général par d'Hozier 1696

    Puis leur fils, Henry François, seigneur de Gurgy en partie, eut une fille, Jeanne, qui épousa à Germaines, le 25 juillet 1690, Simon Fornier de Germaines, écuyer, ancien garde du corps, lieutenant des chasses et plaisirs de S.M au bailliage de Langres.

     Suivre l’autre partie de la seigneurie, dont faisait partie le château, est plus difficile.

    En 1440, le fils de Simone et Oudot de Senailly, Jean, donne son dénombrement, notamment pour la maison forte.

    C’est lui qui va subir les désastres de la guerre entre les Bourguignons et les Français.

    Le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, était en guerre avec le roi de France, Louis XI.

    Les troupes royales, mêlées à beaucoup de Liégeois révoltés contre le duc, se jetèrent, au commencement de 1472, sur la Bourgogne ; Gurgy-le-Haut (le Château) et Gurgy-le-Bas (la Ville), furent brûlés ; mais le duc reprit l’offensive et chassa les troupes royales.

    En 1473, Jean de Senailly, en considération des désastres des dernières années, où en particulier le château fut brûlé, accorde une taille abonnée aux habitants du lieu pour qu’ils reviennent y demeurer[i]

    C’est probablement lui, ou son fils, qui va reconstruire le château tel qu’il est aujourd’hui, dans ses grandes lignes.

     (i]« Vidimus de 1485 », ADHM, G 303 ; cité par Mouillebouche Hervé : « les maisons-fortes en Bourgogne du nord du XIIIe au XVe siècle »; Dijon, 2002

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    Figure 4 : La façade externe du château avec les traces du pont-levis

    Le château, ou plutôt la maison forte, s'organise aujourd’hui sur une plate-forme carrée, fermée à l'est par un corps de logis à un étage carré sous toit à croupe, au nord par une grange, au sud par un bâtiment de courtine au droit du côté du logis et par un simple mur à l'ouest.

    Le corps de logis principal à l’est est composé d’un rez-de-chaussée, d’un étage carré et d’un étage de comble couvert d’un toit à croupe, avec trois lucarnes en œil-de-bœuf ; ce logis était percé à l’est d'une porte charretière plein-cintre accostée d'une porte piétonne à gauche, avec trois rainures de flèches de pont-levis; à l'aplomb de la porte charretière, se trouvent trois blasons bûchés et une fenêtre haute.

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 5 : Les rainures des flèches du pont-levis, au-dessus les restes des blasons

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    Figure 6 : La cheminée de la "salle des gardes" derrière le pont-levis

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    Figure 7 : Une salle au rez de chaussée

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    Figure 8 : Une cheminée, dessin de Louis Victor Petitot (album de dessins autour de la Haute Vallée de l'Ource 1999)

    La plate-forme est garnie de deux tours rondes, du côté sud. Au sud-est, la tour est attenante au logis principal ; au sud-ouest, c’est une tour ronde isolée, reliée au logis par la courtine et flanquée d’une échauguette à cheval sur la courtine.

    Ces tours sont percées de canonnières à ébrasement externe oblong.

    De ce côté sud, il reste une trace du fossé.

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    Figure 9 : La tour sud-est, avec des canonnières au raz du toit et au raz du sol

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 10 : la tour du sud-ouest

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    Figure 11 : Les deux tours et le fossé en eau

    Après le rattachement de la Bourgogne à la France, en 1477, le fils de Jean, Antoine, rend hommage au roi le 18 août 1481, pour Colombey et La Villeuve aux Fresnes, à lui échus par décès de son père ; en 1491, c’est l’aveu et le dénombrement donnés par Antoine de Senailly, seigneur de Rimaucourt, Colombey-les-Deux-Eglises et Gurgy[i].

    On trouve ensuite Pierre Ier de Senailly (marié à Orceline de Thuillières), baron de Rimaucourt, seigneur de Gurgy en partie, de Laneuvelle et de Ravennefontaine, décédé vers 1548[ii].

    Puis son fils, Théodore de Senailly, seigneur de Gurgy en partie et de Rimaucourt ; il fut gouverneur du château de Joinville et mourut vers 1592 (il se maria avec Claude d’Anglure).

    On trouve, au début du XVIIe siècle, Philiberte Garnier dame de Gurgy, qui épouse de Jean Girault, seigneur de Fresnoy[iii].    

    Au XVIIIe siècle, les Febvre vont réunir les deux parties de la seigneurie de Gurgy.

    Ce sont peut-être eux qui vont aménager un parc à l’arrière du château, avec un nymphée, du côté où se trouvait autrefois l’entrée du château.

    En 1737, le dénombrement est fait par Antoine Febvre (né vers 1680/1690 et décédé entre 1732 et 1756), écuyer, gendarme de la garde du Roi, et Jeanne Garnier, sa femme ; il va être seigneur de la totalité, savoir pour un quart par acquisition faite le 18 janvier 1725 du sieur Fournier de Germaines (époux de Jeanne, fille d’Henri François Legoux)  et, pour le surplus, à cause de ladite Jeanne, comme héritière de François Garnier, écuyer, son père[iv].

    [i]ADHM, G 303

    [ii] Pierre de Senailly apparaît lors de la convocation du ban du bailliage de Sens (duché de Langres) ; il est taxé de40 livres, pour un revenu de sa seigneurie de 193 livres 5 sols, lors d’une montre le 15 juillet 1545 (« le ban et l’arrière ban du bailliage de Sens, publié par Maurice Roy ; Sens, 1885)

    [iii] Les Choiseul furent seigneurs de Senailly et aussi seigneurs de Fresnoy

    [iv]ADHM ; G 303

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    Figure 12 : le nymphée, dessin de Louis Victor Petitot (album de dessins autour de la Haute-Vallée de l'Ource 1999)

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    Figure 13 : Le nymphée aujourd'hui (la statue a été retaillée par le propriétaire, de même que les autres bustes)

    Son fils, Richard Febvre, né en 1718, maître de camp de cavalerie, va, en 1756, acheter la seigneurie de Mauvilly et vendre Gurgy au duc de Penthièvre, pour 190 000 livres, tout en gardant le nom (marié à 1738 à Cécile Rougeot, son fils, officier de cavalerie, s’appellera Richard Febvre de Gurgy).   

     Louis Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, est né le 16 novembre 1725.

    C’est le fils unique de Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, fils légitimé de Louis XIV et madame de Montespan.

    En 1693, celui-ci achète le marquisat d’Arc-en-Barrois et, en 1703, Louis XIV érigea le comté de Châteauvillain en duché-pairie pour lui et ses descendants.

    Son fils, Louis Jean Marie, l’une des plus grosses fortunes du royaume, fut gouverneur et lieutenant général de Bretagne et amiral.

    Pour compléter le duché de Châteauvillain, il acheta la seigneurie de Gurgy.

    Avec celle-ci, il fut aussi en possession du haut-fourneau et de la forge, construits probablement vers le milieu du XVIIIe siècle (ce qui entraîna son association avec Aubepierre) ; en 1772, il y était produit 200 000 livres de fer par an.

    Le duc de Penthièvre mourut en Normandie, le 4 mars 1793 ; il avait légué tous ses biens à sa fille, Adélaïde, mais tous ses biens furent alors confisqués.

    Le coup d’État de 1797 va contraindre celle-ci à s’exiler en Espagne.

    Elle revint en France en 1814 et une partie de ses biens lui fut rendus, en particulier les bois (Arc fut restitué en 1814) ; en 1820, les bois de Gurgy étaient gérés par les gardes du duché de Châteauvillain.

    Mais le château avait dû être vendu et acheté par des bourgeois, tandis que fourneau et forge se retrouveront en possession de Jean-Baptiste Edouard Bougueret, maître de forges (né à Gurgy en 1809) qui apportera en 1845 ces usines à la société en commandite Bougueret-Martenot [i].

    On ne sait quand le château perdit ses autres tours. Au XIXe siècle, le château apparaît composé de deux côtés, sans grange adventive.

     [i]Cette société deviendra en 1860 la Société des Forges de Châtillon et Commentry ; mais, en 1860, Bougueret demande de ne pas être imposé à la contribution foncière, le fourneau étant « dans un état de délabrement qui ne permet plus de l’employer à sa destination d’usine ».

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 14 : Gurgy-la-Ville, cadastre napoléonien

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    Figure 15 : Gravure d'Eugène Nesle 1858 (album pittoresque de l'arrondissement de Châtillon sur Seine 1858)

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    Figure 16 : Dessin de Louis Victor Petitot (album de dessins autour de la Haute Vallée de l'Ource 1999). On distingue les rainures des flèches du pont-levis et on voit la souche d'une cheminée.

     Plus tardivement, furent ajoutés au nord des écuries et une chambre à four.

    Au XXe siècle, le château fut la propriété de familles d’agriculteurs, les derniers étant la famille Défaut, puis la famille Sullerot.

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 17 : La grange rajoutée côté nord, accolée au corps de logis.

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    Figure 18 : Le château. Carte postale vers 1900, Bogureau éditeur

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

     Figure 19 : le cadastre actuel

     Les bâtiments n’étant pas inscrits aux Monuments Historiques, le propriétaire a pu restaurer selon son goût certaines parties, tout en conservant une unité pour l’ensemble du château.

    Ainsi, il a, au-dessus du nymphée, construit une petite "Folie" ; elle n'est pas terminée car il doit encore lui construire un fond et une voûte qu'il a l'intention de décorer d'une fresque.

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    Figure 20 : La "Folie", devant le bassin supérieur

     De même, pour fermer la cour du côté ouest, contre le mur séparant de la rue, il a construit une "Fabrique de jardin" à l'aide de pierres de pays alternant avec des pierres percées trouvées dans la région.

    A l'intérieur, un banc est surmonté de deux têtes sculptées en pierre.

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 21 : A droite les écuries et la chambre à four. Au fond la "Fabrique de jardin"

    "Le château de Gurgy la Ville", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 22 : La courtine reliant les deux tours.

     Il en est de même pour la courtine reliant les deux tours, qui a été reconstruite ; la fenêtre n’est pas d’origine, mais l’archère est bien en place ; on peut remarquer qu’elle permettait de tirer sur l’ennemi qui pouvait avoir pénétré dans la cour du château.

    Depuis 2005, la famille œuvre pour restaurer, pérenniser, transmettre ce patrimoine bâti chargé d'histoires. C’est une entreprise «« gurgygantesque » comme aime à le rappeler Jean-Philippe Guerra et, afin d’aider à continuer la restauration du château, il est possible de dormir au château pour des « nuits insolites ».

    ( Dominique Masson )


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  • Dominique Masson nous offre un notule sur l'enfance de Lacordaire, merci à lui !

    Notule d’histoire

    Le curieux précepteur du jeune Henri Lacordaire

    La famille Lacordaire a ses origines en Haute Marne, à Bussières-lès-Belmont  (intégré aujourd’hui à  la commune nouvelle de Champsevraine )

    "Le curieux précepteur du jeune Henri Lacordaire", un notule d'histoire de Dominique Masson

    figure 1 : la maison de la famille Lacordaire à Bussières (Haute Marne libérée du 16/01/1968)

    Jean-Baptiste Lacordaire (1686-1751) avait épousé Geneviève (1689-1757), fille d’André Clerget, intendant des salines royales à Salins, et de Magdeleine Charlot.

    Lui-même est chirurgien et il y aura une lignée de médecins ou de chirurgiens à Bussières; ce sera d’abord son fils, François (1717-1781), puis ses deux fils à lui, Jean François, qui reprit la succession de son père à Bussières, et Nicolas Alexandre (1760-1806) qui fut d’abord médecin de marine et participa à la guerre d’indépendance des Etats-Unis, puis continua ses études à Paris. 

     Ce dernier revint ensuite s’installer non loin de sa famille; il subit l’examen de maître-chirurgien à Châtillon en mars 1787 et acheta, à Recey, la maison du notaire royal.

    L’année suivante, il épousait le 7 avril 1788, à Voulaines, Jeanne Pétot, fille du notaire royal.

    Il était acquis aux idées libérales et fut le premier maire de Recey, du 15 février 1790 au 19 novembre 1791.

    Le 24 septembre 1791, il acquit, avec le notaire de Recey Claude Buretey et le laboureur Joseph-Valère Buzenet de Coulmiers-le-Bas, la maison conventuelle de Lugny, mais ils la revendirent le 26 octobre suivant au maître de forges à Bézouotte, M. Lagnier l’aîné; entre temps, ils firent déplacer vers l’église de Recey l’autel en marbre de la chapelle de Lugny et quelques tableaux.

    Ami du curé réfractaire de Recey, l’abbé Magnier, il le cacha lorsque celui-ci, revenu de Rome, tentait de revenir dans son ancienne paroisse; là, il put dire la messe secrètement pendant plusieurs mois.

    De son père Henri Lacordaire dira que sa conversation était agréable, pleine d'esprit et d'entrain, et la maison aux six fenêtres de façade et deux portes fenêtres, recevait souvent des amis de choix.

    Il se souvenait aussi de ce cercle autour de son père qui intéressait, passionnait par ses vues profondes, ses aperçus inattendus.

    Le docteur Nicolas Lacordaire était simple médecin du village de Recey-sur-Ource; sa famille l'avait vivement pressé de s'établir à la ville, où il n'aurait pas manqué de prendre, grâce à son mérite, un rang distingué ; mais il préférait par goût la vie des champs.

     Veuf de Jeanne Pétot en 1796, il se remarie quatre ans plus tard, le 21 mars 1800, à Recey, avec Anne Marie Dugied, dont le père avait été avocat au Parlement de Bourgogne.

    Un premier enfant naquit, le Ier février 1801, prénommé Théodore, puis ce fut, le 12 mai 1802, la naissance de Jean Baptiste Henri, le futur père Lacordaire, baptisé le lendemain (à Lucey ou à Recey, car l’acte, rédigé après coup, est sur une feuille volante.

    Lacordaire a toujours dit qu’il avait été baptisé à Recey) :

    Je suis né le 12 mai 1802 à Recey, dira-t-il, petit bourg des montagnes de la Bourgogne, assis sur le penchant d’une colline, au bord d’une rivière appelée l’Ource, qui est un des affluents de la Seine.

    De vastes forêts entourent ce village d’une ombre épaisse et en font une solitude sérieuse.

    L’abbaye du Val-des-Choux, la chartreuse de Lugny, un prieuré de Malte, le magnifique château de Grancey, étaient les plus proches voisins de mon lieu natal et lui donnaient le caractère d’une habitation plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui…

    "Le curieux précepteur du jeune Henri Lacordaire", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 2 : Henri Lacordaire, avocat, dominicain, député, académicien (carte postale)

    Le jeune Henri fut mis alors en nourrice près d’une femme de Recey, Colette Marquet, et eut un frère de lait.

    Le couple accueillit un troisième garçon, le 15 mai 1803, baptisé Léon.

    Mais, au plein de l'hiver 1806, Nicolas prit un refroidissement qui augmenta sa maladie de poitrine, incurable à l'époque (ou une maladie d’estomac, elle aussi incurable); il alla prendre les eaux à Bourbonne, en Haute Marne, mais, sentant sa fin arriver, il s’en alla à Bussières, près de son frère, Jean François.

    Sa famille vint le rejoindre et le petit Henri fut repris à sa nourrice.

    C’est là que Nicolas mourut, le 3 août 1806.

    Sa femme accoucha, 8 jours après, d’un fils posthume, Télèphe (né le 11 août 1806).                                                                   

    Je n’ai conservé aucune mémoire de mon père; il mourut en 1800, après six années de mariage, laissant à sa veuve quatre enfants mâles et une situation de fortune qui n’était ni l’aisance ni la pauvreté, mais tout juste le strict et honnête nécessaire.

    Ma mère vendit la maison où j’étais né et retourna immédiatement à Dijon, où étaient ses parents et les amis de sa jeunesse.

    "Le curieux précepteur du jeune Henri Lacordaire", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 3 : la maison natale d'Henri Lacordaire à Recey sur Ource, occupée autrefois par une communauté religieuse (carte postale)

    La jeune veuve (elle n’avait que 31 ans et quatre enfants) dut prendre rapidement plusieurs décisions.

    Elle resta onze mois chez son beau-frère puis décida de repartir à Dijon et s’installa rue Jeannin, probablement grâce à la vente de la maison de Recey qui eut lieu en août 1807.

    Elle choisit d’emmener avec elle, en juillet 1807, ses deux plus jeunes fils; elle confia Théodore, âgé de cinq ans, à un prêtre qui tenait une petite école.

    Quant à Henri, il fut décidé qu’il resterait à Bussières, chez son oncle Jean François et sa tante, Geneviève, bonne et croyante.

    Sa mère lui rendait visite régulièrement et toute la famille se retrouvait là durant les vacances:

    C’est le seul lieu de mon enfance dont le souvenir ne m’apparaît jamais sans délices

    dira plus tard le père Lacordaire.

    A six ans, il se rend à l'école de Belmont, distante de trois kilomètres de Bussières, pour quelques leçons de latin.

    Celui qui l’accueille, c’est un parent éloigné, Pierre Liebaux.

    Celui-ci est né le 6 juin 1767 à Sionnes, dans les Vosges.

    Ordonné prêtre le 18 juin 1791 par monseigneur Wandelaincourt, évêque constitutionnel de la Haute Marne, il exerce pendant quelques semaines les fonctions de vicaire à la paroisse Saint-Martin de Langres puis est nommé à Bussières comme prêtre assermenté et devient le curé intrus, remplaçant l’ancien prêtre en place.

    Mais, le 6 avril 1794, il va déclarer cesser ses fonctions et se retire à Langres puis revient à Bussières pour se marier, le 11 septembre, à Marie-Anne Collin, âgée de 18 ans, fille de Gengoulph Collin, ex-seigneur de Pierrefaites-Montesson, et de Catherine Moris; c’est par elle que la famille Liebaux est apparentée à la famille Lacordaire.

    Le couple va demeurer longtemps à Belmont, dans une partie de l’ancien couvent des Bernardines qu’il a acheté.

    "Le curieux précepteur du jeune Henri Lacordaire", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure4 : Lien de parenté entre Lacordaire et Liebaux

    C’est là que le jeune Henri va recevoir ses premières leçons de latin, pendant environ dix mois.

    Mais, en 1809, madame Lacordaire rapatrie son fils à Dijon:

    ma mère m’introduisit alors dans une petite école pour y commencer mes études classiques.                                         

    Quant à Pierre Liebaux, il quittera Belmont pour Arc-en-Barrois, où il sera nommé maire en 1819 puis, après sa démission en 1824, juge de paix du canton d’Arc en 1830.

    Il eut huit enfants.

    Il décédera en 1847, confessé et administré, et sera inhumé au cimetière d’Arc.

    Le père Lacordaire regrettera la vente de la maison de Bussières, en 1858.Dans un de ses derniers voyages, il fit un assez long détour pour aller à Recey, s'agenouiller sur la tombe de son père.

    Il voulut revoir encore une fois la maison paternelle.

    Tous ces souvenirs d'alors lui revinrent.

    A cinquante ans d'intervalle, rien n'était changé. Il se retrouvait chez lui. C'était le même arrangement, les mêmes tapisseries aux murs. Il s'en étonnait auprès du propriétaire actuel:

    Ah  ! Mon Père ! Lui fut-il répondu, cette maison est sans prix à mes yeux à cause du nom qu'elle rappelle; tant que je vivrai, je ne permettrai pas de toucher à aucun de ces souvenirs !

    "Le curieux précepteur du jeune Henri Lacordaire", un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 5 : l'intérieur de la maison Lacordaire vers 1900 (carte postale)

    (Dominique Masson)

      Bibliographie :

    - Fourtier Gilles: les tribulations d’un abbé révolutionnaire; Les Cahiers Haut-Marnais; n° 295, 2019/4

    -Villard Henri: correspondance inédite du père Lacordaire –lettres à sa famille et à ses amis; Paris, Bruxelles, 1876

    - Chocarne B.R.P: le R.P.H Lacordairede l’ordre des frères prêcheurs, sa vie intime et religieuse ; Paris, 1866

    - Marteau de Langle de Cary Marie et Monneret Jean-Guy : prophète en son pays, Lacordaire; Paris, 1961

    -Philibert Anne: Henri Lacordaire; Editions du Cerf, Paris, 2016

    - Perrenet Pierre: Lugny; Dijon, 1971


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  • Dominique Masson nous présente une notule d'histoire passionnante :

    Un voyage dans le Châtillonnais au XVIe siècle: le récit de l’ambassadeur vénitien Jérôme Lippomano

    Jérôme (Girolamo en italien) Lippomano appartient à une famille patricienne de Venise (Lippomano, Lipomani ou Lippoman), originaire de Negroponte (île grecque d’Eubée), et fut agrégée à la noblesse vénitienne à la suite des services offerts par l’un de ses ancêtres.

    Né en 1538, il est issu d’une famille de banquiers; il sera considéré comme l’un des plus habiles politiciens de sa région et se fera nommer ambassadeur auprès de plusieurs cours européennes tout au long de sa carrière.

    En 1577, il fut nommé ambassadeur de Venise auprès du royaume de France.

    "Un voyage dans le Châtillonnais au XVIème siècle", une notule d'Histoire  passionnante de Dominique Masson

    (Figure 1 : Armes des Lippoman : de gueules à une bande d'argent avec deux têtes de lions arrachées de même, posées en pal)

     Avec sa suite, il se rendit,par voie terrestre,auprès du roi de France Henri II.

    Son secrétaire fit la relation de ce voyage, assez mouvementé car, à cette époque, la France était en proie à une guerre civile entre catholiques et protestants, guerre commencée en 1562.

    L’ambassadeur fait donc son voyage en traversant un pays où alternent guerres et périodes de paix relative, mais où circulent de nombreuses bandes armées.                                                                                                                             Ce récit, Voyage de Jérôme Lippomano, ambassadeur en France en 1577, par son secrétaire, fut traduit, avec d’autres, en français, en 1838 [i].

    Mais M. Charles Rouhier, docteur à Grancey-le-Château et originaire de Recey, historien et archéologue, en avait aussi demandé une traduction, en 1863, à un autre historien local, M. Gaveau, de Magny-Lambert [ii].

    "Un voyage dans le Châtillonnais au XVIème siècle", une notule d'Histoire dde Dominique Masson

    (Figure 2 : relations des ambassadeurs vénitiens par M.Tommaseo Paris 1838)

    Parti de Venise le 4 février 1577, l’ambassadeur passe à Lodi, Alexandrie, Asti, Moncaliero, Turin, puis arrive à Suze, un pays renommé par les bons vins qu’on y fait et qui s’exportent en grande quantité, par toute la Savoie.

    Avant de traverser le Montcenis, il couche dans un petit village dont il dit:

    C’est un pays tout à fait stérile, ne produisant ni grain, ni vin. Aussi, les pauvres habitants mourraient-ils de faim, sans la foule innombrable de voyageurs qui y passent chaque jour, pour aller en Italie, en France, dans la Flandre, en Angleterre, et même en Espagne.

     Le 15 avril, Lippomano se trouve au Montcenis :

    La neige, en certains lieux, était si peu résistante, que les chevaux et les mulets s’enfonçaient jusqu’au poitrail et qu’on avait peine à les dégager.

    A Lunebourg [i], c’est un miracle de trouver quelque chose, puisque, disent les paysans eux-mêmes, le soleil n’y paraît guère que trois mois de l’année.

    La contrée est réellement misérable, comme presque toute la Savoie, principalement jusqu’à St Jean de Maurienne.                                                                  Après avoir vu Chambéry et Aix les Bains, Lippomano entre à Belley le 23 avril.

    Tandis que nous discourions sur ce qu’il y avait de plus sûr, ou de prendre la grande route de Bourgogne, pour éviter La Charité, ou d’aller à Roanne pour nous embarquer sur la Loire, nous apprîmes que des Provençaux, gens nés pour mal faire, postés entre Tarare et Roanne, nous attendaient sur le chemin, demandant aux voyageurs s’ils ne nous avaient pas rencontrés.

    Par ce motif, M. l’ambassadeur, craignant aussi de ne pouvoir éviter les détachements de l’armée qui s’était déjà débandée après le siège de La Charité, prise en ce moment-là, résolut de se diriger vers la Bourgogne [ii]

    Il passe la Saône sur un bateau et s’arrête à Mâcon, où il trouve le logement confortable, mais d’un prix trop élevé.

    Le 28, il s’embarque sur la Saône et, deux jours après, arrive à Chalon, dont on construisait la citadelle; il vante la position avantageuse et le mouvement commercial de cette ville :

    Chalon est une belle, grande et forte ville, ornée d’un riche hôpital, de belles églises, de beaux édifices, de deux ponts superbes.

    Le pays est riche en vins et en blés.

    Entre Chalon et Beaune, il y a des bois très peu sûrs et la route est dangereuse.

    Le 30, les voyageurs arrivent à Antigny et se rendent à Beaune, dont ils admirent l’hôpital.

    L’hôpital de Beaune est peut-être le plus riche de France ; il y a des appartements pour loger le roi, la reine et les princes de sang.

    Nous logeâmes dans les faubourgs, à l’hôtel St Nicolas, où nous fûmes assez convenablement ; le maître d’hôtel et sa femme furent très raisonnables.

    Entre Beaune et Dijon, où nous entrâmes le Ier mai, on remarque deux châteaux avec deux terres qui en dépendent, terres ruinées peu auparavant par les Reîtres; il s’agit de Nuits et Arzili [iii]  ; ces châteaux furent saccagés et détruits, comme presque tout le pays voisin, à l’exception de la ville et des grosses terres murées, par les Reîtres, il y a deux ans.                                                               

    Dijon est la capitale de la Bourgogne; c’est là que sont jugées toutes les causes du pays, ou d’après la volonté des parties, ou bien en dernier ressort.

    On y construit en ce moment un édifice pour le Parlement; ce bâtiment sera superbe par son architecture noble et sévère, par la richesse des ornements et la beauté de ses statues.

    Elle renferme de nombreuses, grandes, riches et belles églises; la cathédrale, en particulier, est regardée comme une des plus belles de France, sinon des plus grandes; elle a une des 3 saintes chapelles de France, laquelle est bâtie avec luxe, plus une collégiale, dont les chanoines, gouvernés par un doyen, sont indépendants de l’évêque du lieu…

    Cette ville a 4 portes et 33 tours, aujourd’hui pleines de terre…

    A côté, passe un ruisseau qui va se jeter dans la Saône; les gens du pays l’appellent Saluzze [iv].

    Le premier magistrat de la ville de Dijon (car je ne compte pas ici le parlement) s’appelle maire, comme dans toutes les villes de la Bourgogne et dans plusieurs provinces de France.

    Il est élu chaque année par ses concitoyens, dans la classe des nobles ou des bourgeois; il a une garde de hallebardiers et son autorité n’est pas sans importance.

    Etant allé chez lui, comme je le fais partout où je passe, je le priai très poliment de me donner, avec les certificats ordinaires de santé, un passeport qui, émanant de la capitale de la Bourgogne, pût me servir pour les autres localités, afin que personne ne mit obstacle au voyage de M. l’ambassadeur; je lui donnai à entendre qu’il ferait ainsi une chose agréable à sa majesté.

    Le bon homme (pour ne pas l’appeler autrement), fit des difficultés, doutant réellement que ce fût l’ambassadeur de Venise, et ajouta: c’est sans doute quelque particulier qui prend ce titre.

    Comme je lui montrais en pure perte les lettres patentes de la seigneurie sérénissime, de son excellence Mgr le gouverneur de Milan, du duc de Savoie et du très puissant seigneur le gouverneur de Lyon, il finit par me dire: comment ce gentilhomme peut-il être ambassadeur de Venise, s’il est vrai que tout le monde y est mort de la peste l’an dernier et qu’il n’en est pas resté un seul vivant ?

    Je lui représentai que le fait était inexact et qu’il n’était guère mort dans cette ville que 40 à 50 mille personnes tout au plus [v].

    Eh! bien, n’ai-je donc raison?reprit-il; je me figure précisément qu’il doit être resté très peu de monde.

    Je me vis obligé de lui répondre que la mort de milliers de personnes à Venise laissait moins de vide que des dizaines à Dijon.

    Il demeura déconcerté de cette réponse et, comme je témoignais le désir de partir, disant qu’après tout, je ne me souciais plus guère de son passeport (et que j’en informerais le roi), il m’en fit délivrer un en bonne et due forme.

    Le soir du 2 mai, nous arrivâmes à Saint-Seine, abbaye et pays entouré de murs, bien que peu important, à 5 lieues de Dijon, cheminant toujours au milieu des vallées et des collines, comme l’on fait presque continuellement jusqu’en Champagne.

    La route toutefois n’est pas bien fatigante ni dangereuse; elle est même bonne et presque toute en plaine, offrant de 2 lieues en 2 lieues des villages qui, ruinés ces années dernières par les Reîtres, se garnissent maintenant d’une enceinte de murailles et de fossés, aux frais des communes et du consentement du roi.

    St Seine a une église dont on a fait en quelque sorte une forteresse, mais peu considérable parce qu’elle est enfoncée dans la vallée.

    Cependant les gens du pays y placent, comme en lieu sûr, ce qu’ils ont de plus précieux.

    Ils ont à craindre, non seulement les dépravations des Reîtres, quand il en passe, mais aussi les gens d’armes qui s’établissent souvent à discrétion, tout catholiques qu’ils sont, comme l’avaient fait la veille 6 enseignes d’infanterie et 6 de cavalerie, conduits par le fils du gouverneur de Metz et qui allaient rejoindre Mgr d’Alençon, frère de sa majesté très Chrétienne, lequel se dirigeait du côté de l’Auvergne, après la prise de La Charité.

    Cette nuit-là, nous logeâmes à l’enseigne des Sceaux, assez bien eu égard à la localité et, le 3, laissant d’abord Chanceaux, village ouvert, puis Baigneux, terre nouvellement fortifiée, le Ier à deux lieues, le second à 4 lieues de Saint Seine, nous arrivâmes le même soir à un petit château appelé Saint-Marc, que nous eûmes de la peine à atteindre de jour, à cause des détours du chemin qui se perd dans les bois plus épais qu’étendus.

    C’est ce qui fit que notre troupe, s’étant égarée, les uns d’un côté, les autres de l’autre, nous fûmes aperçus par des voleurs qui nous suivirent pendant plusieurs jours, comme je le dirai plus loin.

    Cette partie de la Bourgogne est fort stérile car, de Dijon à Saint Marc, on voit peu d’arbres, excepté près des villages; les vignes y sont également très rares.

    Cette nuit-là, nous logeâmes à l’hôtel St Georges, où nous fûmes assez mal.    

    Le lendemain matin 4, nous partîmes, et chevauchant toujours près de la Seine, au milieu de vallées très agréables, nous arrivâmes à Aisey le Duc, laissant d’abord Brémur, tous deux châteaux fortifiés et peu éloignés.

    Non loin de là, on trouve un grand mur, large de plus de 3 pas et long d’au moins 25 qui, barrant l’extrémité de la vallée, interrompt le cours de la Seine, obligée de passer à travers de faibles coupures, pour former de l’autre côté du mur de petits ruisseaux fort agréables: les fontaines amoureuses.

                                                                                                                      Ce même soir, nous arrivâmes à Châtillon-sur-Seine, à 4 lieues de Saint Marc.

    Châtillon, ville assez importante, n’est pas fortifiée ; le peu de murailles qu’elle avait fût jeté à terre par l’amiral Coligny, quand il la prit [vi] ; le château, situé sur la hauteur et dont les ruines attestent une ancienneté plus reculée, ne se compose que de tours très élevées, avec de grosses murailles, toutes d’excellente pierre.

    Ces ruines indiquent une habitation tout-à-fait royale et somptueuse.

    Au pied du rocher, jaillit une source qui, à 5 ou 6 pas de distance, devient (chose presque incroyable !) un ruisseau assez abondant pour faire marcher 4 grandes roues de moulin.

    Néanmoins, la Seine n’est pas navigable, bien qu’elle s’élargisse un peu.                                                                                                                     Nous fûmes très heureux de ne pas continuer notre route ce jour-là; sans cela, nous étions morts, ou au moins dévalisés, comme je le rapporterai tout à l’heure.

    Nous nous arrêtâmes donc pour voir la ville, qui est assez belle et assez grande et fut jadis la résidence des ducs de Bourgogne; ce fût même par un effet de la miséricorde divine, qui nous délivra d’un grand péril.

    Car, tandis que nous étions à table, dinant à l’hôtel du Lion d’or, maison confortable où les prix sont modérés, arriva un voyageur à pied qui avait fait la même route que nous.

    En entendant quelques-uns de notre compagnie parler italien, il comprit qui nous étions et dit:

    «Si, comme je le pense, vous êtes vénitiens, je vais vous apprendre une agréable nouvelle.

    En passant aujourd’hui près d’Aisey le Duc, près des Fontaines amoureuses, 4 cavaliers m’ont demandé si j’avais vu 5 mulets avec la couverture rouge d’un ambassadeur vénitien ».

    Comme je leur répondis négativement, ils se dirent: «certainement ils se sont égarés, mais nous les retrouverons vers Mussy-l’Èvêque [vii] »; et, s’éloignant de moi, ils se jetèrent dans un bois voisin.

    Peu après, arriva aussi à l’hôtel un laquais du grand écuyer du roi, que son maître envoyait de Villars le Poitiers [viii] à Dijon, lequel, apprenant que M. l’ambassadeur y était logé, nous raconta qu’à une lieue et demie de Châtillon, il avait vu une troupe d’environ 25 cavaliers passer la Seine à gué; l’un d’eux, armé et bien monté, s’étant approché de lui, lui avait demandé s’il avait rencontré plusieurs mulets avec des housses rouges; ce laquais le regardait comme l’espion d’une bande de voleurs (car les français nomment ainsi certains gentilshommes pauvres qui battent les grands chemins et se retirent ensuite dans leurs maisons ou châteaux).

    Averti de ce danger, j’allai, d’après l’ordre de M. l’ambassadeur, en conférer avec le lieutenant du roi, dont l’autorité est supérieure à celle du maire, et je le priai de vouloir bien, en se conformant aux ordres de sa majesté, nous donner une escorte de gens de pied et de cavaliers, pour nous conduire en sûreté jusqu’à Bar-sur-Seine.

    «J’ai été averti, me dit-il, que ces brigands ont passé le rivière à gué, qu’ils ont logé cette nuit dans un village à une lieue d’ici et qu’ils sont postés pour vous attendre au passage.

    Je vous conseille, ajouta-t-il, d’attendre un ou deux jours; le duc de Mercœur, cousin du roi, doit passer avec deux cents chevaux [ix]; on l’attend aujourd’hui à Châtillon.

    M. l’ambassadeur pourra aller de compagnie avec lui, ou bien attendre qu’il ait passé, car il balaiera le chemin ».

    Le duc arriva mais, changeant d’avis, au lieu d’aller à Paris, il prit à gauche pour aller rejoindre le frère du roi, qui s’était retiré en Auvergne avec son armée, après avoir pris La Charité.

    Ainsi, force nous fut, le 7 du mois, de prendre une escorte de douze cavaliers et de vingt-quatre arquebusiers, qui nous menèrent sains et saufs à Bar-sur-Seine…

    De Châtillon, nous arrivâmes à Courcelles, puis à Villars le Poitiers[x], château situé à une lieue et demie de distance; et nous eûmes de plus fraiches nouvelles de nos voleurs que, du haut de la muraille, on avait vu passer dans le voisinage.

    Nous continuâmes sans défiance notre route jusqu’à Mussy-l’Èvêque, où nous dinâmes.

    C’est une petite ville assez belle et fortifiée, avec de beaux jardins, des étangs et un superbe bâtiment pour le logement de l’évêque; bien qu’elle soit encore en Bourgogne, elle dépend de la Champagne pour la juridiction.

    Nous passâmes ensuite à Courteron, Giey sur Seine, Neuville, tous gros villages nouvellement fermés de murs par leurs habitants… Enfin, nous arrivâmes sans accident à Bar sur Seine.

    Là, ils prendront une nouvelle escorte de cavaliers et arquebusiers, avec le prévôt de Troyes en tête.

    Puis ils arrivèrent le 22 mai à Amboise, où l’ambassadeur fut reçu le 24 en audience publique; il put présenter ses lettres de créance et fit la révérence au roi.

    Lippomano et sa suite restèrent ensuite, depuis le mois de juin, pendant trois mois, à Poitiers [xi], où se trouvait la cour, car le roi voulait être au plus près des troupes qui assiégeaient Brouage.

    Après l’édit de Poitiers, le roi et la cour regagnèrent Paris et Lippomano les suivit.

    Dans ses rapports adressés à Venise, l’ambassadeur, après avoir évoqué les questions diplomatiques, donna un témoignage amusant du goût des Français, et plus particulièrement des Parisiens, pour la nourriture.

    Deux fois par semaine, les mercredis et samedis, la capitale était ravitaillée par un cortège de plus de deux cents chevaux qui traînaient des charrettes pleines de victuailles: céréales, légumes, viandes, poissons et autres bêtes vivantes.

    Le tout aurait été vendu en moins de deux heures.

    L’ambassadeur note que le veau n’était guère plus cher que le mouton, tant il y en a.

    Le porc, moins recherché, était la viande du pauvre.

    Le chevreuil aurait eu la préférence sur tous les gibiers et l’ambassadeur semble surpris que le lièvre et le marcassin passent avant la perdrix ou le faisan.

    Il est fasciné par l’abondance du poisson qu’il juge toutefois de moins bonne qualité qu’en Italie.

    Foisonnent la sole, l’esturgeon, le turbot et les huîtres qu’on trouve presque toute l’année.

    Car les Parisiens préféraient les poissons de mer, surtout l’hiver lorsque le transport le permettait.

    Parmi les poissons de rivière, il cite le brochet, la grosse lamproie et le saumon que l’on pêche aux embouchures de la Loire et de la Seine.

    Quant à la carpe, elle n’aurait été consommée qu’en pâté.

    Il remarque que les Parisiens n’ont guère de goût pour les légumes, sauf pour les pois verts, ni pour les fruits.

    La fin de vie de Jérôme Lippomano sera tragique.

    Alors qu’il était ambassadeur à Constantinople, en 1591, il est accusé par le Conseil des Dix de Venise d’avoir fourni à la cour d’Espagne de Philippe II des secrets sur les techniques de construction des navires.

    Selon la version officielle, il se serait jeté dans la mer depuis le bateau qui le ramenait pour le juger.

    "Un voyage dans le Châtillonnais au XVIème siècle", une notule d'Histoire dde Dominique Masson

    (Figure 3 : carte de Bourgogne de Joan Blaeu (1596-1773) néerlandais, indiquant "Villers-les-Potier" pour Villers-Patras)

    [i] Probablement Lans le Bourg

    [ii] L’édit de Beaulieu avait été promulgué le 6 mai 1576 ; mais, en décembre 1576, commence la sixième guerre de Religion. Le parti catholique reprit La-Charité-sur-Loire, place de sûreté protestante, point stratégique pour le franchissement de la Loire. Finalement, ce fut la paix de Bergerac, en septembre 1577, confirmée par l’édit de Poitiers, qui mit fin momentanément à cette guerre.

    [iii] Arzilles ?

    [iv] Ce doit être le Suzon qui se jette dans l’Ouche, laquelle rivière amène ses eaux à la Saône

    [v] Selon Muratori, cette peste de 1576 emporta 22 000 hommes, 37 000 femmes et 11 000 enfants

    [vi] En 1562, la guerre éclata entre le parti catholique et le parti protestant ; l’amiral de Coligny s’engagea auprès du prince de Condé, qui tenait pour le protestantisme. Le prince, avec Jean-Casimir du Palatinat, passa avec ses troupes près de Châtillon en 1576, mais il ne prit pas la ville. C’est au contraire l’époque où, à partir de 1571, de grands travaux de fortification y furent entrepris. Quant à Coligny, il avait pris, en 1570, La Charité sur Loire, qui devint l’une des quatre places fortes du protestantisme

    [vii] Mussy-sur-Seine (Aube)

    [viii] Villers-Patras

    [ix] Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercoeur et de Penthièvre, devint beau-frère du roi Henri III, lorsque celui-ci épousa sa sœur ainée, Louise de Vaudémont, en 1575

    [x]Villers-Patras

    [xi] L’édit de Poitiers fut signé le 17 septembre 1577, mettant fin à la sixième guerre de religion

     

    [ii] Archives départementales de Côte d’Or : 201 J, article1

     


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  • Dominique Masson nous offre aujourd'hui une étude sur les toits et les pigeonniers d'Ampilly le Sec (mais cette étude recouvre aussi les toitures que l'on peut voir dans tout le Châtillonnais)

    A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly-le-Sec

     Quand on passe à Ampilly-le-Sec, on peut voir, au bord de la route départementale, un groupe de maisons, aux toitures différentes.

    Mais le village d’Ampilly, si l’on parcoure ses rues à pied, offre un grand échantillonnage de toits variés.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

     Autrefois, les toitures étaient en chaume, mais présentaient beaucoup de risques d‘incendies. La lauze, ou la « lave », dans le Châtillonnais, évitait ce genre d’inconvénient. Il reste aujourd’hui peu de toits en lave dans le Châtillonnais et la confection d’un toit en pierre était laissée aux maîtres laviers.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    La tuile, en argile, depuis l’époque romaine, était fort employée. Des tuileries existaient, depuis le moyen-âge et peut-être même avant, dans le Châtillonnais, fournissant, en particulier, les châteaux ducaux.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    La tuile plate peut présenter plusieurs aspects ; si la plus courante se présente sous forme de rectangles, on trouve aussi des tuiles de forme écaille ou queue de castor.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Ces tuiles peuvent également être vernissées.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    En 1840, les frères Gilardoni d’Altkirch (Haut Rhin), inventèrent la tuile à emboîtement en terre cuite. Le principe consiste à gagner de la surface utile en remplaçant le recouvrement important des éléments entre eux, nécessaire à l’étanchéité des tuiles plates, par un jeu de chicanes emboîtées. C’est ce que l’on rencontre essentiellement aujourd’hui.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Mais il existe plusieurs formes de ces tuiles.

    On trouve couramment la tuile losangée.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Par contre, la tuile violon est plus rare ; quelques exemplaires de toitures avec ces tuiles se trouvent aussi à Montigny-sur-Aube ou à Lucey.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    La pierre ou l’argile ne sont pas les seuls matériaux pouvant servir sur une toiture. Au XIXe siècle, il y eut une mode, souvent pour marquer l’aisance ou la richesse, ou pour honorer Dieu : c’est l’ardoise, venue par le train d’autres régions françaises. En plus, le poids était beaucoup moins important sur les charpentes.

    Là aussi, les ardoises peuvent n’être que des rectangles, maintenus par des crochets de fer au lattis sous-jacent.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

     Mais il peut y avoir un peu plus de fantaisie.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Et il ne faut pas oublier les abouts de rive.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

     Les pigeonniers offrent une autre forme architecturale, en rond ou en carré, avec un rebord en pierre pour que les oiseaux puissent arriver ou s’envoler, voire un cercle entier afin que des prédateurs ne puissent entrer.

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    Mais il y a encore d’autres richesses à voir à Ampilly…

    "A la découverte des toits et des pigeonniers à Ampilly le Sec", un notule de Dominique Masson

    (Photographies Dominique Masson)


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  •  L'église Saint-Jean Baptiste, située rue Docteur Robert à Châtillon sur Seine est en pleine restauration extérieure.

    Dominique Masson nous montre quelques photos du début du chantier et nous raconte l'histoire de cette belle église.

    Merci à lui.

    Notule d’histoire :

    la réfection des extérieurs de l’église Saint Jean de Châtillon

     La population du quartier de Chaumont augmentait sensiblement au XVIe siècle et les habitants n’avaient dans la rue que la chapelle Saint Michel des Antonins.

    Sinon, ils devaient aller à l’église Saint Nicolas ou à l’église de l’abbaye Notre Dame, mais en devant franchir les murailles de Châtillon.

    Aussi, grâce aux libéralités d’un riche marchand de la rue, Jean Dupuis, obtinrent-ils de l’abbé de Notre Dame et de l’évêque de Langres la permission de construire une chapelle, entre la Grande Rue de Chaumont et la Petite, sous la coupe de l’abbé.

    Cette chapelle fut consacrée, le 10 janvier 1551, par Philibert de Beaujeu, évêque de Bethléem, au nom du cardinal de Givry, évêque diocésain.

    L’évêque fit en même temps don d’un ossement de Saint-Jean-Baptiste, pour le mettre dans une chasse et le conserver dans la chapelle.                                                                                                                   

    En 1610-1617, les habitants, probablement nombreux et trouvant la chapelle trop exiguë, l’agrandirent de plusieurs travées.

    Mais il semble que la construction ait été faite rapidement, mais avec peu de soins, de sorte qu’il fallut assez vite faire des réparations.

    La voûte menaçant ruine, des piliers arcs-boutants furent construits en 1740, les « épiliers ».    

    En 1774, les réparations devinrent urgentes, car les murs de l’église s’écartaient et le clocher menaçait de s’écrouler.

    La voûte sous le clocher fut abattue et d’énormes arcs-doubleaux construits pour le soutenir.

    Extérieurement, les arcs-boutants furent exhaussés pour mieux contrebalancer la poussée des murs ; la toiture fut réparée avec de la lave et des tuiles.

    L’année 2021 voit une nouvelle campagne de réparations, concernant les extérieurs de l’église.

    Après plus d’un mois pour monter les échafaudages, la restauration proprement dite va commencer et ne se terminera qu’en 2022.

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    figure 1 :Les travaux à effectuer à l'église Saint-Jean

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 2 : La construction des échafaudages

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 3 :La mise en place des éléments supportant la toiture, côté rue Docteur Robert

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 4 :La mise en place des éléments supportant la toiture côté rue Saint-Jean

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Fifure 5 : Les éléments de toiture en place

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 6 :La pose des plastiques formant la couverture le temps des travaux

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 7 : Un exercice d'équilibriste

    Rénovation dextérieure de l'église Saint-Jean Baptiste de Châtillon sur Seine

    Figure 8 : L'église Saint-Jean "enveloppée" le temps des travaux

    Dominique  Masson et Jean Millot ont fait découvrir les richesses intérieures de  l'église Saint-Jean Baptiste il y a quelques années, voici l'article qui relate cette visite :

    http://www.christaldesaintmarc.com/visite-de-l-eglise-saint-jean-baptiste-a701708


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  • Dans ce nouveau notule d'histoire, Dominique Masson nous fait connaître la vie d'un châtillonnais peu connu de nos concitoyens, Gustave Tridon , qui joua un rôle important dans la "Commune de Paris", dont on commémore cette année le 150ème anniversaire, puisqu'elle a eu lieu  du 18 mars au 28 mai 1871.

    Merci à l'historien pour ses recherches toujours si intéressantes.


    Gustave Tridon, les châtillonnais et la Commune de Paris

    Le 21 octobre 1830, se mariaient Jean Baptiste Tridon et Vorlette Elisabeth Morel.

    Le couple attendit le premier janvier 1841 pour avoir un fils, qui sera baptisé Edme Marie Gustave.

    Gustave Tridon

    (Figure 1 :acte de naissance de Gustave Tridon.Etat Civil de Châtillon sur Seine)

    Son grand-père paternel était Edme Tridon, marchand cirier, habitant rue de Chaumont (rue Docteur Robert) et son grand-père maternel Robert Morel, marchand tanneur, rue du Recept.

    La famille est aisée, Jean Baptiste Tridon s’était, paraît-il, enrichi en spéculant sur d’anciens biens nationaux achetés en bloc et revendus en détail [i].

    Gustave eut une enfance heureuse, choyé par une mère dévote.

    Peu avantageux physiquement, il était très intelligent et fut envoyé étudier à Dijon, puis Paris où il prépara une licence en droit [ii].

    Encore étudiant, en 1862, Auguste Tridon est accusé de complicité d’outrage public à la morale, mais il sera acquitté par la commission disciplinaire de l’enseignement supérieur, le 29 mars 1862 [iii]                                                                                 

    Devenu avocat, il ne plaidera jamais, étant indépendant financièrement, mais deviendra publiciste et se lancera dans la rédaction d’articles dans les journaux.

    En 1865, il est condamné pour outrage à la morale publique et religieuse, à cause d’un article paru dans le journal le Travail[iv].

    Il se retrouve alors à la prison Sainte Pélagie, prison pour les droits communs et les politiques, où il y fait connaissance de Louis Auguste Blanqui, socialiste non marxiste, opposant à l’Empire, condamné le 14 juin 1861 à quatre ans de prison [v].

    Tridon, d’abord orléaniste, puis converti aux thèses proudhoniennes,va être attiré par ces idées et deviendra le secondde Blanqui, au sein d’un parti blanquiste qui naît et s’organise dans ces années-là.

     

    [i] Dupaquier Jean ; article du Bien Public, du 23 mai 1971 ; cité dans Diey Michel : « 1870-1871, la guerre oubliée dans le châtillonnais » ; Cahiers du Châtillonnais, n° 151

    [ii] Un auteur a écrit qu’il fut élève au lycée Bonaparte (Condorcet) à Paris. Certains ont parlé aussi d’un doctorat en droit.

    [iii] Tridon Gustave, dit Karl-Morel ; « Archives nationales : affaires disciplinaires de l’enseignement supérieur (1838-1885) », inventaire des articles F 17 4391 à 4430

    [iv] Louis Auguste Martin, un habitué de la prison de Sainte Pélagie, raconte : « J’habitais l’immense chambre du premier étage du pavillon de l’est et j’avais pour codétenus MM. Blanqui et Jules Miot, que nous avions surnommé Vatel à cause des succulents ragoûts et des merveilleux rôtis qu’il nous préparait, Taule, Case et Tridon, trois jeunes et courageux esprits qui venaient glorieusement d’enterrer le journal Le Travail ».

    Cité par Dominique Bartet, dans le blog de christaldesaintmarc, du 20 janvier 2015

    [v] Blanqui ; le « Vieux » auréolé par une vie de sacrifices à la cause des travailleurs, produisait sur les jeunes gens une impression magnétique.

    « C’est lui, dira plus tard Paul Lafargue, qui nous a transformés. Il nous a tous corrompus ».

    Gustave Tridon fut conquis par le vétéran qui en fit l’un des chefs de son parti.

    L’autre surnom de Blanqui était « l’Enfermé ».

    Socialiste non marxiste, Blanqui est considéré comme le fondateur de l’extrême gauche française.

    En 1880, il publie : « Ni Dieu, ni maître ».

    Gustave Tridon

    (figure 2: Journal Candide N°8)

    A sa sortie de prison, le 3 mai 1865, il fonde le journal Candide, qui sert de plate-forme pour Blanqui et ses associés (Blanqui lui-même a contribué à des articles, sous un pseudonyme).

    Ce journal est consacré à la critique religieuse et à l’exposé scientifique et philosophique, dont il est le rédacteur en chef.

    Paraissant le mercredi et le samedi de chaque semaine, ce fut un succès ; le premier numéro fut tiré à 4 000 exemplaires, le deuxième à 6 000, le troisième à 10 000.

    Dans leurs articles, les auteurs guerroient contre le surnaturel, montrent l’origine humaine de la morale, dénoncent les méfaits du monothéisme sémitique.

    Mais, au bout de huit numéros, le journal est interdit et un procès aura lieu les 11 et 18 août ; Tridon est condamné à 6 mois de prison et 100 francs d’amende.

    Ceci n’empêchera pas l’étudiant en droit Tridon, fin octobre 1865, de se rendre à Liège, au Congrès international d’étudiants (29 octobre-Ier novembre) en compagnie de nombreux français, où ils affirmèrent leurs idées antireligieuses et où Tridon dénonce les études arides et l’absence des libertés universitaires .

    Dans un compte-rendu du 5 novembre, paru dans la Rive Gauche, Léon Fontaine écrivit : … dans l’ordre moral, nous voulons, par l’anéantissement de tous les préjugés et de l’Eglise, arriver à la négation de Dieu et au libre examen…, ce qui provoqua un énorme scandale.

    Puis Tridon accomplit sa peine de prison et fut libéré le 12 juillet 1866.

    Il représente alors Blanqui, en septembre 1866, au premier Congrès de l’Association internationale des Travailleurs (nom officiel de la Première Internationale) à Genève, qui débute le 3 septembre 1866, apportant l’ordre de Blanqui de s’abstenir de prendre part au Congrès .

    Mais l’un des camarades, Protot, ayant protesté, fut jugé et comparut devant ses pairs le 7 novembre 1866, au café de la Renaissance, dans le VIe arrondissement.

    La police, prévenue, arrêta tous les assistants, au total 41 personnes et, sous prétexte de conspiration,après quatre mois de prévention, l’avocat Tridon fut condamné, en mars 1867, à quinze mois de prison et 100 francs d’amende.

    Entre-temps, il avait probablement fondé une éphémère revue, la Critique .

     
    En 1869, Gustave Tridon fit publier « la Gironde en 1869 et en 1793 », où il fustigeait les Girondins :

    Cette race ergoteuse et bavarde a reparu avec son long cortège de périodes.

    Elle oppose encore l’obstacle du fédéralisme ; elle calomnie, disserte, ment, pleurniche.

    Tout est détrempé de ses larmes ou corrodé de ses impostures…

    Notre but à nous, c’est la liberté armée, la liberté avec sa pique, non la triste prostituée des livres et des discours…

    C’est l’égalité qui protège le faible contre le fort et jette, s’il le faut, son épée dans la balance.

    C’est la Commune, non les oligarchies provinciales d’avocats, d’industriels et de grands propriétaires.

    Nous croyons en Paris, cœur et cerveau de la France.

    De lui part le coup de tonnerre qui fait craquer les empires et tressaillir les nations.

    Paris vaincu, la liberté râle. Paris triomphant, le juste et l’opprimé relèvent la tête…

    Gustave Tridon

    (figure 3 :"Plainte contre une calomnie de l'histoire" 1864 (réédition en 1871 à Bruxelles)

    Karl Marx, dans une lettre du 3 mars 1869, écrit qu'

    une évolution très intéressante se dessine en France.

    Les Parisiens se remettent sérieusement à étudier leur passé révolutionnaire récent.

    Ils se préparent ainsi à la nouvelle entreprise révolutionnaire qui se rapproche.

    Ce fut d’abord l’Origine de l’Empire…

    Enfin, ce furent les blanquistes, avec G.Tridon : Gironde et Girondins. C’est ainsi que l’histoire fait bouillir son chaudron de sorcière…[i].

    Aux Girondins, Tridon avait opposé, dans le Journal des Ecoles, en 1864 une étude sur:

    les Hébertistes ; plainte contre une calomnie de l’histoire.

    Pour lui,

    l’avènement des Hébertistes fut l’avènement de la science et de la raison sous la forme la plus énergique, la plus populaire, mais aussi sous la forme qui pouvait seule en assurer le triomphe définitif.

    La science que les Girondins, les doctrinaires d’alors, avaient voulu cloîtrer dans une oligarchie lettrée, fut tirée du boudoir et jetée sur la place publique.

    Les Hébertistes s’adressèrent au peuple et lui dirent : « la science est la conquête, la science appartient à tous, viens et prends ! »…

    Ce qu’on veut flétrir du nom d’hébertisme est la face la plus brillante de la Révolution.

    Obscurcie aujourd’hui par des insulteurs jurés, elle est destinée à resplendir toujours davantage [ii].

    Ce pamphlet lui permettait de faire un parallèle entre les Girondins de 1793 et les Girondins de son époque.

     En décembre, il participe, avec son ami Albert Regnard, à l’anti-concile de Naples, en décembre 1869.

    La convocation d’un concile œcuménique, à Rome, en 1870, provoqua, en réaction, dans les milieux libres penseurs du temps, un rejet catégorique. Tridon était anticatholique ; dans l’avertissement de la première édition des Hébertistes, en 1870, il écrit

    un article sur les Hébertistes, inséré dans le Journal des Ecoles, et combattu avec talent et convenance par un écrivain distingué, M. Maréchal, m’avait ramené à publier en réplique un nouveau travail, qui eut le malheur, cette fois, de provoquer un violent accès d’épilepsie catholique.                      

    La même année, le 13 mai 1869, mourait à Châtillon son père, lui laissant près de 60 000 francs de rente.

    Le gouvernement impérial imagina d’arrêter les membres d’une société secrète, dont certains auraient voulu attenter à la vie de l’empereur.

    Il y eut 72 accusés, dont 55 étaient présents.

    Mais Tridon, ainsi que Blanqui, put fuir et c’est par contumace qu’il fut condamné, le 9 avril 1870, à la déportation simple ; il rentra à Paris après le 4 septembre, proclamation de la République.

    Le 6 septembre, Tridon, avec Blanqui et d’autres de ses disciples, se réunissent et décident la publication du journal la Patrie en danger, financée par Tridon, portant en tête de son premier numéro (daté du 20 fructidor an 78) :

    En présence de l’ennemi, plus de partis ni de nuances.

    Avec un pouvoir qui trahissait la Nation, ce concours était impossible.

    Le gouvernement sorti du grand mouvement populaire du 4 Septembre représente la pensée populaire et la défense nationale.

    Cela suffit.

    Toute opposition, toute contradiction doit disparaître devant le salut commun.

    Il n’existe plus qu’un ennemi, le Prussien, et son complice, le partisan de la dynastie déchue…et on refusait de signer le déshonneur et le démembrement de la France [iii].                                 

    Et Tridon, le 8 septembre, écrira :

    A nous tout ce qui souffre et pense, tout ce qui travaille et gémit, et dont la poitrine se soulève au nom de la liberté.

    Il fut arrêté le 4 novembre, à la suite du soulèvement du 31 octobre, émeute contre la politique du Gouvernement de la Défense nationale, qui avait envoyé Thiers négocier l’armistice avec Bismarck ; un mois plus tard, il attendait encore le jugement, qui le libéra [iv].

     

    [i] Karl Marx et Friedrich Engels : la Commune de 1871 ; lettres et déclarations, pour la plupart inédites (traduction et présentation de Roger Dangeville). Marx évoque aussi, dans deux lettres (vers le 26 avril et le 13 mai 1871), un différend entre Félix Pyat et Gustave Tridon, ce dernier ayant répliqué dans un article du journal « la Cigale ».

    [ii] Dans la première édition, l’introduction, non signée, est de Blanqui ; Le texte sera publié de nouveau, à Bruxelles, en 1871, sous le titre : « la Commune de Paris en 1793 ; les Hébertistes », J.H Briard

    [iii] Le rédacteur en chef était Blanqui ; il y eut 267 numéros, du 07/09 au 08/12/1870. Cette proclamation avait été tirée sous forme d’affiche, le 6 septembre, pour être placardée sur les murs de Paris

    [iv] Jules Vallès a raconté le procès du 31 octobre dans son roman : l’Insurgé. Selon le dictionnaire des parlementaires français (tome V), il n’assista pas à l’affaire de l’Hôtel de Ville au 31 octobre, en raison du mauvais état de sa santé

    Gustave Tridon

    (figure 4: journal "La patrie en danger", financé par Tridon)

    Peu de temps après la proclamation de la République, le 13 septembre, se créa à Paris un Comité central républicain des Vingt arrondissements afin d’obtenir du Gouvernement de la Défense nationale des mesures politiques et sociales favorables aux classes populaires et demandant des élections afin de remplacer les maires nommés sous le Second Empire.

    Voyant que ce dernier n’en annonçait pas, pendant le mois de décembre, on va élire dans les clubs politiques parisiens des délégués pour la Commune ; Tridon devient l’un des membres du Comité central républicain des Vingt arrondissements, qui, le 30 décembre, se réunit sur l’ordre du jour : De la Commune révolutionnaire et des moyens pratiques pour l’installer révolutionnairement.                                          

    Il est aussi l’un des quatre rédacteurs de l’Affiche Rouge placardée dans la nuit du5 au 6 janvier 1871, qui prônait une réquisition générale, un rationnement gratuit et la lutte à outrance pour en finir avec le siège de la ville de Paris, encerclée par les Prussiens depuis le 17 septembre 1870, et l’appel à la formation d’une commune.

    Gustave Tridon, les châtillonnais et la Commune de Paris

    (figure 5 :"L"affiche rouge" Musée Carnavalet)

    Bismarck ne voulait faire un traité de paix qu’avec un gouvernement légitime.

    Dans des délais très brefs, des élections furent organisées pour le 8 février 1871.

    Dans les régions occupées, comme la Côte d’Or, les réunions publiques sont interdites et c’est l’occupant qui va se charger de l’organisation des élections.

    Tridon est au nombre des 43 socialistes révolutionnaires présentés à ces élections.

    Il lui manqua 3 000 voix à Paris (il eut 65 707 voix).

    En Côte d’Or, huit candidats orléanistes sont opposés à huit candidats républicains.

    Le 8 février 1871, c’est la liste républicaine qui l’emporta et Tridon devint député de la Côte d’Or pour l’assemblée nationale, avec 32 721 voix (à Châtillon, il n’avait eu que 755 voix), à côté de François Auguste Dubois, maire de Dijon, Pierre Magnin, ministre du commerce, Marie François Sadi-Carnot, Pierre Joigneaux, le général Garibaldi, Henri Moreau, maire de Saulieu et Jules Carion.                   

    Cependant, radicaux et extrême gauche ne réunirent que 72 sièges, soit 5,96 % des votes, contre 65,20 % pour la droite et 28,84 % pour les républicains.

    La nouvelle assemblée se réunit le 13 février à Bordeaux.  

      Le 17 février, Adolphe Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française et, le 21, Thiers et Favre entament les négociations de paix avec Bismarck ; celles-ci aboutiront à la signature d’un armistice le 28 janvier.

    Gustave Tridon

    (figure 6 : dépêche télégraphique annonçant la signature de l'Armistice. Archives Municipales de Châtillon sur Sine  4H11 (Fluteau)

    Le Ier mars, Tridon, après avoir voté contre la ratification des préliminaires de paix signés entre le gouvernement d’Adolphe Thiers et l’Allemagne, démissionne et part aussitôt pour Paris [i].   

    Dans une lettre aux électeurs de la Côte d’Or, il explique son geste :    

     Honoré de vos suffrages, sans les avoir brigués, je vous dois des explications sur la manière dont j’ai compris mon mandat et sur les motifs qui m’ont forcé à le résilier.

    Une démission est chose grave, je ne m’y suis pas résigné sans de sérieuses réflexions que je viens aujourd’hui vous soumettre.

    Placé dans une situation exceptionnelle, j’ai été, un des premiers, témoin et victime de la trame infâme qui avait pour but de livrer la France aux Prussiens, en haine de la République, et qui a obtenu, dans ces derniers temps, un si glorieux succès…

    Lors de mon arrivée à Bordeaux, la Chambre se prorogeait pour laisser le temps de bâcler le pacte odieux.

    On l’amusait avec des commissions qui ne commissionnaient rien du tout et des réunions creuses dans des bureaux déserts, tandis que Thiers et ses complices brocantaient notre chair et notre sang, l’honneur et l’intégrité de la France.

    Tous ils acceptèrent avec des larmes de crocodiles… Quant au paiement d’une somme de cinq milliards,permettez-moi de mettre encore plus vivement sous vos yeux cette formule de notre damnation nationale.

    Les pièces de cinq francs composant les cinq milliards, juxtaposées à plat les unes à la suite des autres, occuperaient une longueur de 6,250 lieues, soit les trois quarts du tour du globe terrestre.

    Empilées les unes sur les autres, elles formeraient une colonne de 2,700 kilomètres…     

    Et il terminait par :

    J’avoue, citoyens, qu’en voyant une Assemblée, prétendue française, sanctionner de pareils crimes et voter le démembrement et la ruine du pays ; qu’en entendant ces hommes vendre à Bismarck nos frères d’Alsace et de Lorraine, et par leurs cinq milliards engager, pour un temps indéfini, la vie et le travail de vos enfants, j’ai voulu, à tout prix, sortir de cette enceinte maudite [ii].

    A Paris, bon nombre de parisiens, ayant déjà connu une grave famine au cours de l’hiver 1870-1871, refusent que des canons de la Garde nationale, à Montmartre, soient enlevés, sur ordre de Thiers, lequel souhaite désarmer les parisiens.

    Un peu partout, la troupe, envoyée récupérer les canons, va fraterniser avec les parisiens qui élèvent des barricades, et deux généraux sont massacrés.

    C’est le début de l’insurrection, le 18 mars 1871, tandis que Thiers gagne Versailles et que nombre de bourgeois fuient la capitale.

    Ce mouvement communard va puiser largement dans le vocabulaire de la Révolution française.

    C’est dans cette ville qu’arrive Tridon, épuisé. Le 24 mars, il s’adresse aux électeurs parisiens :

     A peine arrivé, je tombe dans un lit de maladie, et suis réduit à contempler la lutte où se décide le sort de la République et de la France.

    Permettez à mon anxieuse impuissance de vous communiquer ses craintes…[iii].

    Aux élections municipales de la Commune, du 26 mars 1871, il n’obtiendra que 1304 voix dans le XXe arrondissement et 2253 voix dans le XVIIe, mais sera élu dans le Ve arrondissement (Panthéon), avec 6469 voix, sur 12422 votants [iv].

    Il va alors siéger à la commission exécutive, le 29 mars 1871, composée de 7 membres, chargée d’appliquer les décrets du Conseil de la Commune, puis à la commission de la guerre, du 21 avril au 15 mai [v].

     

    [i] Victor Hugo démissionne le 7 mars

    [ii] « Aux électeurs de la Côte d’Or » ; Œuvres diverses de G. Tridon ; Paris, 1891

    [iii] Maillard Firmin : Affiches, professions de foi-documents officiels-clubs et comités pendant la Commune ; Paris, Dentu

    [iv) On le trouve inscrit sur la Grande liste du Père Duchêne, dans le XXe arrondissement, et aussi sur la liste du Comité. Blanqui, bien qu’élu, avait été arrêté le 17 mars et était retenu prisonnier en Bretagne par le gouvernement de Thiers

    [v] Il assiste, le … à la destruction de la colonne Vendôme : « Gustave Tridon, 30 ans, fils de parents riches, élève du lycée Bonaparte ‘Condorcet), devenu socialiste à sainte-Pélagie sous l’influence de Blanqui, son voisin de cellule, avocat, élu du Ve, le visage pâle ».

    Gustave Tridon

    Gustave Tridon

    (figures 7 et 8 : affiches de la Commission exécutive de la Commune. Musée Carnavalet)

    Gustave Tridon

    figure 9 :Affiche de la Commission exécutive. Courbet fut membre de la Commune. Musée Carnavalet)

    Gustave Tridon

    (figure 10 : Commission de la Guerre. Musée Carnavalet)

    Il vote contre la création du Comité de salut public et signe le manifeste de la minorité :

    la Commune de Paris a abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a donné le nom de Salut public.

    Il s’abstint de paraître aux dernières séances des comités, même s’il fut accusé de lâcheté, après avoir traité ce Comité de défroque inutile et ridicule.

    En même temps, il poursuivait son activité de journaliste, en continuant à faire de nombreuses références à la Révolution de 1789.

    Dans le journal la Patrie en danger, il écrit :

    La Commune révolutionnaire qui a sauvé la France, et, par le 10 août et septembre, fondé la République, ne fut pas un produit d’élection régulière, une émanation bourgeoise d’un troupeau qui se rend aux urnes. Elle sortit d’une convulsion suprême, comme la lave sort du volcan.

     Dans le journal la Montagne, dont il est membre du comité de rédaction, en avril, il exalte les Hébertistes :

    Ils n’ont qu’une seule passion, l’idée.

    Ils s’abandonnent aux masses sans réserve comme sans mesure ; ils ne travaillent point dans un but personnel, mais pour le triomphe d’un principe. La foi les guide, non le calcul [i].

     

    [i] Le 6 janvier 1871, avec Jules Vallès, Emile Leverdays et Edouard Vaillant, comme les bourgeois de Paris et le gouvernement en place dans la capitale souhaitent que la ville se rende, il rédige une proclamation, réclamant une attaque en masse contre les allemands, la réquisition générale, le rationnement gratuit, la punition des traîtres, l’éducation pour tous, la terre aux paysans et le gouvernement du Peuple.

    Gustave Tridon

    (figure 11 : Journal "La Montagne" dans lequel écrivit Tridon)

    Mais toutes ces activités minent sa santé fragile :

    de son talent, de sa grande fortune, de sa personne, (il) a payé au service de la cause, quand elle semblait sans avenir… (mais) il n’a pour la servir aujourd’hui, qu’une âme usée, dans un corps débile [i]                                                                        

    Léon Massenet donne aussi le même portrait :

    Cet homme de vingt-neuf ans est déjà usé.

    Il est voûté au point qu’on le croit bossu, sa figure est criblée de boutons, ses joues pendent.

    Sa constitution débile, sa santé délicate ne lui ont point permis de surmonter la vie militante fiévreuse et les séjours prolongés en prison.

    Il est d’autant plus sérieusement atteint qu’il ne trouve, en dehors de ses camarades de son parti, aucune affection solide, pas même celle de sa mère, triste créature qui osa le chasser alors que, traqué par la meute des argousins, il lui demandait un refuge [ii].

    A Châtillon, les nouvelles qui parvenaient étaient uniquement celles provenant du gouvernement de Thiers.

    [i] Revue des Deux Mondes, 1904, tome 24

    [ii] Léon Massenet de Marancour : « Hommes et choses de la Commune : récits et portraits pour servir à l’histoire de la première révolution sociale ; cité dans Maitron.

    Après la mort de son mari, en 1869, la mère de Gustave Tridon était peut-être allée habiter à Paris.

    C’est là qu’elle mourut, en 1893

    Gustave Tridon

    (figure 12 : Affiche envoyée par Thiers aux communes françaises AMC 4H11)

    Gustave Tridon

    (figure 13 : Dépêche télégraphique adressée au Sous-Préfet de Châtillon, Leroy AMC 4H11)

    Gustave Tridon

    (figure 14 :Dépêche télégraphique arrivée à Châtillon AMC 4H11. Gustave Flourens , professeur au Collège de France fut élu Général par la Commune et chargé de la défense de Paris, mais il fut fusillé par les Versaillais)

    Tridon était gravement malade lors de l’entrée de l’armée de Versailles à Paris, qui mit fin à la Commune, après la semaine sanglante, le 28 mai 1871.

    Il put échapper aux représailles en étant hospitalisé à la clinique Dubois, sous un faux nom, Morel,qui était celui de sa mère.  

     Il gagna la Belgique et c’est là que

    l’homme riche qui a volontiers été emprisonné ou exilé, luttant pour les droits des autres, mourut [i], d’une phtisie galopante, huit jours après son arrivée, le 30 août 1871.

    C’est Julienne Sébert, une « communarde », qui le soignera et préparera son catafalque.[ii]

    Avant son décès, il avait veillé à venir en aide à son ami Blanqui en léguant sa fortune à Sophie Barrelier, la sœur de Blanqui.

    Particulièrement recherché en France comme membre de la Commune, le troisième Conseil de Guerre, chargé d’en condamner les membres les plus éminents, abandonna les poursuites, après l’annonce de sa mort.

    Son décès est transcris dans les registres de l’état-civil de Châtillon, le 24 septembre 1872 (n° 185).

    En 1884, parut un ouvrage posthume, rédigé lorsqu’il était en prison à Sainte Pélagie :

    Du molochisme juif : études critiques et philosophiques. A la suite en particulier de Voltaire et de Proudhon, les blanquistes vont élaborer un antisémitisme antichrétien et anticlérical.

    L’ouvrage de Tridon est un ouvrage délirant de glorification des Aryens et de rabaissement des Sémites, Juifs, Arabes, Phéniciens réunis.

    En amont, Tridon voit dans le Judaïsme une survivance du culte sanguinaire au Moloch, cette statue chauffée au rouge dans la gueule de laquelle les phéniciens jetaient des enfants vivants.

    En aval, il voit dans le christianisme une pauvreté de pensée et un asservissement typiquement sémite, contraire à la tradition aryenne.

    Il écrira même que, par leurs cruautés, par cet épouvantable cortège d’horreurs (les sacrifices humains), les Mexicains méritent d’être sémites.[iii]

    En 1891, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort, fut publié, à Paris, un recueil, œuvres diverses de G.Tridon.

    [i] Joseph Martin McCabe, 1867-1955

    [ii] Selon certains, il se serait suicidé. Sur Julienne Sébert : Florence Loriaux : « Femmes et exil durant la Première Internationale » -Carhop, 2008-1. Selon Maitron, il aurait laissé une veuve, Delphine Eyraud ou Heyraud( https : // maitron.fr/spip.php?article72028, notice TRIDON Gustave)

    [iii] Certains antisémites de la fin du XIXe siècle, tels qu’Edouard Drumont, se revendiqueront de son influence.

    Gustave Tridon

    (figure 15 :"œuvres diverses de Tridon" 1891)

    Parmi ces textes, se trouve la Force, où il écrit :

    Nous sommes forts, nous sommes jeunes et nous avons faim non seulement de pain mais aussi d’idées, de justice sociale et de connaissances scientifiques…

    Pourquoi devons-nous continuer à attendre?

     A la fin du XIXe siècle, existait à Paris une bibliothèque populaire Gustave Tridon, dans le XVIIIearrondissement.

    Elle fut créée en 1890, en même temps que le groupe scolaire de l’impasse d’Oran, dont elle faisait partie. Par délibération du 21 octobre 1895, le Conseil municipal de Paris accepta et lui affecta un legs de 90 000 francs fait par madame veuve Tridon et produisant, déduction faite des droits de mutation, un revenu annuel de 2331 francs, assurant les achats de livres et l’entretien mobilier.

    En 1904, la bibliothèque possédait 3800 ouvrages, formant plus de 5800 volumes [i].                                     

    A Châtillon, une rue porte son nom dans le quartier reconstruit après-guerre [ii].

     Un autre Châtillonnais participa également à la Commune, Nicolas Georges Léger Alexis Monin, né le 17 juillet 1818.

    Il fut condamné à la déportation à l’île d’Aix après les audiences devant le troisième Conseil de Guerre.

     Dominique Masson

    (remerciements à M. Millot)

    [i) « Conseil municipal de Paris, rapport de la 4e commission, sur les bibliothèques municipales, présenté par M. Léopold Bellan ; 1904 ». Cette veuve ne serait pas sa femme, mais plutôt la mère de Gustave Tridon, décédée à Paris le 13 février 1893 (VIIIe arrondissement)

    [ii] Ce serait M. Georges Pitoiset, habitant cette rue, qui aurait demandé à la mairie de donner le nom de Tridon (blog de christaldesaintmarc, 27 juin 2008) 


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  • Notule d’histoire :

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais

     

    « La sainte des tranchées », ainsi est appelée Jeanne d’Arc. Celle-ci, née vers 1412 à Domrémy, est passée par le Châtillonnais lors de sa « chevauchée sacrée », qui la conduisit de Vaucouleurs à Chinon, en 1429, afin de rencontrer le dauphin de France.                                                                           

    La situation en France était assez confuse.

    L’intervention de Jeanne intervient dans la seconde phase de la guerre de Cent ans.

    Après l’entrevue sur le pont de Montereau, le 10 septembre 1419, où le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, est assassiné par le dauphin Charles, un traité est scellé, le premier décembre 1420, à Troyes (il y a 600 ans, autre commémoration), entre Henri V d’Angleterre et Isabeau de Bavière, reine de France et mère de Charles ; celui-ci est déshérité et, à la « paix finale », la couronne et le royaume de France reviendront à Henri V d’Angleterre.

    En 1422, le dauphin Charles, ne contrôlant qu’une petite partie du royaume de France, se proclame roi de France sous le nom de Charles VII, tandis qu’en Angleterre, Henri VI revendique la couronne.

    C’est alors qu’intervient Jeanne.    

    Ayant réussi à convaincre Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, forteresse voisine de Domrémy, elle partira, avec six compagnons, vers Chinon.

    Son départ se fit entre le 11 et le 23 février 1429, selon les historiens. Dans le « dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc », paru en 2017, c’est le 22 février qui est retenu[i].  

    "Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais", un notule d'histoire de Dominique Masson

      (Plaque apposée à Pothières sur l'ancienne maison abbatiale, cliché D.Masson)

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Statue de Jeanne d'Arc, sur un socle, à l'entrée de l'ancienne abbaye de Pothières, cliché D.Masson)

    On connaît avec certitude quelques étapes à partir de Vaucouleurs : l’abbaye de Saint-Urbain (Haute Marne) et la cathédrale d’Auxerre (Yonne) ; mais, entre ces étapes, c’est un itinéraire probable.

    Une plaque commémorative apposée sur le presbytère à Auxerre indique : « Jeanne, venant de Pothières, et allant à Gien, est passée par Auxerre, le 27 février 1429 … ».

    A Pothières, une autre plaque, apposée sur l’ancien logis abbatial, marque seulement: « Jeanne d’Arc est passée par Pothières , venant de Clairvaux , allant à Auxerre, février 1429 … » ; l’inscription sur le socle de la statue de Jeanne, à côté de la porte d’entrée de l’ancienne abbaye, se veut plus explicite :

    « l’an 1429, le samedi 26 février , sainte Jeanne d’Arc , venant de l’abbaye de Clairvaux et se rendant à Auxerre, fut hébergée en cette abbaye bénédictine de Pothières, avec ses compagnons… »

    Le « dictionnaire encyclopédique » a ainsi reconstitué la route de Jeanne et de ses compagnons :                                                       

    - première journée : de Vaucouleurs à Saint-Urbain ;                                                                                                                    -deuxième journée : de saint-Urbain à Clairvaux ; 

    - troisième journée : de Clairvaux à Pothières, en passant par Juvancourt, La ferté, Villars-en-Azois, Cunfin, Autricourt, Villers-Patras et Pothières ;

                                                                          - -quatrième jour : Etrochey, Laignes, Gigny, Gland, Saint-Vinnemer, Tonnerre, Fleys, Chablis et Auxerre. Elle serait arrivée le 4 mars à Chinon, et elle fera sacrer roi Charles à Reims, assurant sa légitimité, le 17 juillet 1429.   

                                                                                        

    Si Jeanne d’Arc est réhabilitée dès 1456 et chantée par François Villon (…et Jeanne la bonne Lorraine, qu’Anglais brûlèrent à Rouen…), les siècles suivants ne lui portèrent que peu d’intérêt.

    C’est au XIXe siècle qu’il y a un regain pour Jeanne d’Arc, car elle devient un symbole républicain et une figure unificatrice utile dans le cadre de la construction de la nation après la guerre franco-allemande de 1870-1871 ; elle sera aussi récupérée par différents partis politiques de tous bords.

    Elle est béatifiée en 1909.

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    ("Histoire de France des écoles primaires, cours moyen" par C S Viator, E.Robert, Paris vers 1900)

    La première guerre mondiale va conduire à une union sacrée autour de Jeanne.

    Civils et militaires peuvent s'identifier à celle qui a connu les pillages et les combats.

    La propagande s'empare d'elle : les statues détruites montrent la « barbarie » des Allemands, celles qui échappent aux bombardements témoignent des « miracles » de Jeanne, « soldat de Dieu », qui mènera à la victoire sur une nation majoritairement protestante.

    En 1917, Jeanne d'Arc est partout : au cinéma, au théâtre et à l'opéra.

    Pour beaucoup, la victoire de 1918 est imputable à Jeanne d'Arc.

    Les japonais la considéreront même comme la digne héritière des samouraïs, appréciant son image de femme guerrière.

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Carte postale datant de 1915, dessinée par L.Chapuis dessinateur-éditeur à Dijon, vendue au profit de "L'œuvre populaire des messes pour nos soldats morts", fondée à Dijon, autorisée et bénie par Nosseigneurs Monestès et Landrieux, évêques de Dijon)

    Après la première guerre mondiale, le Saint-Siège, souhaitant se réconcilier avec la République française, canonise Jeanne d’Arc le 16 mai 1920 (il y a donc 100 ans) puis, en 1922, le pape proclamera Jeanne d’Arc sainte patronne secondaire de la France, tout en réaffirmant la Vierge comme patronne principale.                                                                                                      Il y a aussi une récupération laïque de Jeanne, qui figure sur des monuments aux morts.

    Jeanne d'Arc (et non Sainte Jeanne d’Arc) sera donc fêtée par la République le deuxième dimanche de mai, anniversaire de la délivrance d'Orléans, ne choisissant pas par hasard cette date, car elle précède de quelques jours la date de la Sainte Jeanne d'Arc fixée par l'Église catholique au 30 mai, jour anniversaire de sa mort.

    Elle est la femme qui a, depuis 1864, le plus grand nombre de rues à son nom (rue Jeanne d’Arc à Châtillon, par exemple). 

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Affiche américaine, éditée pendant la 1ere guerre mondiale)

    Des passionnés ont voulu créer un sentier Jeanne d’Arc, le GR 703, reliant Domrémy à Chinon.

    Il passe à Clairvaux, à Cunfin, mais écorne simplement le Châtillonnais en passant par Grancey-sur-Ource pour aboutir à Mussy ; de là il va aux Riceys et à Bagneux-la-Fosse.

    Dans son trajet, il passe par Colombey-les-Deux-Eglises.

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Statue de Jeanne d'Arc, musée Métallurgique Park Donmartin-le-Franc, Haute-Marne , cliché D. Masson) 

    [i]« Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc », par Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau ; éditions Desclée de Brower, Paris ; 2017

     

    Car le deuxième personnage célébré en 2020, c’est le général de Gaulle.

    Charles de Gaulle est né à Lille, le 22 novembre 1890.

    Le 9 juin 1934, il achète sur la commune de Colombey-les-Deux-Eglises, en Haute-Marne, le domaine de la Boisserie, vaste maison de quatorze pièces, en viager ; il en devient propriétaire deux ans plus tard.

    Séduit par l’isolement et le calme des lieux, il l’achète aussi pour sa famille et pour être près de Metz, où le colonel de Gaulle est affecté.

    A partir de 1946, elle devient sa résidence définitive.

    Même lorsqu’il devint président de la République, en 1959, le général continuera d’y passer beaucoup de temps et un week-end sur deux en famille.

    C’est là qu’il décède, le 9 novembre 1970, il y a 50 ans.

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

    (Pièce de deux Euros, émise par la France en 2010)

    C’est probablement lors de l’un de ses week-ends à Colombey, dans les années soixante, un dimanche après-midi, que le général voulut aller voir la montagne de Vix et son église.

    Venant de la route de Chaumont, le cortège présidentiel, accompagné de motards,  dut tourner, par la D 118 C, vers Massingy.

    Dans le village, à l’embranchement de deux rues, au lieu de prendre la rue qui s’appelle Caron aujourd’hui (mais il n’y avait pas de nom à l’époque), puis la rue des Bordes, le cortège prit la rue du Four et la rue de la Margelle, allant vers la fontaine du même nom, mais, au bout de quelques dizaines de mètres, c’était un chemin de terre.

    C’est alors que les propriétaires de la ferme située au bout de cette rue, madame et monsieur Jean Dufour, eurent la surprise de voir arriver dans leur cour de ferme une DS noire, accompagnée d’une escorte, et y faire demi-tour ; la famille reconnut le général dans la voiture.

    Quelques mois plus tard, des panneaux furent installés dans le village, et notamment la signalisation de la voie sans issue menant à la ferme.

     

    (Dominique Masson)

     (Remerciements à madame et monsieur Jean-Pascal Dufour)

     

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

     

    (Rue de la Margelle à Massingy aujourd'hui, cliché D.Masson)

    Deux commémorations en 2020 : ces personnages sont passés dans le Châtillonnais, un notule d'histoire de Dominique Masson

     

    (Pièce de deux Euros, émise par la France en 2020)

     

     

     


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  • Notule d’histoire châtillonnaise

    Les principes républicains de la Seconde République, en 1848

     

    En cette période d’attentats tendant à amoindrir les idéaux de la République française, on peut relire la proclamation faite en 1848, qui affirme les principes républicains.

    Après l’interdiction de banquets où l’on pouvait échanger des idées républicaines, une émeute éclate à Paris le 23 février 1848, après que la troupe ait tiré sur la foule.

    Le roi Louis-Philippe préfère alors abdiquer le 24.

    La République sera proclamée (ce sera la seconde République) et un gouvernement provisoire se met en place, dirigé par Ledru-Rollin et Lamartine.

    Ce gouvernement provisoire prend  aussitôt des mesures essentielles :

    -rétablissement du suffrage universel masculin 

    -liberté de réunion et de la presse 

    -abolition de l’esclavage dans les colonies françaises 

    -et la peine de mort est supprimée pour les délits politiques.

    Un climat d’euphorie s’installe alors, c’est « l’esprit de 1848 ». Les Français semblent  réconciliés autour d’un idéal de fraternité et les femmes aussi s’expriment, même si elles ne peuvent pas voter.                                                                          C’est dans cet esprit qu’est rédigé l’appel aux citoyens de Châtillon, réaffirmant ces principes républicains.

    "Les principes républicains de la Seconde République en 1848", un notule d'hisoire de Dominique Masson

     Citoyens de l’arrondissement de Châtillon !

    La REPUBLIQUE FRANCAISE est proclamée !

    Un Gouvernement provisoire a reçu de l’héroïque population parisienne la mission de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour régulariser ce grand mouvement, et il soumettra prochainement à la sanction de tous les Français, les bases de la constitution définitive de la République.

    Le glorieux drapeau tricolore est et sera toujours celui de la Nation. Citoyens, serrons nos rangs à l’abri de ses couleurs vénérées ! Rallions-nous de cœur et d’effet au Gouvernement provisoire dont tous les actes respirent le dévouement aux vrais principes de toute société libre et civilisée.

    Que les sentiments de liberté, d’égalité, de fraternité soient dans nos cœurs encore plus que sur nos lèvres !

    Restons unis pour maintenir l’ordre, les lois, le respect profond et sévère des propriétés publiques, de la propriété privée.

    Que tous les cultes soient respectés et protégés : la liberté des consciences est  au premier rang de nos libertés.

    Français, ayez toute confiance dans le Gouvernement ! Gardez la concorde entre vous : fermez l’oreille à toutes les vaines rumeurs aussi bien qu’à toutes les instigations perfides au moyen desquelles on chercherait à ébranler cette confiance et cet accord ! Formez, en un mot, une seule et grande famille de frères et d’amis ! Ainsi vous resterez les dignes chefs et les modèles honorés de ce magnifique mouvement dont vous avez donné l’exemple. Ce mouvement fait aujourd’hui le tour de l’Europe : il fera le tour du monde !

    Châtillon-sur-Seine, le 28 février 1848

    Le sous-préfet, Ad. Méliot

    (imprimerie de F.Lebeuf, à Châtillon-sur-Seine, en face de l’Hôtel-de-Ville)

    Merci à Dominique Masson d'avoir retrouvé ce texte  et de nous le faire connaître.


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