Le café de la gare
Nous avions en commun deux pots de bière blonde
Au café de la gare en attendant nos trains,
Tous les deux de passage et l’âme vagabonde,
Moi j’étais de Bourgogne et toi de l’outre-Rhin.
Ton accent déroulait les brumes de tes plaines,
Et les roucoulements des torrents de glaciers,
Et le lent glissement des péniches lointaines,
Et les rauques appels des maîtres cavaliers.
Moi,mon accent n’était qu’un chemin raisonnable
A peine chantonnant comme les basses eaux
Qui se traînent parmi les cailloux sur le sable,
Où le « r »alourdit le rêve des roseaux.
Et nous avons trinqué au Rhin et à la Seine,
Au musée de Dijon,à Colette,à Rameau,
A Bach,à Thomas Mann,aux jambes de Marlène,
Partageant nos trésors sans besoin de grands mots.
Et quand tu m’as donné tes châteaux de Bavière,
La Seine avait choisi de se confondre au Rhin,
Comme se confondaient la Bourgogne et la bière,
Le chant des Lorelei et l’appel de nos trains.
Ceux-là nous attendaient,sur le quai de nos mondes ,
Au café de la gare, il faut toujours finir.
Mais notre accent commun,peut-être des Burgondes,
Fut le plus beau cadeau dans notre souvenir.
(Michel Lagrange 1980)