• Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

     Dominique Masson est historien. Il fait des recherches très poussées sur l'histoire de Châtillon sur Seine, sur ses monuments.

    Il me permet de publier une étude très intéressante qu'il a réalisée sur le "Petit Versailles", bâtiment bien connu des Châtillonnais.

    Merci à lui !

    Chronique d’histoire châtillonnaise

    LE PETIT VERSAILLES (I)

    Dans le Châtillonnais et l’Auxois du 9 novembre 1905, Emile Pic fit un compte-rendu de l’enterrement de M.Couvreux :

    « Lundi matin, à dix heures, ont eu lieu les funérailles de M. Félix-Lucien Couvreux, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, décédé au Petit Versailles, à l’âge de cinquante-neuf ans. Un cortège nombreux, qui s’est formé dans la partie de la propriété où a été restaurée, par les soins du défunt, la chapelle Saint-Thibaut, a suivi les restes de M.Couvreux, qui ont été, après la cérémonie religieuse, au cimetière Saint-Vorles.

    Bien que M.Couvreux ne fût pas originaire de Châtillon, il aimait passionnément notre cité, qui fut pour lui sa patrie d’élection.

    Né à Langres en 1846, il eut pour père M. Alfred Couvreux, qui fut maire et député de cette ville pendant de nombreuses années. Il était le neveu de M. Charles Couvreux, chef de notre municipalité pendant les dernières années de l’empire, de 1867 à 1870, et il comptait, par ses ancêtres et leurs alliances, plusieurs parents appartenant aux familles les plus anciennes et les plus distinguées de notre pays châtillonnais.                                               M.Couvreux, gendre de M. Carpentier, conseiller à la cour d’appel de Paris, avait acheté, il y a une douzaine d’années, le Petit Versailles, dont il a fait une propriété charmante et délicieuse.

    Le Petit Versailles fut créé, vers la fin du dix-septième siècle, par Joseph-Bernard Soyrot, un de nos compatriotes, qui était contrôleur général des finances en Bourgogne et Bresse. M.Couvreux, lui aussi, fut contrôleur des finances publiques, en tant que membre de la Cour des comptes. Il y est entré par la voie du concours, si dur, si difficile, eu égard d’abord à l’étendue du programme, puis au nombre si restreint de places confiées aux magistrats de ce tribunal le plus élevé avec le Conseil d’État, et chargé, comme on le sait, de surveiller l’emploi des deniers publics mis aux services des divers ministères. Le Châtillonnais Soyrot, d’après l’épitaphe que lui a consacrée La Monnoye, était « généreux et doux », ainsi que nous le montrerons dans une prochaine étude que nous lui consacrerons. Cet éloge, M.Couvreux le méritait aussi, comme les pauvres de la ville l’ont éprouvé, même quand les occupations de sa charge ne lui, permettaient pas de venir passer quelques mois à Châtillon. Ils se souviendront bien longtemps de la générosité et de la bienveillance de M.Couvreux, dont la noble veuve saura d’ailleurs, par ses sentiments personnels, conserver les pieuses habitudes ».

    La famille Soyrot (ou Soirot) est originaire d’Arnay-le-Duc. Le plus ancien ancêtre connu est Gabriel Soirot, échevin en 1566 et maire en 1599. Ses armes étaient  d’azur à trois épis d’or, deux et un au soleil de même en chef. Depuis le début du XVIIe siècle, les Soyrot sont déclarés écuyers et, en 1677, un François Soyrot est sur la liste des nobles ayant assisté aux États généraux de Bourgogne.

    Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

    Gabriel Soyrot eut une fille, Marie, et un fils, Jean, conseiller du roi, maître ordinaire en la Chambre des comptes de Bourgogne, marié à Avoye Arviset en 1579.

    Une branche se fixa à Dijon et on trouve Jacques qui fut plusieurs fois vicomte-maïeur de Dijon.

    Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

    Une autre branche dut se fixer à Châtillon, puisque l’on retrouve ultérieurement Claude, écuyer, trésorier triennal des mortes-payes en 1618 et receveur au grenier à sel de Châtillon, qui se mariera à Renée de Gissey, fille de Nicolas de Gissey et de Marie Fyot.                             Ce doit être lui qui habitait une maison rue de l’Isle, où descendaient princes et rois lors de leurs passages à Châtillon. Ce fut Louis XIII et Anne d’Autriche en 1630 puis Louis XIV qui accorda aux Soyrot l’exemption de loger à l’avenir les gens de guerre, avec la permission d’apposer les armes de France, ornées de panonceaux et bâtons royaux, sur la façade.

     Claude Soyrot eut quatre enfants : le cadet, Claude, fut chevalier de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem ; la fille, Marie se maria, le 24 juillet 1644, à Joseph Remond, seigneur en partie de Brion et hérita de son père de biens à Velars près de Pouilly et de la moitié de la maison rue de l’Isle ; le puîné, François, conseiller du roi au bailliage de la Montagne, marié à Marie Béguin le 18 août 1647, hérita de l’autre moitié de la maison rue de l’Isle et de terres dans le châtillonnais, ainsi que de Sèche-Bouteille ; quant à l’ainé, Pierre, écuyer, conseiller au bailliage de la Montagne, lieutenant des Eaux et Forêts à Châtillon, marié à Marie, fille de Bernard Thoulouse, décédé en 1667, reçut de son père une maison sur la charme de Braux, une autre à Pouilly et des terres dans le châtillonnais. Claude sera enterré en l’église Saint Nicolas.

    Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

    Leur fils, Joseph-Bernard, né à Châtillon en 1650, avocat, fut contrôleur général des finances en Bourgogne et Bresse en 1681 ; il se maria d’abord à Marie Suzanne Joly, dont il eut trois enfants, puis à Elisabeth Morel. Selon l’armorial de France, dressé en vertu de l’édit de 1696 par Charles d’Hozier, Joseph-Bernard Soyrot avait comme armoiries d’azur, à un soleil rayonnant en chef d’or, ce qui diffère un peu des armoiries de son ancêtre.

     Selon l’abbé Courtépée, c’est Joseph-Bernard qui fit construire l’habitation dite aujourd’hui du Petit Versailles. Selon d’autres auteurs, c’est son père qui en aurait entrepris l’érection. En fait, c’est son grand-père, Claude qui en 1646 décida cette construction, comme il apparaît dans son testament de 1647 :

    « … Je donne et délaisse… la maison, jardin et vigne qui lui appartiennent sis hors l’enclos dudit Châtillon, lieu-dit sur la charme de Braux, avec toutes leurs appartenances et dépendances ».

    Claude Soyrot avait fait construire à Châtillon, sur un promontoire dominant un méandre de la Seine, à l’extérieur des murailles, non loin de la Porte de Roche (place Joffre aujourd’hui), une maison sur une partie de l’affleurement rocheux qui fut aplani. Cette demeure avait un plan simple, un carré (cependant, sur les plans du milieu du XVIIIe siècle, on y voit un bâtiment en forme de L, dont le petit côté donne sur la voie appelée aujourd’hui rue du Petit Versailles).

    Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

    Cette attribution au grand-père de Joseph-Bernard est confirmée par les articles parus en décembre 1905 et janvier 1906, sous la plume d’Emile Pic, dans le journal Le Châtillonnais et l’Auxois :

     « Il n’est pas rare de rencontrer aujourd’hui, dans les petites villes de la province, des fonctionnaires d’ l’État qui, dans une situation élevée ou modeste, se plaignent de la monotonie de leur existence et souhaitent incessamment leur nomination à Paris ou tout au moins dans une grande cité. S’ils ne sont pas des arrivistes, impatients des hautes places et des bénéfices qu’elles assurent, il leur semble que la vie n’est bonne qu’à la condition d’être mouvementée et agitée. Il leur faut des distractions et des plaisirs sans cesse renouvelés, un commerce constant avec une société mondaine, une existence toute en dehors, faite d’imprévu élégant ou simplement vulgaire. Ne leur dites pas qu’on peut trouver le bonheur en soi-même., ou en compagnie de quelques parents et d’amis de choix : ils vous répondraient au besoin qu’ils aimeraient mieux être enterrés à Paris que de vivre en province.

    Ce n’était pas ainsi que pensait, à l’égard de la vie provinciale et de l’avancement en tant que fonctionnaire, un Châtillonnais du dix-septième siècle, Joseph Bernard Soyrot, qui, né dans notre ville le 8 mars 1650, y demeura presque toujours pendant sa longue existence, y mourut le 27 avril 1730 et fut enterré à Saint-Nicolas même par le curé Paplard. Joseph Bernard Soyrot écuyer et contrôleur des finances en Bourgogne et en Bresse, occupa sa charge avec conscience, et ne sortit de Châtillon que pour les besoins de son service. Il est vrai qu’il avait su s’y créer un genre d’existence moins fastueuse que libre et agréable, dans ce Petit Versailles construit par son père, Claude Pierre Soyrot, receveur pour le Roy au Grenier dudit Châtillon, conseiller du bailliage et chancellerie de la même ville.

    Soyrot le père était d’origine dijonnaise, mais il s’était fixé à Châtillon, où il exerçait la charge qu’on vient de voir, certain de ne courir aucun risque de déplacement, puisqu’il s’était proposé de ne jamais manquer à son devoir et de ne solliciter jamais un poste plus élevé. Mais si le fonctionnaire était exempt d’ambition, l’homme privé voulut se faire une demeure particulière où il goûterait en paix le charme de la vie provinciale, telle qu’on la comprît dans les familles de cette époque, pendant laquelle furent construits, aux environs de notre ville, tant de châteaux ou de maisons riches et somptueuses.

    Par-devant le « notaire et tabellion royal » Michelot, le 2 décembre 1646, en « sa maison », sont présents : Me noble Claude Pierre Soyrot, Nicolas Mougeot et Estienne Boitouzet, » maîtres-massons », qui tous trois « ont recogneu avoir faict entre eux le marchef suivant, si curieux à tous les points de vue. — Lesdits Mougeot et Boitouzet construiront, près de la Charme de Braux, dans un jardin, un corps de logis carré allant de ladite Charme à la roche… Les cheminées de cette maison seront de pareille façon que celles qui sont faites au logis du sieur Siredey, avocat à Dijon… Tous les matériaux de la construction seront fournis, en place, par Me Soyrot… Le tout sera livré, après examen d’ouvriers et gens à ce cognoissants, le 24 juin de la prochaine année, jour de la Saint-Jean, à peine de tous intérêts et dépens - Quelle somme recevront lesdits maçons pour ce travail qui va durer à peu près sept mois ? » Le présent marchef a été faict moiennant quatre cent livres pour les deux massons », qui auront en outre, du Noble Soyrot, un demi mignot de sel ! Décuplez à peu près cette somme de quatre cent cinquante livres pour la rapprocher de la valeur actuelle de l’argent ; considérez que le minot, mesure de capacité qui contenait la moitié d’une mine, équivalait à 39 litres 36 ; rappelez-vous surtout que le sel coûtait à cette époque, ici et là, dix, quinze, vingt fois le prix dont on le paie aujourd’hui, et voyez quels profits et avantages ont pu avoir les parties dans ce marchef, faict et passé en présence des deux témoins Charles Grotton et Anthoine Lambert.

    Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

     C’est en cette demeure, construite dans les conditions qu’on a lues, que les deux Soyrot ont passé toute leur existence. Elle ne reçut que plus tard le nom de Petit Versailles, puisque le Versailles de Louis XIV ne devint guère la résidence royale et celle de la cour qu’à partir de 1682. Joseph Bernard Soyrot fut toute sa vie un lettré, qui y recevait ses amis de Dijon ou d’ailleurs, notamment Bussy Rabutin, cousin de Mme de Sévigné, l’auteur de l’Histoire amoureuse des Gaules, Bernard de la Monnoie, le Gui Barôsai qui composa les malicieux Noêls bourguignons, le savant président Bouhier, qui fut de l’Académie française, Pierre Dumay, Conseiller au parlement de Bourgogne, etc.

    Soyrot était un homme de plaisir et de travail, comme le sera un autre fils de notre province de Bourgogne, le naturaliste Buffon, qui passa aussi une grande partie de sa vie dans l’agréable retraite de Montbard. Soyrot avait un esprit vif, malicieux, enjoué, mais sans aigreur ni méchanceté. La Monnoie, dans une lettre en vers qu’il lui adresse, car en ce temps-là on ne connaissait pas la correspondance rapide et écourtée d’aujourd’hui, souhaite d’avoir sa gaieté habituelle et la vie charmante et heureuse qu’il mène en sa résidence champêtre. Suivant le Gui Barôsai, qui ne consentit à quitter Dijon pour Paris qu’à l’âge de soixante-cinq ans, Soyrot, en sa villégiature perpétuellement volontaire, faisait chère lie, chantait en haute ou en basse note, caressait Claudine, croquait biscuits à toute heure, dansait gavotte et sarabande, jouait aux cartes les jours de pluie, se promenait s’il faisait beau, mangeait bien, dormait mieux, s’épanouissait la rate en compagnie de « filles » aimables. Mais cette lettre d’un Loret spirituel et membre de l’Académie française contient aussi l’éloge des travaux et des occupations littéraires de son ami Soyrot, qui laissa, en effet, de précieux manuscrits, malheureusement perdus plus tard par la faute des membres de sa famille.

    On a vu comment Soyrot père créa, vers le milieu du XVIIe siècle, à la porte de Châtillon, cette maison qui fut appelée plus tard le Petit Versailles. D’après Hocmelle (cité dans les Manuscrits de notre compatriote l’abbé Bourceret), qui écrivit en latin la Description historique de l’Abbaye de Notre-Dame, cette demeure, située dans un jardin délicieux, était bien, quoique petite, celle d’un homme instruit et lettré. Joseph Bernard Soyrot, en effet, y réunit des livres rares et de grande valeur, des souvenirs divers de l’antiquité, des tableaux, des ciselures, des œuvres d’art d’un goût exquis, en un mot, tout ce qui plait à une personne docte et élégante. Ce contrôleur général des finances en Bourgogne et Bresse, qui passa toutes les années de sa longue vie à Châtillon, était correspondant de l’Académie des Sciences. Les manuscrits qu’il avait laissés, à savoir un Recueil de pièces d’éloquence, un Extrait des Mémoires de Roger de Rabutin, comte de Bussy, puis d’autres travaux littéraires, une nombreuse correspondance avec les personnages politiques et les savants de son temps, tout cela fut perdu, ou même, après sa mort, brûlé par des membres de sa famille, qu’effraya peut-être la liberté, sinon de ses pensées, du moins de son langage.

    Soyrot fils dépensa plus de cent mille francs, somme considérable eu égard à l’époque, pour l’embellissement et la décoration de cette propriété, qu’il appela le Petit Versailles. Il consentait volontiers à ces frais, soit pour donner satisfaction à ses goûts personnels, soit pour faire, de loin et de cette façon, sa cour au monarque créateur du Versailles voisin de Paris. Ses fonctions le retiennent dans notre ville et dans sa province. Mais, à défaut de gazettes qui n’existent pas alors, il sait, par des lettres particulières, quelle est, à Versailles, la vie de la Cour, et, à Paris, celle de l’aristocratie et des hauts fonctionnaires. Au Petit Versailles, dans le voisinage immédiat d’une cité dont on devine le calme et la monotonie, il se crée une existence d’un charme à la fois matériel et intellectuel. Il n’est pas l’homme de foyer, comme Alexandre Dumas fils désignait par ce dernier mot l’épouse idéale. Il aime plutôt le plaisir, ainsi qu’on l’a vu par la lettre en vers de Bernard de la Monnoie. De là son luxe et son désir de confortable dans sa maison, de là son goût pour tout ce qui a un caractère artistique et élégant. Il a chez lui un musée original et assez hétérogène. Il y reçoit quelques amis du dehors ou de sa ville natale. Il vit en lui-même et par lui-même. Il ne cherche pas à tromper le temps par de banales et futiles relations avec le monde. Il est heureux dans son jardin, dans sa bibliothèque, au milieu de ses objets d’art.

    Voici, à la date de 1693, une description du Petit Versailles, tel que Soyrot l’avait rêvé et réalisé, par une suite ininterrompue d’embellissements et d’acquisitions. Il y a là comme un inventaire exact et complet de tout ce qui fait partie du jardin et de la maison, et ces détails, par certains côtés, rappellent les descriptions minutieuses où se plaisent, vers la fin du XVIIe siècle, les auteurs de romans qui restent fidèles à la manière de Madeleine de Scudéry ou de La Calprenède. Volontiers, on en sauterait plusieurs feuillets pour en trouver la fin. Voyons cependant quelques-uns de ces détails.

    En entrant dans le Petit Versailles, par la porte qui est ouverte sur la Charme de Braux, voici, avec son balustre, où sont étalés deux cent cinquante caisses et pots de fleurs, voici la terrasse, que l’on quitte, si l’on veut aller de suite au jardin, par un escalier monumental à vingt-sept marches de pierre de taille. Sur le côté ouest de la terrasse est la maison qui offre, au rez-de-chaussée, à droite, la chambre du jardinier, et, à gauche, un salon, dont les portes vitrées donnent sur un balcon couvert, long de vingt pieds et large de dix, et qui domine un canal d’eau vive, où abondent toutes sortes de poissons. Dans le salon, se trouvent quatre statues en bois, hautes de six pieds, et, sur les murs, plusieurs tableaux, reproduisant cinq grandes batailles d’Alexandre par Lebrun, le Pont-Neuf par Van der Meulen, Moïse tirant l’eau du rocher par Le Poussin.

    Dans l’escalier, quatre bustes, dont celui de Louis XIV, des coffres, des tableaux, des vases de fleurs, des fleurets, des lanternes de verre de France, etc. Au-dessus de la porte vitrée de la principale pièce, est une inscription qui rappelle la recommandation moderne des Italiens dans certains édifices, Guardare, non toccare :

    En ce lieu, pour en user bien, Voyez tout et ne touchez rien.

     Voici en effet, le musée Soyrot. Les murs sont blancs, bleus, dorés. Tout autour, une corniche est soutenue par six consoles de sculpture, sur lesquelles reposent des bustes de grandeur naturelle. Vingt sept tableaux, des portraits, par exemple celui du Dauphin, car on escompte déjà, même en province, les espérances fondées sur celui qui ne fut pas l’héritier de la couronne, des miniatures, des paysages, neuf bas-reliefs, des médaillons, une nymphe et deux Amours sur la cheminée embellie de fleurs et de fruits en bois, une bibliothèque avec douze cents volumes de choix ; quatre-vingts statuettes, vingt-deux figurines, des vases artistiques, des coquilles, des bustes, cinquante médailles, une table de quinze pieds avec des estampes et trente-cinq statuettes, des cassettes, des boites de diverses formes, une cassolette à brûler des parfums, des objets de physique, des lunettes d’approche, des échantillons de minéraux, etc. etc., telles sont les richesses réunies lentement en cette salle par Soyrot, qui savait faire, avec un esprit aimable, les honneurs de sa maison si originale.

    Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

    Dans la seconde chambre du premier étage, voici encore sept grands tableaux, des Amours, les Armes de Soyrot et de son épouse, des peintures et des devises, un jeu de trictrac, un orgue du modenais Barberi, le portrait de Bussy-Rabutin, etc., etc. Le lit, ingénieux caprice, sert de plafond pendant le jour, grâce à un appareil à poulies, à l’aide duquel on le descend à terre pendant la nuit. Les deux pièces du premier, côté jardin, donnent sur un balcon, qui est élevé de vingt-cinq pieds au-dessus des pelouses de verdure ». 

    Selon un autre auteur, ce lit « était dissimulé dans le décor du plafond et, le soir, il suffisait de tirer sur deux cordons dissimulés de chaque côté de la cheminée pour actionner une machinerie spéciale à contrepoids sur poulies installée dans le grenier pour faire descendre le lit ».                                                                                                                           Sur le plan napoléonien de 1810, on trouve un bâtiment rectangulaire et, un peu plus loin, toujours le long de la rue, un petit bâtiment carré.

    Une étude historique du "Petit Versailles" de Châtillon sur Seine, par Dominique Masson (1ère partie)

     La famille Soyrot était très attachée aux Belles Lettres et Joseph-Bernard n’y fit pas exception. Fin lettré, il fut l’ami de plusieurs hommes de lettres et de savants. Le dijonnais Bernard de La Monnoye, poète, philologue et critique, membre de l’Académie Française en 1713, connu principalement pour ses Noei Borguignon, avait composé l’épitaphe funèbre de son père :

    Cy-git Soirot- Passant, ce mot veut dire

    Un homme ensemble et généreux et doux ;

    Qui sut bien vivre, agir, parler, écrire,

    Fut bon ami, bon père, bon époux,

    Vécut loué, chéri, goûté de tous,

    Hors en un point ; ce dont nul ne s’étonne :

    C’est que la fin, qui les œuvres couronne,

    L’a tout à coup fait voir bien différent :

    Lui qui jamais ne chagrina personne

    A chagriné tout le monde en mourant.

    La Monnoye fut également l’ami d’un autre membre de la famille Soyrot, conseiller au parlement de Metz.

    Joseph-Bernard fut également, entre autres, l’ami du comte de Bussy-Rabutin ; de Du Tilliot, bibliophile dijonnais ; de Bouhier, jurisconsulte, historien et bibliophile, qui entra à l’Académie Française en 1727 ; ainsi que de Pierre Dumay, poète et traducteur d’auteurs latins. Joseph-Bernard entretint une correspondance avec tous les hommes importants de la Bourgogne.

    Pour l’embellissement et la décoration de sa propriété, il dépensa plus de 100 000 livres. Il réunit là des collections d’antiques, une bibliothèque choisie, des manuscrits, des sculptures et des peintures, des médailles trouvées dans le Châtillonnais et fut nommé membre correspondant de l’Académie des Sciences. Il permit à ses concitoyens d’y avoir accès.

    Il eut maille à partir avec un principal du collège, Pantaléon Pion, qui se prenait pour un grand homme littéraire ; en ayant fait une critique sévère de ses œuvres, le principal, blessé, trouva des partisans et il en résulta un conflit animé entre les deux hommes. Après sa mort, ses livres passèrent dans la bibliothèque du président de Ruffey mais ses écrits et ses manuscrits, que put récupérer Delamothe, disparurent en grande partie. La bibliothèque municipale de Dijon possède l’un de ses manuscrits intitulé  Cours de Galanterie (manuscrit 529).

     Ce doit être Soyrot qui fit relever le moulin des Ecuyers, fief du roi en 1562,détruit et tombé en vétusté, pour l’englober dans sa propriété.


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