• "L'escarmouche d'Autricourt" le 29 novembre 1870 et ses conséquences, un notule d'histoire de Dominique Masson

    Après  "La surprise de Châtillon", voici "l'escarmouche d'Autricourt", un passionnant notule de Dominique Masson, sur une guerre totalement oubliée, celle de 1870...

     

    Notule d’histoire :

    L’ « escarmouche » d’Autricourt, le 29 novembre 1870, et ses conséquences

    L’ « escarmouche », c’est le terme qui fut employé par les allemands [i].

    Après l’attaque de Ricciotti Garibaldi sur Châtillon, le 19 novembre 1870, le colonel Lettgau, pensant que les garibaldiens allaient revenir en nombre, se retira le lendemain sur Châteauvillain.

    Dans sa marche sur la Loire, le général von Kraatz arriva dans cette localité le 21 novembre et ramena le détachement à Châtillon.

    Le 18 novembre, quatre compagnies de Landwehr de Soest (1er, 5e et 6e) et  un demi-escadron du 5e hussard de réserve se trouvaient sur les routes de Bologne-Saint Dizier et Bologne-Colombey.

    Le 23, ces troupes vinrent rejoindre le général von Kraatz.

    La première de ces troupes avait eu une légère rencontre avec une bande de francs-tireurs, près de Plaines (Aube) ; en fait, il semble qu’il y eut deux hommes tués.

    "L'escarmouche d'Autricourt" le 29 novembre 1870 et ses conséquences, un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 1 : Décès du 23 novembre 1870 "la guerre franco-allemande de 1870-1871" rédigée par la section historique du Grand Etat-Major prussien en 1882

     Mais la troisième compagnie de Soest eut plus de problèmes.

                Voici ce qu’écrivit l’instituteur Onésime Gallimard, en 1888 [ii] :             

    Pendant la guerre de 1870, une compagnie de francs-tireurs du Var, commandée par Verdanet eut connaissance qu'une colonne d'Allemands avait quitté Bar sur Seine et remontait le cours de l'Ource [iii].

    Dans la matinée du 29 novembre de ladite année le chef de la troupe fit placer ses hommes dans les vignes des Frasses, près du bois de ce nom dominant la route départementale n° 16 et à 400 mètres du village d'Autricourt.

    Lorsque la tête de la colonne ennemie arriva au pont établi sur l'Ource proche des habitations, une vive fusillade s'ouvrit sur eux (au lieu-dit « la folie », petit bois surplombant le petit bois le virage et l’ancien pont sur l’Ource, selon madame Pluyaut [iv]).

    Les Allemands ripostèrent et le combat dura une demi-heure.

    Pendant l'action les balles sifflaient dru sur le village.

    La compagnie franche se retira dans les bois emportant un blessé.

    Les Prussiens ramassèrent leurs morts et leurs blessés qui étaient relativement nombreux, 50 à 60 ; ils les placèrent dans des fourgons et rétrogradèrent.                                                                          

    Côté garibaldien, c’étaient les  tirailleurs garibaldiens du Var sous les ordres du commandant Danilo, faisant partie de la première brigade, sous le commandement du général Jozef  Bossak-Hauké.

    Côté allemand, ils faisaient partie des troupes d’étapes de la IIe armée ; c’était la troisième compagnie du bataillon de Soest du troisième régiment de Lanwher de Westphalie.

    En fait, il n’y eut que deux soldats morts et trois blessés.                                                

    On ne sait si les deux soldats morts, Anton Schürmann, de Waltringen, et Johann Kleine, d’Essen ont été tués le 23 novembre ou le 29.

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    Figure 2 : décès du 29 novembre 1870 "la guerre franco-allemande" opus cité

    Puis les ennemis continuèrent leur chemin, mais l’un d’eux devait être trop sérieusement atteint.

    En passant à Grancey-sur-Ource, le régiment le laissa  au château et le commandant déclara que, s’il mourait, le village serait brûlé en représailles. Puis le régiment continua sa route et fut de nouveau attaqué à la Grosse Borne.

    A la suite de ce combat, le général prussien von Werder qui commandait à Troyes, fit amener à Bar sur Seine M. Simon, maire d'Autricourt, et voulut lui imposer pour la commune une contribution de 50.000 frs.

    M. Simon, par sa fermeté parvint à faite abaisser ce chiffre à 10.000 frs, qui furent payés peu de temps après pour éviter une occupation militaire et soustraire les habitants à la brutalité des soldats ennemis.

    Quant à Grancey, le soldat blessé, François Hölter, fut accueilli humainement et reçut les soins de la sage-femme du pays, Marie Elisabeth Eicher, mariée dans le village à Nicolas Garnier.

    Cette personne était d’origine suisse et parlait allemand, ce qui lui permit de converser avec le blessé.

    Tout en s’occupant de son état, elle lui parla de la grande angoisse des habitants qui s’attendaient à l’incendie annoncé, bien qu’ils ne soient pour rien dans les embuscades des Garibaldiens qui se déplaçaient continuellement dans la région.

    Le jeune soldat, qui avait trente ans, se sentait faiblir et parla de son épouse et de ses jeunes  enfants restés dans son village de Prusse.

    Il était originaire de Uelde, près de Lippstadt ; c’est une ville de l’arrondissement de Soest, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie [v].

    Sa fin approchait, mais madame Eicher fut assez éloquente ; il s’émut et décida de faire grâce au village de Grancey.

    Il mourut le 2 décembre 1870. 

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    Figure 3 : Décès de François Hölter. Etat-Civil de Grancey sur Ource

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                                                                                                  Selon la loi du 4 avril 1873 relative aux tombes des militaires morts pendant cette guerre, aussi bien français qu’allemands, sur la demande du préfet, les terrains où se trouvaient des tombes militaires devaient être cédés à l’Etat au prix du tarif en vigueur pour les concessions perpétuelles ; les terrains et les tombes  concédés à l’Etat  devaient être conservés par la commune en bon état d’entretien.

    A Grancey, selon le rapport d’Emile de Marcère, en 1878, une concession de 2 mètres fut accordée, le, 30 juillet 1876 [vi].

    D’abord enterrés derrière l’église, les restes de François Hölter furent déplacés dans un carré militaire au cimetière (même si un doute peut persister sur cette tombe) [vii].

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    Figure 4 : tombe de François Hölter, cimetière de Grancey sur Ource, Cliché Dominique Masson

    "L'escarmouche d'Autricourt" le 29 novembre 1870 et ses conséquences, un notule d'histoire de Dominique Masson

    Figure 5 : tombe de François Hölter au cimetière de Grancey sur Ource, cliché Dominique Masson

    Les Grancéens virent là une intervention du ciel et de la sainte Vierge, à qui ils avaient dédié leur nouvelle église en 1833.

    Ils décidèrent d’élever sur le coteau de Beauregard, au cœur du vignoble, une chapelle d’action de grâce au moyen d’une souscription  et de placer le village à jamais sous la protection de la Vierge. 

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    Figure 6 : La chapelle de Beauregard et l'église Notre Dame de l'Assomption de Grancey sur Ource, cliché Dominique Masson

    La chapelle fut rehaussée d’une statue de la Vierge, œuvre du sculpteur châtillonnais Lefort.

    Elle tient le blé et le raisin, emblèmes des paysans vignerons grancéens.

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    Figure 7 : la Vierge dominant la chapelle de Beauregard, cliché Dominique Masson

    Elle surmonte une inscription : « A la Vierge Immaculée-Ils m’ont établie gardienne-les habitants de Grancey-1870 ».

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    Figure 8 : inscription de remerciement , chapelle de Beauregard, cliché Dominique Masson

    Chaque année, le 15 août, date de l’Assomption de la Vierge, une procession se rendait de l’église à la chapelle en chantant les cantiques de Lourdes.

    Puis le prêtre faisait un court office et l’on redescendait à l’église où était encore célébré un salut, suivi de la bénédiction des enfants du village.

    Cette procession cessa vers les années 1955 environ.

    Le curé Roch Delamaison, décédé en 1874, se fit enterrer au chevet de la chapelle.

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    Figure 9 : la chapelle de Beauregard à Grancey sur Ource, cliché Dominique Masson

    Bâtie sur un terrain privé, la chapelle devint la propriété de madame et monsieur Le Charpentier, qui eurent à cœur de l’entretenir et de la protéger.

    Finalement, en 1978, madame Le Charpentier en fit don à la commune.

     (Dominique Masson)

     Remerciements à monsieur Günter Wiesendahl, historien à Hamm, en Allemagne, et à monsieur Michel Massé.

     [i] « La guerre franco-allemande de 1870-71, rédigée par la section historique du grand état-major prussien », traduction par E.Costa de Serda ; tome V, 1882

    [ii]Gallimard Onésime : « Monographie de la commune d’Autricourt », Cahiers du Châtillonnais, n° 64

    [iii] Selon l’ouvrage « la guerre franco-allemande » (op. cit.)…, « une bande se composant de plusieurs centaines d’hommes, réussit à barrer le chemin, près d’Autricourt, à la 3e compagnie de Soest, qui se dirigeait de Bar-sur-Aube vers Châtillon ».

    [iv] Goyard-Pluyaut Christiane : « C’est un village de France ; il a nom : Grancey-sur-Ource » ; Cahiers du Châtillonnais, n° 40

    [v] Uelde fait aujourd’hui partie de la ville d’Anröchte ; dans le « Westfälischer Anzeiger » du 6 décembre 1870, il est indiqué que le bataillon de Soest avait perdu deux hommes dans une bataille près de Plaines, le 28 novembre. Le militaire Anton Schürmann était porté disparu et le militaire Johann Kleine d’Essen  avait été tué. Renseignements fournis par monsieur Günter Wiesendahl

    [vi] « Exécution de la loi du 4 avril 1873, rapport d’Emile de Marcère », 1878. Il est écrit (p. 68 et p. 351) : «  concession de 2 mètres pour un Français », mais aucun français n’a été signalé mort à Grancey.

    [vii]« Dossier : 150e anniversaire de la guerre de 1870 », Ministère des Armées ; 2020

     


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