• Depuis quelque temps, une lectrice , dont le pseudo est "Librelulle"  m'envoie des commentaires sur les articles du blog,commentaires pertinents et pleins de vivacité...
    Librelulle, un jour, m'a adressé un commentaire  qui décrivait si poétiquement   l'usine de Sainte Colombe, que ...je n'ai pas voulu le publier avant de savoir qui  était cette correspondante...
    Heureusement elle m'indiquait son adresse e-mail..
    J'avais ma petite idée,je la lui ai soumise ..et il s'est avéré qu'elle était juste !
    Librelulle c'est une jeune femme originaire de Sainte Colombe sur Seine, que beaucoup d'entre vous connaissent, Librelulle ..c'est Valérie Tröndle !
    Pascaline Kromicheff lui avait consacré un article élogieux dans " le Châtillonnais et l'Auxois", lors de la parution de son  livre de souvenirs  intitulé "Au nom du Père"..
    Dans ce livre,  que je me suis bien évidemment procuré et que j'ai beaucoup aimé,  nous  retrouvons les souvenirs plein de tendresse d'une jeune Colombine (habitante de Sainte Colombe sur Seine) qui suivait son père dans son travail de ramoneur, mais aussi une évocation de sa vie Châtillonnaise des années 80, avec ses joies, mais aussi ses peines.

    -Valérie Tröndle,un écrivain Châtillonnais

    Une correspondance a donc vu le jour entre nous deux, j'ai découvert une jeune femme pleine de sensibilité, naturelle , franche  et qui déteste l'hypocrisie !
    Des textes me sont parvenus,des poèmes aussi...
    Je lui ai demandé l'autorisation de parler d'elle sur mon blog,elle a accepté vraiment gentiment et je l'en remercie beaucoup, j'ai demandé des photos, elle m'en a envoyé..
    La voilà Valérie avec son beau sourire...

    -Valérie Tröndle,un écrivain Châtillonnais

    et , studieuse, devant le bureau où elle écrit, près d'un  chat,qui est, comme chacun sait,  l'ami des écrivains !

    -Valérie Tröndle,un écrivain Châtillonnais

    Je vais donc publier ,petit à petit,les jolis textes qu'elle m'envoie,ses poèmes..
    Je commence aujourd'hui par ce commentaire sur l'article "Métallos et Dégraisseurs" , que j'avais mis de côté..

    Moi aussi, j'aimerais bien la voir cette pièce de théâtre..
    J'ai lu cet article aussi avec un pincement au coeur
    L'usine, j'ai habité juste à côté pendant 18 ans
    Un p'tit texte que j'avais écrit en 2007

    Le  poème , qui suit ce commentaire,  m'a beaucoup impressionnée, tellement il m'a rappelé la mise en scène de la pièce de Raphaël Thierry, où l'usine reproduisait des bruits bizarres, grinçants...tellement vrais !...

    L'usine, elle tourne,
    Elle rugit, elle ronronne.
    Parfois, elle sonne à la porte. C'est l'Miguel et son oeil dans la poche. c'est la Paulette et son manque de pinard. C'est l'père Fouette qui porte sur son dos, son dos qu'en a marre, c'est l'Ahmed et son doigt qui s'balance, ou l'Toni et sa trêve du dimanche.

    Et l'usine, elle tourne,

    Elle rugit, elle ronronne.
    Parfois, elle explose et s'ouvre et fanfaronne. C'est l'dirlo et son manque à gagner, c'est l'p'tit cadre et ses feuilles à trouer, sait pas écrire, c'est l'aut'e chef qu'à plus rien à branler, ou l'toubib qui veut boire un café, et c'est la grève et les portes à escalader, les chants de guerre aux pieds rassemblés, le défilé des monstres, de tous ces athées. c'est l'usine et ses rouges, ceux qui boivent de la piquette, ceux qui en bavent et qui embrasent l'Odette. Si ça bouge! ça fait peur aux femmelettes!

    Mais l'usine, elle se réveille,

    Et puis elle tourne,
    Elle rugit, elle ronronne.
    Et parfois, elle postillonne. C'est l'Bibi qui pleure, qui vient d'se faire virer, la Justine qui valse, qui vient d'se faire tirer, ou l'gars d'la CGT qui gueule, qu'a pas peur d'la ram'ner, le p'tit Godroche qui s'est déjà fait la malle, mais l'Pilou qu'est là pour remplacer.

    Et l'usine, elle tourne,

    Elle rugit, elle chantonne.
    Et c'est l'bal, celui ou ça s'bastonne.
    Fils d'ouvriers contre fils de bourgeois.
    1950, 1960, 1970, 1980,
    Même combat, c'es toujours comme ça!
    Ceux du pont des fainéants contre les p'tits cons des commerçants!

    Et l'usine, elle tourne,

    Elle rugit, elle ronronne.
    Elle happe, elle ensorcelle,
    elle frappe, elle ribambelle,
    Elle dévore, elle vomit,
    Elle danse ou elle gémit.

    Mais l'usine, elle fatigue,

    Elle vieillit et ronronne au ralenti.
    Elle a recraché un quart de ses ouvriers,
    Parce que l'usine,
    Elle s'époumone,
    Elle s'abandonne,
    Elle radote,
    Elle agonise...


    *les noms sont fictifs évidemment et il y avait des cadres qui savaient écrire aussi

    C'est impressionnant n'est ce pas ? vous comprenez pourquoi j'ai voulu entrer en correspondance avec Valérie-Librelulle, cette écrivain (e) qui a tant de talent..
    Je publierai les jours prochains d'autres textes qu'elle m'a offerts si généreusement,mais j'aimerais citer un passage de son livre "au nom du père" qui m'a touché tout particulièrement..

    Les blessures ne se referment pas totalement.Elles restent vives mais on apprend à vivre avec et à en supporter les brûlures.Un jour , on ose se retourner sur son passé et après y avoir apprivoisé les ombres, on entrevoit la lumière….

    Et puis un beau jour, comme on dit souvent, un jour beau, presque par hasard, on s’aperçoit que ça ne brûle plus.

    Un petit tas de cendres sur lequel on pose un regard attendri avant de souffler dessus

    D'autres extraits,d'autres textes et poèmes inédits bientôt..

    Vous pouvez vous procurer le livre de Valérie Tröndle à la librairie du Musée , il vaut vraiment la peine d'être lu, ne vous en privez pas !


    11 commentaires
  • Quelques poèmes de Valérie, illustrés par des photos du lavoir  de Sainte Colombe sur Seine...

    -Les ovins Châtillonnais

    Voyage à la source

    L'horizon a migré bleu dans mes voeux
    Et les toits de mon village ont souri
    De leurs longues bouches charnues et rouges.
    Les champs de colza se sont mordorés
    Du morcellement roux de ma conscience.

    Exhibant ses courbes sinueuses
    La Cuesta s'est avancée, bienveillante,
    Défilant son chapelet clairsemé
    D'édifices romans et solitaires
    Et devant, les monts doux de Gargantua
    Me creuseront les joues de leurs rondeurs

    La fière colline du Mont Lassois
    Répandra ses légendes d'autrefois
    Et la princesse de Vix et son vase
    Hanteront mon voyage et ma mémoire
    Les prés colorés tisseront la trame
    Des tableaux, de la soie de mon enfance

    Le renard, l'épervier et l'hirondelle
    Me chanteront le corps et la vie pleine
    Et des poissons d'argent ou bien d'avril,
    Et des amis d'antan sur même fil
    Se reflèteront dans l'étang tranquille
    De mes pupilles gaies et juvéniles
    Tiens! ça rime

    J'irai dire à la mère que je l'aime
    Que les larmes retournent au ruisseau
    Et qu'un peu plus haut, il fait toujours beau
    Quand on a toujours le coeur dans les poches
    Si l'on aime encore user ses galoches

    Et elle me dira comme d'habitude
    Tu écris bien mais tellement étrange
    Et nous rirons de la lèvre de l'ange
    Et le soir, elle oubliera ses douleurs,
    Sûre de l'amour de tous ses enfants
    Et de celle qui adopta la lune...

    A ma mère, à qui j'ai tout pardonné depuis que j'ai...des filles.


    -Les ovins Châtillonnais

    Au "pays"
    Je reste la fille du ramoneur
    La Valérie
    Celle qui défiait le vertige,
    Et qui déjà regardait le monde d'en haut.

    Au "pays"

    On m'paye des pots
    On m'tape dans l'dos
    On m'invite à l'apéro
    On n'sait plus trop où j'vis
    On n'sait plus trop c'que j'fais
    On n'sait pas qu'j'étais pleine d'amerlune

    Mais on voit, on voit enfin

    Qu'j'ai les yeux qui pétillent
    Comme un bon verre de champ'
    Mais on m'croit, on m'croit,
    Quand j'dis qu'nous aussi on brille
    Tout au fond d'nos vallons

    Au "pays", je ne suis rien

    Au "pays" enfin j'y suis bien
    On r'connaît les gens à leur gueule.
    On s'dit: tiens!
    C'uila, c'est l'fils au Jeannot
    Si y s'ressemblent!
    On s'dit: tiens!
    Si j'allais voir la Denise
    Qui va m'sortir sa p'tite goutte.
    Si j'allais voir l'église
    Même si l'bon dieu s'en est allé

    On s'dit: tiens!

    Si j'retournais à mon usine
    Et voir l'jardin de mon enfance
    Il a disparu mais j'le vois toujours.
    Il me dit: t'as vu si t'as grandi!
    J'reste ton p'tit coin de paradis

    Pis on va voir sa mère qui va plus bien

    On lui dit je t'aime mais tu l'sais bien
    On va s'baigner au gué, au gré de la Seine
    C'est bien plus froid!
    C'est bien plus sale!
    C'est tout en friche!
    C'est plein d'cailloux!
    Y'a plus d'poissons!
    Et si ça pue!
    Mais si ça rafraichit!

    Et puis on s'dit, si j'suis riche de tout ça!

    Les citadins, z'ont jamais connu ça!
    On rencontre la Babeth et l'Bourinot
    On va boire l'ratafia
    Dans des p'tits pots

    On repart tout en vrille

    On roule un peu à gauche
    Mais on s'en aperçoit
    On s'fait arrêter par les gendarmes.
    "Ah! vous êtes d'ici! passez-donc! V'là un 92!"

    Faut faire attention à la murette

    C'est là qu'y a un virage si traite
    Mais la route, on la connait
    On n'fait jamais à bouffer
    Y'a toujours quelqu'un pour vous inviter

    Mais on a bien vu qu' y a plus d'boulot

    Qu'y a encore plus de gars dans les bistrots
    Mais on a bien vu qu'c'est pas facile
    Et qu'y a des rides aux coins des yeux.


    On r'part pourtant avec un p'tit point au coeur,
    De ceux qui vous font voir un peu d' bonheur.

    (Des commentaires seraient les bienvenus, ils me montreraient que ce blog vous intéresse.

    Merci.)


    8 commentaires
  • -Les photos artistiques de Christian Labeaune

     En gobant la lune et le firmament

     Je suis une petite fille
    Et je me souviens

    J'ai fait une fugue à l'usine un dimanche d'automne
    L'usine, j'habitais à côté et je ne la connaissais même pas !
    Je suis passée par dessus la grille derrière la maison et par le hangar aux fenwicks
    Et je l'ai vue !
    Enorme, béante, métallique et comme hantée avec le vent glacial qui soulevait ses voiles de plastiques , avec ses cliquetis  de chaînes et de câbles, avec ses poumons d'acier tout brillants de graisse noire...

    Je ne l'ai jamais dit à personne. C'est mon secret!

    Je suis une petite fille
    Et je me souviens.

    Un cadre s'était garé devant le panneau de stationnement interdit de l'infirmerie, juste devant notre maison.
    Mon père a eu une bonne idée et le cadre ne s'est jamais plus garé devant le panneau.

    -Il faut rrrespecter les lois quand elles sont chustes, disait mon papa avec son accent suisse et en roulant les r comme un vrai bourguignon.

    Je suis une petite fille
    Et je me souviens

    Des nuits de brouillard ou des feux d'artifices
    Des corbillards et de bien des malices
    D'une chasse à courre et de champs de blés
    De jardins merveilleux
    De la maison des ancêtres
    Des concours de pêche
    De la visite à Colombey
    De l'Abbaye de Fontenay
    Du vase de Vix et d'une princesse

    Des feux follets et de Tom Sawyer
    Des ouvriers coriaces
    De la blouse blanche de ma mère
    De toute la suie qu'a avalée mon père
    Et du vin, du vin divin bourguignon
    Et du vin divin qui souvent rend si crétin


    Je suis une petite fille mais plus pour très longtemps
    Je gobe la lune et le firmament
    Je troque des plumes contre de faux diamants

     

    -Une patinoire à Châtillon sur Seine !

     Le long temps des éphémères

     Je te dirai les vents de l'enfance
    Et les tours des nuages
    Les couleurs des rois mages
    Et le sang des cristaux
    Le temps suspendu
    Les caches du rêve

    Je te dirai des forces ouvrières
    Et la tonte en bouteille
    Les rires des pas sages
    Et la larme en faucille
    Le chant du carnaval
    Des clowns tristes

    Je te dirai les vents de l'enfance
    Et des tours de passe-passe
    Des douleurs de Poucette
    Et des larmes d'ogre
    Les trésors du canal
    Une terre de métal
     
    Je te dirai
    Tout ce dont je me souviens

    De ces temps où les éphémères
    Se déplacent lentement

    A la vitesse de la lumière

    (Des commentaires sur le thème de l'article seraient les bienvenus, ils me montreraient que ce blog vous intéresse et ils me donneraient envie de continuer à  l'alimenter .

    Merci.)

     

     


    6 commentaires


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