•  "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

     2014 va être marqué par la commémoration de la guerre de 14 qui a embrasé l’Europe. Mais qu’était l’Europe de 1914 ? Celle de la Belle Epoque, prolongement du XIXème siècle, avec ses Grandes Puissances à la tête d’empires coloniaux, son industrie triomphante, ses monarchies aux alliances familiales enchevêtrées, ses Etats liés par des traités et empêtrés dans des procédures d’état major qui sont autant de cliquets sur la roue des relations internationales. Mais aussi une Europe marquée par l’arrivée de nouveaux acteurs sur la scène géopolitique (les pays balkaniques, le Japon, les USA) et par des changements dans la société. Einstein pense la relativité ; Freud sonde l’inconscient. La France, la Russie, le Royaume-Uni, l’Autriche-Hongrie se préoccupent de politique intérieure ; l’Empire Allemand, bien que principale puissance du continent se sent menacé. C’est alors que Gavrilo Princip, armé par un mouvement extrémiste de nationalistes serbes, tire sur l’archiduc François Ferdinand, un 28 juin 1914. Le XXème siècle a commencé.

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Robert Fries, avant de nous présenter l'état de l'Europe de 1914, nous a conté l'origine du conflit que fut la "Grande Guerre".

    L'événement déclencheur  de la Première Guerre Mondiale fut l'assassinat, à Sarajevo, de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône de l'Autriche-Hongrie et de sa femme Sophie par le nationaliste serbe de Bosnie-Herzégovine Gavrilo Princip, membre de la société secrète de la « Main noire ».

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Voici le plan de l'exposé de Robert Fries :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    En 1914, l'Europe domine le monde...

    Par ses empires coloniaux :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Par sa puissance économique.

    En 1914, l'Europe représente 20% de la population mondiale, et 60% du P.I.B. mondial.

    Par son rayonnement culturel

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    La plupart des états d'Europe sont des monarchies, sauf la France.

    En haut de cet assemblage de photographies, on reconnaît :

    George V, roi de Grande Bretagne, Nicolas II empereur de Russie

    En bas : Guillaume II, empereur (Kaiser) d'Allemagne, François-Joseph empereur d'Austro-Hongrie.

    A droite Raymond Poincaré, président de la République Française.

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    La Société reste traditionnelle.

    Les élites des nations sont représentées dans ce tableau de James Tissot, "le cercle de la rue Royale", ce sont des aristocrates.

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Les femmes sont quasiment exclues de la vie politique, sauf en grande Bretagne où les suffragettes militent pour le droit de vote.

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Les pays balkaniques sont les nouveaux acteurs sur la scène européenne :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    L'Italie reste un pays "à part" :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    De grandes Puissances apparaissent : le Japon et les USA.

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    La Chine reste pour l'instant, observatrice...

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Des rivalités se font jour au sujet de la colonisation.

    Des rivalités franco-anglaises en Egypte,  au Soudan, à Madagascar, au Siam. La crise de Fachoda faillit mal tourner.

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Des rivalités franco-allemandes virent le jour au Maroc  à Tanger, à Agadir :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Mais existèrent aussi des rivalités franco-russes sur les Détroits, le canal de Suez, l'Inde.

    La France investit en Russie avec les fameux "Emprunts Russes" (qui, hélas, seront perdus pour leurs acheteurs après la Révolution Soviétique de 1915)

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Les différents Etats d'Europe en présence :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Guillaume II, le Kaiser en 1905 :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Les alliances en 1914 :

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    De nombreux applaudissements saluèrent la conférence magistrale de Robert Fries qui nous a bien fait comprendre les tenants et les aboutissants de la Première Guerre Mondiale.

    Il nous annonça qu'il pouvait offrir le texte de sa conférence, aux personnes intéressées.

    "L'Europe de 1914" une conférence de Robert Fries pour l'Association Culturelle Châtillonnaise

    Vous pourrez donc lire, en cliquant sur les liens suivants :

    -Comment se présentait l'Europe en 1914:   L'Europe en 1914

    -Un exposé de l'évolution des états balkaniques: Une brève histoire des Balkans

    Après ce dernier exposé Robert Fries nous a fourni une liste d'ouvrages à consulter.

    Pour ma part, dans cette liste, je conseille le très bel ouvrage d'Yves-Marie ADELINE, 1914 une tragédie européenne ( Ellipses, 2011.)

    Cet auteur nous l'avait présenté à Voulaines les Templiers chez monsieur Savatier, lors d'une magnifique conférence.

    http://www.christaldesaintmarc.com/1914-une-tragedie-europeenne-un-livre-passionnant-d-yves-marie-adeline-a4829498

     


    votre commentaire
  •  L’Association Culturelle Châtillonnaise – Université pour Tous - a revisité pour nous, avec Robert Fries l’histoire de l’Europe au XIXe siècle.  Lundi 29 février il a évoqué l’Europe de la Sainte Alliance, c'est-à-dire la période qui va de Waterloo (1815) à la fin de la guerre de Crimée (1855).

    Monsieur Robert Fries a eu l'extrême gentillesse de me donner le texte de sa conférence, comme aux autres auditeurs, mais en plus il y a joint les diapositives qu'il a projetées.

    Merci à lui.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Pourquoi cette conférence ?

    Il s’agit de combler, partiellement à tout le moins, les trous laissés par mes précédentes interventions.

    Je vous ai parlé du Congrès de Vienne et je me suis arrêté au jour où il a pris fin, le 9 juin 1815. Vous n’ignorez pas que des événements importants pour l’Europe allaient se dérouler dans les semaines qui suivaient la dispersion des diplomates. Je vous ai également parlé de la période du « Printemps des Peuples », c'est-à-dire des révolutions qui ont secoué l’Europe en 1848. Je vous ai enfin décrit l’Europe à la veille de la guerre de 1914. Aujourd’hui, je vais essayer de décrire la période qui va de 1815 à 1856. Je l’ai appelé l’Europe de la Sainte Alliance. Quelques principes simples, un peu utopiques, l’inspiraient. La Realpolitik s’y opposait. C’est cet antagonisme qui nous servira de fil directeur.

    Le bien fondé de cette expression peut être contesté. Toujours est-il qu’en 1815, la France était mise en pénitence et se trouvait exclue du « concert européen », c’est à dire du petit club de grandes nations qui estimaient devoir gouverner l’Europe. Par ailleurs, la Russie, amie de l’Angleterre, apparaissait comme la garante de la paix en Europe. En 1856, la situation est renversée. Napoléon III, ami de l’Angleterre, a le beau rôle : celui d’arbitre de l’Europe ; il est l’hôte d’un congrès qui va, entre autre, contenir les ambitions de la Russie en Europe centrale et au Moyen Orient, puis poser la question de l’unité italienne.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Entre ces deux dates :

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    • Les conséquences catastrophiques des Cent Jours pour la France qui se manifestent par son retrait temporaire des affaires internationales puis son prudent retour au centre de l’échiquier européen
    • la Sainte Alliance marquée par
      • les fumeuses utopies du tsar Alexandre Ier,
      • le « concert des nations », c'est-à-dire la volonté des « puissances de premier ordre » de régler ensemble, par la diplomatie et avec compréhension, leurs différends[1],
      • la politique réactionnaire orchestrée  par Metternich et menée par les monarchies restaurées.  Cette politique s’oppose aux aspirations démocratiques d’une bourgeoisie conquérante et au sentiment de nationalité qui anime les classes instruites de pays aux frontières arbitrairement définies.
    • L’émergence d’une nouvelle préoccupation internationale : la question d’Orient intimement liée à la décadence de l’Empire Ottoman et aux velléités des tsars de prendre pied dans les Balkans, voire en Méditerranée.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Les Cent Jours et ses conséquences.

     Un bref rappel. Napoléon quitte, au vu de tous, l’Ile d’Elbe le 26 mars 1815. Il débarque à Golfe Juan le 1er mars. Le 7 mars il est à Grenoble ; le 20 mars il est au Tuileries. La nouvelle du débarquement de l’Empereur arrive à Vienne le 7 mars. Empereurs, rois et diplomates sont pris de court. Certains, comme le roi de Bavière en ont un « relâchement d’entrailles ».  Autour de Talleyrand qui rédige une déclaration sans appel, les esprits se ressaisissent le 13 mars. « … Napoléon Bonaparte s’est placé hors des relations civiles et sociales …. Comme ennemi et perturbateur du repos du monde, il s’est livré à la vindicte publique ». Le 25 mars les Quatre s’engagent à mettre chacun 150.000 hommes sur pied de guerre. Pendant qu’à Vienne les diplomates - le danger contribuant à trouver rapidement des compromis -  mettent la dernière main au traité, les événements s’accélèrent à Paris. Le 4 avril Napoléon adresse aux souverains d’Europe une lettre dans laquelle il accepte les dispositions du traité de Paris et souhaite que la France vive en paix avec ses voisins. Il n’est pas répondu[2] à cette démarche pourtant relayée par des émissaires auprès des cours européennes. La question sera réglée sur le champ de bataille. Ce sera Waterloo le 18 juin, avec ses 9.000 morts et 31.000 blessés du côté français.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Les alliés avaient été indulgents en 1814. En 1815, ils le seront moins. Le second traité de Paris (20 novembre 1815) dispose que les frontières du royaume reviennent à celles de 1790. La France perd, par rapport au premier traité de Paris (1814) le département du Mont Blanc (Savoie et Haute Savoie) et des villes sur la frontière est : Landau, Sarrelouis, Sarrebruck, Bouillon, Philippeville. Elle doit payer 700 millions de francs[3] en 5 ans. Jusqu’au paiement complet de la somme, 150.000 soldats occupent les frontières du nord et de l’est (7 départements) aux frais de la France[4]. En fait les troupes étrangères quitteront le territoire français dès 1818, le pays ne présentant plus de danger pour ses voisins et les indemnités de 700 millions ayant été payées.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Les alliés profitent de leur présence à Paris pour signer deux textes importants : le traité la Sainte Alliance (14-26 septembre 1815) et la Quadruple Alliance (20 novembre). Revenons sur ces documents.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    La Sainte Alliance[5].

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    L’idée est sortie du cerveau parfois fumeux du tsar Alexandre Ier. Celui-ci traversant une phase de mysticisme, se trouvait   sous l’influence de la baronne Julie Krudener, une femme de cinquante ans ayant connu tous les plaisirs de Paris dans ses belles années et revenue à la foi dans une version piétiste. Elle voit le tsar Alexandre comme l’Ange Blanc qui ramènera la justice et l’amour en Europe. Sous son influence le tsar rédige le texte de la Sainte Alliance, qui engage les rois et princes signataires du texte à s’inspirer de la morale chrétienne dans leurs relations avec leurs peuples et les uns vis-à-vis des autres. De surcroit les signataires, qui se considèrent comme frères en christianisme, s’engagent à s’entraider, en fait pour lutter contre les manifestations de l’esprit du mal, c'est-à-dire les mouvements révolutionnaires.

    Les trois premiers signataires sont Alexandre Ier (orthodoxe), l’empereur d’Autriche François Ier (catholique) et le roi de Prusse Frédérique Guillaume III (luthérien).

    Metternich ne croyait pas à cette initiative   et en soulignait le ridicule, mais il convenait de satisfaire le tsar à peu de frais. Castlereagh partage les réserves de son collègue autrichien et, pour ne pas s’engager, met en avant les nécessité d’un vote favorable du Parlement. Le Pape ne veut pas s’allier à un orthodoxe et un protestant. La Sublime Porte estime qu’il s’agit d’une alliance contre les infidèles. Quant à la France, elle n’est pas invitée à se joindre aux signataires : on ne lui fait pas encore confiance.

    Pour servir la paix en Europe, la Sainte Alliance introduit, dans le corpus du droit international, un droit d’ingérence quand est menacée la sécurité d’une monarchie adhérant à cette alliance. La quadruple alliance précise cette notion.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    La Quadruple Alliance.

    La Quadruple Alliance lie les Alliés, c'est-à-dire la Russie, la Prusse, l’Autriche et l’Angleterre. Sous forme de traités entre le Royaume- Uni et ses trois alliés, elle reprend les dispositions du traité de Chaumont : rester unis, ou s’unir pour s’opposer par les armes à tout retour de Napoléon ou de membres de sa famille sur le trône de France. Egalement s’opposer à des mouvements révolutionnaires qui mettraient les monarchies européennes en péril. Le traité, par ailleurs, reprend les dispositions du traité de Vienne concernant la tenue de réunions régulières pour traiter diplomatiquement les difficultés qui se présenteront. C’est le concert européen qui, de congrès en congrès, fonctionnera jusqu’en 1914.

    A court terme, la politique du roi Louis XVIII est suivie de près par les quatre alliés. Chaque semaine la conférence des ambassadeurs réunit, à l’ambassade de Grande Bretagne, les ambassadeurs des « Quatre Grands » qui se penchent sur la situation de la France. Il s’agit d’informer le duc de Wellington qui commande les troupes d’occupation. Remarquons que de cette conférence sortent des recommandations sages et modérées engageant le roi à appliquer la charte, à chercher l’apaisement plutôt que la vengeance.  

    La Quadruple alliance est en quelque sorte l’application concrète des intentions de la Sainte Alliance.  

     La fin de la pénitence pour la France.

    Après la « Terreur blanche[6] » de 1815 qui se manifeste par une épuration de la fonction publique et par des arrestations arbitraires, la monarchie prend une orientation plus conciliante, plus conforme aux souhaits des Alliés. La « Chambre introuvable », composée en grande partie de nostalgiques de l’Ancien Régime est dissoute dès septembre 1816 après avoir siégé moins de 12 mois. En 1818 la France a payé les indemnités de guerre. Alors, au Congrès d’Aix la Chapelle, en 1818 (septembre novembre) il est décidé de mettre un terme à l’occupation du pays. La France retrouve son statut de grande puissance et sa place dans le concert européen. Louis XVIII est invité à adhérer à la Sainte Alliance. Il saura se montrer digne de l’honneur que les forces conservatrices viennent de lui faire.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Maintenir l’ordre des choses : le temps de Metternich.

     Les idéologies et leurs porte-paroles.

    « Maintenir l’ordre des choses »,  ce sont les termes qui figurent dans les traités de la Quadruple Alliance. Examinons ce qu’est cet ordre des choses et quelles sont les menaces qui pourraient compromettre sa pérennité.

    L’ordre des choses, c’est l’ordre ancien, antérieur à la Révolution, en fait l’Ancien Régime plus ou moins nuancé par les Lumières. Ce sont des monarchies absolues dont la légitimité réside dans l’histoire qui elle-même est le reflet de la volonté divine. Elles ne connaissent ni la séparation des pouvoirs ni l’équilibre des pouvoirs[7]. Le pouvoir politique est exercé par les élites traditionnelles, c'est-à-dire l’aristocratie terrienne. L’armée[8] dans une certaine mesure et l’Eglise sont des soutiens de la monarchie. Mis à part le Royaume Uni, la liberté d’expression n’existe pas ; la censure est la règle générale. La police veille à ce que l’opposition ne se manifeste pas. Cette police est particulièrement active dans territoires relevant des Habsbourg.

    Remarquons tout de même que l’Ancien Régime stricto sensu n’existe plus. Mise à part la Russie, le système féodal a disparu : les paysans ne sont plus astreints à des corvées, ont le droit d’acquérir des terres, peuvent résider où ils le souhaitent, en ville notamment où se concentrent les activités industrielles naissantes. Dans certains pays – en France et dans certains royaumes d’Allemagne - le prince a octroyé une constitution qui prévoit une représentation du peuple. Mais c’est une représentation censitaire - seuls les riches votent – et le gouvernement ne dépend que du roi.

    Dans cet ordre ancien, la composition des Etats est également le fruit de l’histoire, c'est-à-dire des hasards de la guerre et de mariages plus ou moins heureux. Les territoires et leurs occupants sont la propriété des princes qui se réservent le droit de les aliéner. Le Congrès de Vienne n’a pas consulté les habitants pour redessiner la carte de l’Europe ; seul était pris en compte un équilibre entre les intérêts des grandes puissances.

     Entre 1815 et 1848, Metternich va incarner cette idéologie conservatrice.  C’est le ministre des Affaires étrangères de l’empereur François Ier puis de son fils l’empereur Ferdinand Ier (1835-1848). Pendant plus de trente ans, il domine les relations diplomatiques des Etats européens. A partir de 18 21, suite au congrès de Laibach (Ljubljana) il est également Chancelier de l’Empire d’Autriche[9], mais son rôle sur la scène nationale autrichienne est souvent contrecarré par d’autres ministres.

     C’est un homme des Lumières, favorable à un despotisme éclairé surtout s’il lui appartient d’éclairer le prince.

    Il a vu de près les batailles de Napoléon et en a mesuré l’horreur. Il veut la paix en Europe, et cette paix doit être la conséquence d’un équilibre bien pensé, et de législations conçues et appliquées avec modération.

    Il a été témoin des violences de la Révolution française. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour lutter contre les mouvements s’inspirant des principes de la Révolution française. « Il n’existe qu’une seule affaire sérieuse, et cette affaire c’est la Révolution », avait-il coutume de dire.

    Une fois le danger de l’expansionnisme français jugulé en Europe, il cherche à limiter l’influence de la Russie et se méfie des ambitions de la Prusse qui cherche à dominer l’Allemagne du Nord. Dans cet esprit, la Confédération germanique (Deutscher Bund) est créée le 8 juin 1815. Elle réunit les 39 Etats allemands (royaumes, principautés souveraines, villes libres). Elle a pour but « le maintien de la sécurité extérieure et intérieure de l’Allemagne, de l’indépendance et de l’inviolabilité des Etats confédérés ». C’est une association de souverains  indépendants (Staatenbund) et non pas une union du peuple allemand (Bundesstaat). D’ailleurs, certains souverains ne se considèrent pas comme allemands : le roi d’Angleterre (par le Hanovre), le roi des Pays- Bas, le Grand Duc du Luxembourg, le roi de Danemark ; seuls les territoires ayant fait partie de l’ancien Saint Empire sont représentés par leur souverain. La seule institution permanente est la Diète qui réunit les ambassadeurs des Etats et n’a aucun pouvoir autonome. La Confédération fut un échec, peut-être voulu ; elle permit tout au plus une meilleure coordination entre les polices pour surveiller et réprimer les mouvements libéraux.

    Il ne souhaite pas se laisser entrainer dans les affaires d’Orient.

    Face à cette idéologie conservatrice vont se dresser une pensée libérale et des aspirations nationales, et cela dans toute l’Europe.

    Les libertés que l’on réclame sont très simples : liberté de conscience, liberté d’expression, liberté de la presse, liberté de participer à la vie politique du pays par l’intermédiaire de représentants[10]. Cette volonté de participer à la vie de la nation est le fait d’une bourgeoisie éclairée qui, en dépit de ses capacités, est maintenue en dehors du champ politique. Seule, cette bourgeoisie ne peut pas faire évoluer la situation. Quand elle trouve un allié, même temporaire, dans le peuple, « ses » révolutions la conduisent au pouvoir.  Y demeurer est un autre problème.

    Les aspirations nationales sont présentes dans les pays non unifiés d’Europe centrale, des Balkans et d’Italie. La lutte contre les armées de Napoléon n’y est pas étrangère. Elles reposent sur un sentiment d’appartenance à une communauté nationale que les travaux des linguistes et des historiens ont permis de mieux appréhender. Les travaux de Gottfried von Herder (1744-1803) ont joué un rôle important. Pour lui l’identité nationale est d’origine inconsciente et culturelle[11]. Elle est fondée sur la langue, les traditions populaires, le folklore, les mythes fondateurs. En fait deux mouvements se dessinent :

    • En Allemagne un souhait plus ou moins diffus de réunir dans un même Etat tous les peuples germaniques. La langue est alors le ciment qui unit et définit la communauté. Les universités sont les points de ralliements de ceux qui souhaitent faire bouger les lignes[12]. En Italie, la situation est plus simple. Il s’agit d’abord de se débarrasser de l’Autriche qui, soit administre directement la Lombardie et la Vénétie, soit protège par ses armées des princes apparentés aux Habsbourg ; puis de réunir la dizaine d’Etats autonomes qui utilisent la même langue et sont liés par une histoire commune. Le mot d’ordre est alors risorgimento c'est-à-dire renaissance ou résurrection. Les opposants aux monarchies réactionnaires installées par l’Autriche font partie de sociétés secrètes ; elles se réunissent au fond de forêts, dans des cabanes de charbonnier : ce sont des carbonari.
    • Dans les Balkans et en Europe centrale, des peuples sont administrés par une puissance étrangère, l’Autriche. Les tchèques, les Croates, les Slovènes, les Hongrois aspirent à s’administrer eux-mêmes. Des travaux historiques ont donné un contenu à l’identité nationale. Par exemple, en 1838 parait une Histoire de Bohème par Palacky.   Par ailleurs, des travaux linguistiques permettent de codifier certaines langues et les rendent aptes à un usage courant voire officiel. En 1809 parait une Grammaire scientifique du Tchèque. En 1844 le Hongrois remplace le Latin dans les documents officiels. Mais ces nations en devenir ont également des minorités. Sur le territoire de Hongrie résident des minorités croates ou Roumaines qui aspirent également à l’autonomie. En Bohème une minorité allemande réside dans les Sudètes ; elle tient à demeurer dans un environnement allemand. En période de crises nationalistes, les minorités allemandes, croates ou roumaines auront tendance à prendre le parti de Vienne.
    • "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    En plus de l’objectif de préserver l’ordre établi par le Congrès de Vienne, les Etats ont des préoccupations particulières qu’ils mettent plus ou moins en sommeil par souci de retenue :

    • La Russie veut s’étendre vers la Méditerranée au détriment de l’Empire Ottoman et obtenir la liberté de passage des Détroits pour ses vaisseaux de guerre.
    • L’Angleterre veut surtout que la Russie n’ait pas accès à la Méditerranée. Elle est sensible aux souhaits d’émancipations et aux préoccupations démocratiques des peuples.
    • L’Autriche redoute un accroissement de la présence russe dans les Balkans et tient à garder la haute main sur la vie politique de l’Italie.
    • La Prusse veut faire part égale avec l’Autriche en Europe centrale en jouant sur l’identité allemande
    • La France veut des succès pour faire oublier l’humiliation de 1815 et se trouve disposée à favoriser les manœuvres de la Russie dans les Balkans pour obtenir une compensation sous forme d’une révision des frontières de l’est.   Son régime relativement libéral la rapproche de l’Angleterre.
    • "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Les désordres réprimés

    En France, on l’a vu, le retour des Bourbons est accompagné de mesures réactionnaires : c’est la Terreur Blanche qui heureusement ne dure guère plus d’un an. L’influence modératrice de Decazes, pour un temps favori de Louis XVIII[13], permet d’éviter les excès des ultra-royalistes. Dans tous les pays administrés par la France pendant la période napoléonienne la réaction se déchaine avec le retour des anciens souverains. Quelques exemples :

    • Espagne : dés son retour le roi Ferdinand VII abolit  la constitution de 1812 et rétablit l’Inquisition
    • Royaume des Deux-Siciles : le roi Ferdinand Ier abolit la constitution qu’il avait lui-même accordée à la Sicile
    • Au Piémont (Royaume de Sardaigne), le roi Victor Emmanuel[14] Ier abolit toutes les législations prises depuis 1770, rétablit les droits féodaux de la Couronne et les privilèges de la noblesse.

    Ces mesures sont mal vécues par le peuple qui souffre des crises économiques récurrentes. Les révoltes sont fréquentes. Même en Angleterre, l’habeas corpus est suspendu (fev. 1817 à fev. 1818). En vertu de la Sainte Alliance, les monarchies menacées cherchent un secours auprès des autres membres de l’Alliance.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    1819 : en Allemagne les universités manifestent pour que les Etats octroient des constitutions. Metternich n’en veut pas.    Une réunion austro-prussienne a lieu à Karlsbad (Karlovy Vary septembre 1819) pour établir une censure sur les publications universitaires et pour épurer le corps professoral.

    1820 -1821: Congrès de Troppau (octobre-décembre) ; Laybach (janvier-mai). Dans ces deux réunions, il s’agit de décider une intervention au royaume des Deux-Siciles.   Le roi Ferdinand Ier[15] doit y faire face à une insurrection dirigée par des officiers (général Pepe) dont le but est d’obtenir une constitution sur le modèle de celle qui vient d’être octroyée en Espagne. 50.000 soldats autrichiens rétablissent l’ordre, ce qui permet au roi d’abolir la constitution. Cette intervention s’est faite sur proposition de Metternich avec l’accord du tsar et du roi de Prusse, mais sans l’accord formel de Royaume-Uni et de la France.   Les principes de la Sainte Alliance commencent à être contestés. En même temps que la révolte de Naples était mâtée, les troupes autrichiennes ramenaient l’ordre au Piémont où un mouvement libéral avait obtenu du régent provisoire Charles Albert une constitution.   A ce moment Metternich est au faîte de sa puissance. Le tsar s’est rallié à sa politique de soutien des monarchies absolues et a accepté les interventions de l’Autriche seule.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    1822 : Congrès de Vérone. Il s’agit de régler la question espagnole. En 1820, le roi Ferdinand VII doit faire face à un soulèvement populaire. Il est contraint d’accepter de remettre en vigueur la constitution de 1812.   Un parlement (Cortès) libéral est élu. Le roi se considère comme prisonnier des Cortès et demande l’aide des membres de la Sainte Alliance. A ce moment en France les Ultras avec Villèle ont le vent en poupe. Chateaubriand est ministre des Affaires étrangères (décembre. 1822-juin 1824). Une expédition est décidée[16]  : une armée française de 100.000 hommes doit redonner à Ferdinand l’entièreté de son pouvoir. C’est une promenade militaire marquée par la prise du Trocadéro. En dépit de ses promesses, Ferdinand abroge la constitution : la « décennie infernale » commence. La France a joué pleinement le rôle de gendarme, tel que la Sainte Alliance le prévoit. Mais l’Angleterre se détache de  cette politique, d’autant que Castlereagh se suicide en 1823 et que son successeur Canning s’intéresse peu à l’Europe.

    Il n’y aura plus de congrès jusqu’à celui de Paris en 1856. Le concert européen se poursuivra au niveau des ambassadeurs, mais dans des conditions plus difficiles.

    La reconnaissance des colonies espagnoles sera une nouvelle occasion de marquer la différence de la politique britannique. En 1823 les Etats Unis reconnaissent l’indépendance des ex-colonies espagnoles C’est la doctrine de Monroe dont l’esprit est diamétralement opposé à celle de la Sainte Alliance. L’Angleterre emboite le pas au début 1825, pour des raisons idéologiques autant qu’économiques. La France prend des demi-mesures : des avantages commerciaux sans véritable reconnaissance ; et elle n’est pas la seule. L’Autriche et la Russie attendront que l’Espagne reconnaisse l’indépendance de ses anciennes colonies.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

        1830 et la contestation de l’ordre établi.

    Les journées de juillet en 1830 à Paris donnent le signal d’une révolte contre l’ordre établi. Le peuple de Paris s’allie aux bourgeois excédés par les maladresses de Charles X : dissolution de la Chambre qui vient d’être élue, modification de la loi électorale (modification du calcul du cens – la patente n’est plus prise en compte - qui réduit le nombre d’électeurs), suspension de la liberté de la presse. Charles X doit partir[17] ; Louis Philippe lui succède. Le nouveau roi promet de respecter la Charte. On passe d’une monarchie limitée à une monarchie constitutionnelle. La monarchie légitime disparait ; la nouvelle est issue de la rue. Est-ce bien acceptable par les signataires de la Sainte Alliance ? Le nouveau monarque sait rassurer les capitales : il ne sera pas un Napoléon ; il est une barrière contre la révolution. Dès septembre 1830, l’Autriche, la Prusse et le Royaume-Uni reconnaissent le nouveau régime ; la Russie un peu plus tard et de mauvaise grâce[18].

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

     La Belgique voit le jour.

    Le 25 août[19] les Belges se soulèvent contre le roi des Pays-Bas Guillaume Ier. Les revendications sont classiques : liberté de l’enseignement, liberté de la presse, réforme électorale, mauvaise représentation des provinces du sud (Belgique) dans l’administration, l’armée, le gouvernement, répartition de la dette défavorable à la Belgique. La crise économique permet un rapprochement du peuple et des libéraux. Un gouvernement provisoire est formé qui réclame l’indépendance de la Belgique. Louis Philippe prêche pour la non-intervention, ce qui est conforme à la doctrine libérale du Royaume-Uni[20]. La Prusse craint que la contagion gagne ses provinces rhénanes et rassemble des troupes pour une intervention éventuelle en Belgique. Devant les intentions apaisées de Louis Philippe, Guillaume III répond évasivement aux demandes d’aide du roi de Hollande. C’est alors que Talleyrand est nommé ambassadeur à Londres[21]. Une réunion d’ambassadeurs s’y tient pour régler l’affaire belge (4 novembre 1830). S’agit-il de de régler l’affaire du roi de Hollande ou celle des révoltés belges ? Un armistice est conclu entre les révoltés et les armées hollandaises sur les bases des frontières d’avant 1814. Anvers était alors belge. La Belgique est déclarée indépendante mais neutre perpétuellement, cette neutralité étant garantie par les 5 puissances signataires du protocole du 20 janvier 1831[22]. Quant au roi du nouveau pays, on a songé un temps au fils de Louis-Philippe, le duc de Nemours, puis on s’est rallié à Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, veuf de Charlotte héritière du trône d’Angleterre et frère de Victoria épouse du duc de Kent tous deux parents de la future reine Victoria. L’issue des négociations est facilitée par la révolte de Pologne qui représente un danger plus pressant pour le tsar et le roi de Prusse. Les 5 puissances et les représentants belges se mettent d’accord sur un texte un peu plus favorable à la Belgique. Le 21 juillet 1831 le roi Léopold prête serment à la constitution belge. Le roi de Hollande Guillaume Ier n’est pas d’accord sur des concessions qui ont été faites à la partie belge par rapport au protocole du 20 janvier. IL envahit la Belgique (campagne des 10 jours du 2 au 12 août 1831). Louis-Philippe vole au secours de Léopold et envoie 50.000 hommes sous le commandement du maréchal Gérard. Cette intervention est finalement couverte a posteriori par les 5 puissances et n’apparait pas comme une initiative unilatérale de la France. Les forces françaises quittent le sol belge dès le mois de septembre, cette décision ayant été prise par Talleyrand contre l’avis du roi. La ratification des accords[23] créant la Belgique fut longue et difficile. Pour les « puissances continentales », il s’agit de « de protéger une rébellion », comme l’écrit Metternich. Cette ratification marque le rapprochement de la France et de l’Angleterre qui se démarquent par rapport aux trois autres puissances continentales.

    Notons l’originalité de cette conférence. Du fait de l’expérience des négociateurs, les décisions de la conférence visant à a paix et à l’équilibre ont prévalu sur les instructions de gouvernements confrontés à des difficultés intérieures. Il y a eu de fait une délégation de pouvoir à une institution, la conférence, d’esprit fédéral[24].

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    L’ordre règne à Varsovie

    En novembre 1830, la révolte éclate en Pologne. Ce n’est pas une révolte sociale : la situation économique des paysans n’est pas plus mauvaise qu’avant. Ce n’est pas une révolution politique : la Pologne a reçu du tsar Alexandre une constitution relativement libérale bien que des Ruses occupent tous les postes de pouvoir. Ce n’est pas une révolution religieuse : la liberté de culte fonctionne et les catholiques ne sont pas inquiétés. C’est le fait d’une bourgeoisie intellectuelle marquée par le romantisme et appuyée par une partie des cadres subalternes de l’armée. Le mouvement a éclaté à l’occasion d’une concentration de troupes destinées à une intervention russe en Belgique. Un gouvernement modéré où figure le prince Czartoryski est formé. Il veut renégocier avec le tsar Nicolas les frontières de la Pologne ainsi qu’une application complète de la constitution de 1815. Face au refus du tsar, la Diète proclame l’indépendance de la Pologne. Qui va lui venir en aide ? Pas L’Autriche, ni la Prusse. L’Angleterre ne tient pas à intervenir et se contente d’inviter l’Autriche à servir de médiateur. En France « Toute la France est polonaise », selon Blanqui. Mais l’ambassadeur de France à Saint Pétersbourg, traversant la Pologne, déclare aux insurgés lui demandant l’aide de la France: « Je vous le dis avec douleur, mais avec une profond conviction, ce sera rien ». Les insurgés sont seuls et ont le talent de se diviser entre radicaux et modérés (Czartoryski). Les combats durent de janvier à septembre 1831. Le 16 septembre le général Sébastiani, ministre des Affaires étrangères déclare à la Chambre : « au moment où l’on écrivait la tranquillité régnait à Varsovie » transformé en « L’ordre règne à Varsovie ». Des milliers de Polonais choisissent l’exil. Parmi eux Chopin et le poète Mickiewicz.

    …. En Italie également.

    Des troubles éclatent au Piémont, dans les Etats du Pape, à Modène et à Parme. Parmi les insurgés carbonari, les deux fils de la reine Hortense ; l’un mourra dans cette aventure, l’autre deviendra Napoléon III. Une intervention de la France volant au secours des insurgés italiens est redoutée, notamment par Charles-Albert le nouveau roi de Sardaigne qui craint l’invasion de la Savoie. Metternich intervient immédiatement, avec le soutien moral de la Russie et de la Prusse. Des troupes sont envoyées à Modène puis à Bologne. La France par la bouche du Premier Ministre Casimir Périer rappelle le principe de non intervention qui anime la politique française. La crise doit être réglée par voie diplomatique – c’est l’esprit de 1815 - mais un petit contingent français est envoyé à Ancône ; son retour sera coordonné au retrait des troupes autrichiennes. L’affaire se termine par des promesses de réforme dans les Etats du Pape qui ne seront jamais mises en œuvre par le nouveau Pape Grégoire XVI (1831-1846).

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    1848 et le Printemps des peuples.

    C’est une période compliquée : l’Europe est en ébullition. La crise économique d’origine agraire (mauvaises récoltes dues à des intempéries) de 1846 et 1847 en est en partie à l’origine du vaste mouvement révolutionnaire. En deux mots : une courte période de libération est suivie par une période de réaction qui se prolongera jusqu’aux années 1860.

    France : 23, 24 et 25 février. La République est proclamée. Lamartine, ministre des Affaires étrangères, affiche un pacifisme destiné à calmer les inquiétudes de ses partenaires.  

    Turin, Rome, Naples et Florence : émeutes. Des constitutions sont octroyées. L’Angleterre voit cette évolution d’un œil favorable mais craint que la France ne veuille profiter de l’aubaine pour s’étendre sous le couvert d’une protection généreusement offerte. L’Autriche est trop désorganisée pour s’opposer aux encouragements verbaux de Lamartine.

    Mouvements identiques à Milan (le gouvernement provisoire issu des 5 journées de mars s’allie avec le Piémont qui déclare la guerre à l’Autriche) et à Venise (instauration d’une république).

    15 mars : Metternich est chassé de Vienne. En Europe centrale la féodalité est abolie. Des mouvements nationaux prennent naissance en Bohème, Croatie, Hongrie.

    A Berlin, le roi de Prusse accepte une constitution.

    Le Royaume des Deux-Siciles se désolidarise de ce mouvement ; le pape Pie IX d’abord favorable au mouvement de libération condamne les insurgés en avril 1848. Les insurgés prennent le pouvoir à Rome et en Toscane.

    A partir de mai 1848 : le reflux. A Paris, en juin les extrémistes sont écrasés. Napoléon est élu président le 10 décembre 1848. Charles Albert est battu à Custoza (juillet 1848) puis à Novare (avril 1849). Les archiducs sont rétablis en Toscane, à Parme et Modène. La République romaine disparait devant les troupes françaises (Oudinot ; avril- juillet 1849) qui rétablissent Pie IX.

    En Allemagne, le Parlement de Francfort à vocation pangermanique, véritable constituante élue au suffrage universel, ne dispose ni de moyens financiers ni de troupes. Il est liquidé. La Prusse cherche à réaliser une union restreinte entre souverains (Prusse, Hanovre et Saxe). L’Autriche refuse. C’est la « reculade d’Olmutz » (novembre 1850).

    La révolution a été brisée. Schwartzenberg en Autriche[25] et en Hongrie avec l’aide de la Russie, Brandenburg en Prusse, le cardinal Antonelli à Rome mènent des politiques réactionnaires. Mais la France garde le suffrage universel, nombre d’Etats conservent une constitution, le système seigneurial est définitivement abandonné.  

    Dans toutes ces affaires compliquées, les "puissances de premier ordre » n’ont pas essayé de tirer profit des difficultés du voisin pour améliorer leur propre position. L’esprit de retenue qui caractérise le concert européen a trouvé un champ d’application permanent. Entre 1815 et 1848 les responsables de la diplomatie des nations avaient pour objectif de préserver la paix en conservant l’ordre établi. Une nouvelle génération arrive aux affaires : Bismarck, Cavour, Napoléon III. Ces hommes réalistes veulent reconstruire l’Europe en tenant compte des aspirations des peuples et en faisant bénéficier leur pays des changements en cours.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    La question d’Orient.

    L’avenir de l’Empire Ottoman est la préoccupation constante des chancelleries d’Europe. Cet empire est malade : ses finances vont mal, les janissaires opposés à toute réforme sont à l’origine de constantes révolutions de palais, la périphérie cherche à devenir autonome, voire indépendante. La Russie tient à gagner un accès aux mers chaudes. L’Empire Ottoman est sur son chemin. Tout ce qui peut affaiblir l’Empire Ottoman est soutenu par les Russes. L’Angleterre ne veut pas de la Russie en Méditerranée ; donc soutient le maintien de l’Empire Ottoman qui commande les Détroits. L’Egypte sous la direction de Méhémet Ali, soldat de fortune d’origine albanaise, s’est débarrassée des mamelucks du Caire.   C’est une puissance émergente soutenue par la France. Signe de l’amitié franco-égyptienne : le don de l’obélisque de Louxor qui trône au milieu de la place de la Concorde (1836).

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Premier épisode de la question d’Orient : l’indépendance de la Grèce.

    Une bourgeoisie s’est développée à Athènes et dans les iles en faisant du trafic dans toute la Méditerranée. Des sociétés patriotiques philhellènes se constituent à l’étranger.   Les Grecs sentent qu’ils sont une nation. Ce mouvement est mal vu par Metternich et ses partisans : c’est un mouvement de libération. En revanche, Alexandre Ier puis Nicolas Ier sont tout disposés à aider les Grecs : ce sont des orthodoxes. En France, les conservateurs les aiment bien car ils sont chrétiens. Les Anglais également car les Grecs luttent pour gagner leur liberté. En 1821 une révolte éclate dans quelques iles[26], à Athènes et dans des villes de Morée.   Les premiers combats sont favorables aux Grecs, souvent très sanguinaires et font l’objet de terribles représailles (massacres de Chio avril 1822). Des volontaires d’Europe de l’ouest se mettent à la disposition des insurgés. Parmi eux Byron qui mourra à Missolonghi (1823). La Porte[27] demande l’aide de son vassal Méhémet Ali. Les « Puissances de premier ordre » ne font rien : leurs intérêts sont trop divergents et Canning qui a pris la suite de Castlereagh en 1822 n’aime pas la Sainte Alliance.   C’est le temps de la question espagnole. Méhémet Ali remporte des victoires et la quasi-totalité de la Morée est reprise en mains par les Ottomans (1825). Missolonghi tombe en 1826 et l’Acropole d’Athènes que défendait le colonel Fabvier tombe en juillet 1827. La France, la Russie et l’Angleterre s’allient alors pour venir en aide aux Grecs. L’Autriche ne bouge pas. La flotte turco égyptienne est détruite à Navarin le 20 octobre 1827. Les troupes russes s’approchent dangereusement de Constantinople. Londres hâte des négociations qui conduisent à la création d’une Grèce[28] d’abord autonome puis en 1830 complètement indépendante (14 septembre 1829 et            3 février 1830, traités d’Andrinople puis de Londres).

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    L’expansionnisme égyptien.

    Méhémet Ali parvient à se constituer une armée moderne[29]. Il demande que la Sublime Porte lui remettre la Crète pour ses bons et loyaux services en Grèce. Le sultan refuse.   Méhémet Ali occupe la Syrie (1833). Les armées ottomanes sont battues ; le sultan est sauvé par le tsar qui exerce un véritable protectorat sur l’Empire Ottoman (paix de Kutaïeh, avril 1833 et traité d’Unkiar-Skelessi, juillet 1833) : les navires russes ont accès aux Détroits.  L’Angleterre ne peut le supporter.

    Les hostilités reprennent en 1839, les Turcs voulant laver l’affront de la dernière défaite.   Les Turcs sont battus une seconde fois à Nézib. La France soutient Méhémet Ali dans l’espoir d’avoir une plus grande influence en Palestine. L’Angleterre, la Russie, la Prusse et l’Autriche (les Alliés de 1815), sans consulter la France, intiment l’ordre à Méhémet Ali de quitter la Syrie (traité de Londres du 15 juillet 1840). Ce dernier refuse. La France et l’Angleterre sont à deux doigts de la guerre. On parle de « paix armée ». C’est le temps où Thiers fait entourer Paris d’une ligne de fortifications[30]. Une expédition austro-britannique occupe le littoral de Palestine et du Liban. Méhémet Ali doit plier (10 décembre 1840): l’Egypte lui est accordée à titre héréditaire. Les Détroits sont neutralisés[31]. Londres a gagné ; Paris a connu un Waterloo diplomatique. La question d’Orient est réglée pour un temps. Une nouvelle guerre de Cent Ans n’aura pas lieu.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    La Guerre de Crimée

    Ne perdant pas de vue ses ambitions sur les détroits, le tsar Nicolas Ier va essayer de se faire reconnaitre une mission de protecteur des minorités orthodoxes résidant dans l’Empire Ottoman[32]. C’est un rôle que la France revendiquait – et exerçait plus ou moins - depuis longtemps en faveur des minorités catholiques du Proche-Orient. Des querelles[33] entre communautés orthodoxes gardant les Lieux Saints et autorités locales entrainent d’abord l’occupation par les troupes russe des provinces danubiennes et ensuite une reprise des hostilités entre les Russes et les Turcs. Les Turcs sont vaincus sur terre et sur mer. L’Empire Ottoman risque de disparaitre, situation inacceptable pour l’Angleterre et accessoirement la France. En fait la Russie souffrait d’une mauvaise image.  « Un géant froid famélique dont la gueule s'entrebâille toujours vers le riche Occident. […] La Russie, c'est le choléra […] c'est l'empire du mensonge » écrivait Michelet. Cette russophobie était partagée par les libéraux des deux pays, outrés par la violence de la réaction russe en Pologne (1830) et plus généralement par son opposition au principe des nationalités. Pour les Français, la Russie était à l’origine de la Sainte Alliance, symbole de la contre-révolution.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Les défaites turques incitèrent les Français d’abord, puis les Anglais et le royaume Sarde, à s’allier aux Turcs (février 1854). La guerre dura deux années ; elle fut marquée par les batailles de l’Alma, d’Inkerman, de Balaklava (charge de la brigade légère) et par la prise de Sébastopol (septembre 1855). Ce fut une guerre sanglante, mais la plupart des décès furent le fait d’épidémies : choléra, typhus, froid et malnutrition[34].

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Le Congrès de Paris (mars-avril 1856) marque la fin de cette aventure. La France parait l’arbitre de la politique internationale. L’Autriche n’avait pas volé au secours de son allié traditionnel, la Russie, bien que celle-ci l’eût aidée en 1848. L’Autriche s’était contentée d’offrir ses bons offices pour l’ouverture de négociations entre les belligérants.   Le temps de la Sainte Alliance est terminé. L’intégrité de l’Empire Ottoman est garantie. Une nouvelle nation, la Roumanie est née[35]. La navigation est libre sur la portion sud du Danube. La Russie est pour un temps éliminée des Balkans ; non seulement les Détroits sont interdits à la flotte russe, mais la mer Noire est neutralisée. Les Anglais n’ont plus à craindre une flotte russe en Méditerranée. La Sardaigne entre dans le concert des nations, prélude au règlement de la question italienne.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries

    Pendant soixante ans l’Europe a vécu sans guerre entre ses principales nations, exception faite de la Guerre de Crimée qui se déroule à la périphérie et qui clôt la période. Mais pas sans soubresauts internes. Après 1815, il s’agit de conserver « l’ordre des choses », pas de le casser. Cela incite à la modération et au compromis. Metternich et ses pairs sont des hommes de continuité. Au tournant du demi- siècle arrivent des hommes qui n’ont pas vécu les malheurs de la période napoléonienne. Ils oseront la rupture pour créer les Etats-Nations du XXe siècle.

     Récapitulatif des notes :

    [1] Il y a aussi une méthode : chaque réunion de ministres ou d’ambassadeurs fait l’objet d’un protocole dont la teneur est acceptée par tous les participants.

    [2] Notons que le chef du party whig, Samuel Whitbread, propose à la Chambre des Communes de ne pas s’engager dans une nouvelle campagne contre Napoléon et de faire confiance à ses promesses de paix. Cette proposition n’a pas été retenue, Castlereagh revenu de Vienne étant partisan de l’élimination de l’Empereur.

    [3] Le budget de la nation en 1815, tel que Napoléon l’a trouvé est de 618M F. Pour financer son armée, il a besoin de 400MF. La dette de l’Etat passe de 123MF à 639MF. L’indemnité de guerre et les frais d’entretien des armées occupantes s’ajoutent à ces engagements. (Pascal Cyr, 1815, Réalité financière de la reconstitution de l’armée, Revue historique des armées, 260/2010, p. 90-102).

    [4] Entre juillet en novembre 1815, près d’un million de soldats alliés ont occupé près de la moitié du pays en s’y conduisant en pays conquis.

    [5] Le traité comporte 3 articles. Art. 1 : Les trois monarques se considèrent comme frères et se prêteront assistance. Art. 2 : Les trois monarques sont « délégués par la Providence pour gouverner trois branches d’une même famille ». Ils recommandent à leurs peuples de « se fortifier dans les principes et l’exercice des devoirs que le Divin Sauveur a enseignés aux hommes ». Art. 3 : Les puissances qui partagent ces principes seront accueillies affectueusement.

    [6] La Terreur blanche. Arrestations et condamnations sans jugements ; destitutions des fonctionnaires. ¼ des fonctionnaires sont destitués ; 70.000 personnes sont arrêtées pour raison politiques et 6.000 condamnées. Une législation réactionnaire est promulguée (arrestation arbitraire des suspects, loi contre les cris et écrit séditieux, « cours prévôtales », sortes de tribunaux spéciaux).

    [7] Exception faite du Royaume Uni qui sert de modèle à tous les penseurs libéraux.

    [8] Ce n’est pas le cas de l’Espagne, de la Russie et du Royaume des Deux-Siciles. L’armée française est-elle sûre ? La question se pose à la veille de la campagne d’Espagne. Quant à l’Eglise, certains de ses éléments ruent dans les brancards : par exemple Lamennais qui se montre partisan d’une séparation de l’Eglise et de l’Etat(1832).

    [9] Cette dignité n’était plus pourvue depuis la mort de Kaunitz le chancelier de Marie Thérèse et le grand-père de la première épouse de Metternich.

    [10] En France en 1815, il y a 110.000 électeurs (plus de 30 ans plus de 300F d’impôts directs) et 16.000 éligibles (plus de 40 ans, plus de 1.000F d’impôts directs).

    [11] Une autre approche d’origine plus française consiste à placer le sentiment d’appartenance nationale dans une démarche consciente et volontaire (adhésion à des valeurs) conduisant à la volonté de vivre ensemble.   Cette approche sera reprise plus tard par Renan (1882).

    [12] Les sociétés de gymnastique, de tir et les chorales sont également des lieux où les libéraux se retrouvent, tournant ainsi les mesures policières visant les universités et leurs enseignants.

    [13] On peut se demander si Louis XVIII n’est pas tenté par la tradition espagnole du valido.

    [14] Victor Emmanuel Ier succède à son frère Charles Emmanuel en 1802. En 1821 il abdique plutôt que d’accepter une constitution. Son frère Charles Félix lui succède. Il meurt en 1831. Son lointain cousin Charles Albert lui succède.

    [15] Il s’agit du grand-père maternel de Marie Louise épouse de Napoléon

    [16] En fait, le gouvernement français est divisé. Le premier ministre Villèle redoute la guerre qui coûtera cher ; son ministre des Affaires étrangères, Montmorency croit la guerre inévitable.

    [17] Les causes additionnelles des Trois Glorieuses (27, 28, 29 /7) : « La cour et ses vieilles rancunes, l’émigration et ses préjugés, le sacerdoce avec sa haine de la liberté », Bertin, Journal des Débats ; la crise économique due aux mauvaises récoltes met le peuple dans la rue.

    [18] Le tsar appelle le Roi des Français «Sire » au lieu du traditionnel « Monsieur mon frère » et l’assure de sa haute considération comme un haut fonctionnaire.

    [19] Représentation de la Muette de Portici de Auber, avec pour refrain : ‘Amour sacré de la Patrie »..

    [20] C’est un tournant. Cette position répétée par les émissaires de Louis Philippe est en contradiction avec le principe d’assistance mutuelle entre les monarchies issues du congrès de Vienne.

    [21] Talleyrand a toujours estimé que l’alliance de la France et du Royaume-Uni était la garantie de la paix en Europe. Il se dit « animé du désir d’établir enfin cette alliance de la France et de l’Angleterre que j’ai toujours considérée comme la garantie la plus solide du bonheur des deux nations et de la paix du monde ».

    [22] Le nouveau pays devait assumer les engagements pris par la Hollande en 1815, c’est-à-dire contribuer à l’équilibre européen en s’opposant à l’expansionnisme français. C’était encadrer la souveraineté du nouvel Etat. Donc une restriction mal perçue par le gouvernement provisoire belge. Notons que le protocole de neutralité a été un temps refusé par la France, Talleyrand s’opposant alors à son ministre Sébastiani. Le protocole définit également les frontières et le partage des dettes de l’ancien royaume de Hollande.

    [23] Il s’agit du traité des XXIV articles rédigé par la conférence des ambassadeurs. Elle contient des décisions finales et irrévocables. Les Belges signent le 15 novembre, la Russie en mai 1832 et la Hollande en 1838.

    [24] Voir J.A. Sédouy, le Concert Européen Fayard 2008, P. 215 un hommage de Guizot à Talleyrand

    [25] La réaction en Autriche est particulièrement violente. Elle atteste du caractère encore rural et aristocratique de la société qui n’est pas mure pour accepter des Etats nationaux dirigés par une élite bourgeoise. En été 1848, pendant que les libéraux du parlement de Kremsier (Vienne n’étant pas sûre, les parlementaires fraichement élus se retrouvent en province) discutent une constitution faisant la part belle aux nationalités, les forces conservatrices s’organisent autour de l’armée. Le 2 décembre 1848, Ferdinand abdique en faveur de son neveu François Joseph. La réaction fut menée par le général Windischgraetz. Elle fut brutale. Mais après quelques années des réformes amenèrent la liberté de presse, un régime parlementaire et les libertés individuelles, tout ce que demandait la bourgeoisie éclairée de 1848. De plus le système seigneurial avec les corvées des paysans est définitivement supprimé.

    [26] L’étincelle vient d’Alexandre qui confie le soin à son conseiller (grec) Ypsilanti de soulever les provinces de Roumanie. Il n’y parviendra que médiocrement. Puis à Patras, l’archevêque fait massacrer les Turcs. C’est le début de la guerre d’indépendance (25/3/1821). D’où des représailles à Constantinople.

    [27] Sublime Porte : le gouvernement du sultan.

    [28] Capo d’Istria, ancien conseiller du Tsar Alexandre, président d’un gouvernement provisoire est assassiné ; il cède la place comme roi à un prince de Bavière (Othon) puis à George Ier (1845-1913), un prince danois beau frère du futur Edward VII et du futur Alexandre III.

    [29] Le pays se modernise : cultures irriguées et culture du coton à l’initiative du Français Jumel.

    [30] C’est aussi un temps de poussées nationaliste, notamment en Allemagne. On y célèbre le Rhin allemand (chanson de Becker), Musset répond (Nous l’avons eu votre Rhin allemand), l’hymne Deutschland über alles définit un espace germanique de la Meuse au Niémen.

    [31] La mer de Marmara est interdite aux navires de guerre. Donc pas de navires de guerre russes en Méditerranée.

    [32] Ce n’était pas une idée nouvelle : déjà Potemkine, le favori de Catherine II, pensait déjà au démembrement de l’Empire ottoman et au regroupement de toutes les populations orthodoxes sous l’autorité de Moscou. En 1774, par le traité de Kutchuk-Kaïnardji, il avait obtenu d’assurer la protection de la communauté orthodoxe dans l’Empire Ottoman

    [33] Au cours de la première moitié du XIXe siècle, le nombre de pèlerins russes orthodoxes se rendant sur les lieux-saints augmenta considérablement et fit craindre que les catholiques ne puissent plus avoir accès au Saint-Sépulcre dans de bonnes conditions. Par l’intermédiaire de son ambassadeur Lavalette, la France incitait les Turcs à adopter des dispositions concernant l’administration des lieux-saints inacceptables par les Russes.   Napoléon III voulait se couvrir de gloire militaire, plaire à la gauche en défiant les bourreaux de Varsovie (1831) et plaire aux catholiques en défendant des communautés religieuses.

    [34] Pertes françaises estimées à 95.000hommes dont 75.000 de maladie

    [35] En fait les provinces moldo-valaques sont autonomes mais demeurent vassales de la Porte.

    Monsieur Fries a été très applaudi pour sa remarquable érudition. Il a ensuite répondu aux questions de l'assistance très intéressée par ce sujet, à première vue, fort ardu.

    "L'Europe de la Sainte Alliance (1815-1855)" une conférence de Robert Fries


    1 commentaire
  •  L'historien Châtillonnais Robert Fries, Président des Amis du Musée du Pays Châtillonnais-Trésor de Vix, a donné dernièrement, sous l'égide de l'Association Culturelle Châtillonnaise, une très intéressante conférence sur Georges Clémenceau.

    Il a proposé aux personnes intéressées l'envoi de son texte, et a accepté très généreusement que je le reproduise sur ce blog.

    C'est un texte magnifique, que j'ai illustré pour le rendre moins austère, comme l'avait fait, par des projections, Robert Fries, le jour de sa conférence.

    Merci à lui pour son érudition et sa générosité qui permettront aux lecteurs du blog de découvrir la vie exceptionnelle de celui qu'on appela "Le Tigre".

    (les chiffres entre parenthèses renvoient aux explications placées en fin de texte)

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

     La jeunesse de Clémenceau

    Georges Clemenceau est né dans une famille de notables vendéens dont le chef de famille est médecin, de père en fils.  Benjamin, le père de Georges, né en 1810 part, à pied, en 1830 pour Paris pour y faire ses études de médecine.  Il arrive à temps pour participer aux Trois Glorieuses de juillet. Il restera républicain.  En 1848, il participe à Nantes à des manifestations républicaines.  En 1851, après le coup d’Etat, Benjamin est arrêté quelques semaines.  A nouveau en 1858, au moment des représailles contre les républicains faisant suite à l’attentat d’Orsini.  Benjamin est conduit en cellule jusqu’à Marseille.  Grâce à l’entremise de ses amis nantais, il n’est pas envoyé en Algérie.  Il rentre en Vendée, met fin à ses activités médicales et mène une vie retirée de notable exploitant ses terres.

    Son père, Benjamin Clémenceau :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Sa mère, Sophie-Emma Gaureau, épouse Clémenceau :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Le jeune Georges Clemenceau fait de bonnes études secondaires à Nantes, suivies de près par son père, lui-même un homme cultivé.  Au sortir du Lycée, Georges maitrise le latin et le grec qu’il lit à livre ouvert. Il connait l’anglais.Son père lui a appris à bien monter à cheval et à se servir d’un fusil et d’un pistolet.  Il est également un bon escrimeur.  Mens sana in corpore sano.

    Les études de médecine et le départ pour les USA.

    Clemenceau séjourne à Paris de 1861 à 1865.  Il est externe mais rate l’internat deux fois.  Sa thèse porte sur la Génération des éléments anatomiques.  C’est une paraphrase des écrits de son maitre Charles Robin, rationaliste et disciple d’Auguste Comte.  Ce sont des flèches contre l’Eglise : la vie ne peut provenir que de phénomènes physico-chimiques.  Il s’engage alors à traduire de l’Anglais le petit ouvrage de Stuart Mill Auguste Comte and posivitism. 

    Etudiant en médecine à Paris, Clemenceau rencontre les milieux républicains.  Il est épris de justice et de liberté.  Il fonde plusieurs éphémères journaux qui disparaissent faute de moyens financiers ou sont interdits.  A ce titre Clemenceau est arrêté et fait 73 jours de prison.  Il rencontre Blanqui le théoricien de la révolution qui a passé la moitié de sa vie derrière le barreaux et Scheurer-Kestner, bourgeois républicain de Thann (Alsace), également en prison pour propos anti-gouvernementaux incitant à la haine.  Il tombe amoureux d’une belle-sœur de Scheurer-Kestner, assez conventionnelle ou victime des conventions de sa famille, … qui l’éconduit.

    Georges Clémenceau en 1865 :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Dépité, en 1865, il décide de partir pour les USA qui sortent de la guerre civile.  Il y enseigne le français et l’équitation dans un collège de jeunes filles.  Il tombe amoureux d’une de ses élèves, qu’il épouse [3].

    Mary Plummer, épouse de Clémenceau :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

      Il écrit des articles pour le Temps.  Durant son séjour, il apprend la nécessité,l’art du compromis et la puissance de l’opinion. 

    En 1869 il rentre en France.  Il commence une carrière de médecin de campagne en Vendée. 

    Quand la guerre éclate, Clemenceau se précipite à Paris.  La politique saisit Georges Clemenceau.

    La guerre franco-prussienne et la Commune ; les débuts de la IIIe République.

    Après la proclamation du Gouvernement de la Défense Nationale (4 septembre 1870) , Clemenceau est nommé maire du XVIIIe arrondissement par Etienne Arago, Maire de Paris et frère du savant Dominique François Arago. Pendant le siège [4] il gère la pénurie pour le plus grand bien de ses administrés.  Il est élu à l’Assemblée Nationale en février comme député de Paris [5] Après le 18 mars 1871, début de la Commune, il s’efforce d’empêcher les violences.  Il protège un groupe de gendarmes contre la vindicte populaire.  L’expérience de la foule en colère qu’il vécut à ce moment le dégoutera à jamais des manifestations violentes.  Il quitte Paris avec de faux papiers début mai 1871 [6] et se réfugie en Vendée, puis près de Thann chez son amis Scheurer-Kestner [7].  Il se sent poursuivi par les Versaillais comme par les « Rouges ». 

    Auguste Scheurer- Kestner :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Dès le 15 juin, il est de retour à Paris.  En juillet 1871 il est élu conseiller municipal de Paris [8] Il s’occupe de questions sociales (hôpitaux, écoles, assistance).  En 1875, il est élu président du conseil municipal [9]. C’est le temps de l’amendement Wallon.  La République est sur les rails.    En 1876 il est élu à la Chambre des députés.  Il y restera jusqu’à 1893 (8/3/76 au 14/10/93).  Les Républicains y ont la majorité.  Mac Mahon essaie de gouverner à sa guise [10], avec un gouvernement qui n’obtient pas la confiance des députés. 

    Patrice de Mac Mahon, Président de la République :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

      Après le 17 mai, Mac Mahon doit se soumettre, puis se démettre en janvier 1879.  La République peut engager les grandes réformes.

    Durant cette période Clemenceau siège à l’extrême gauche.  Une de ses préoccupations principales à court terme : obtenir l’amnistie des déportés et prisonniers de la Commune.  Dans ce combat, il a Victor Hugo comme allié au Sénat.

    A partir de 1879, et à moyen terme, Clemenceau a deux objectifs « radicaux » : séparer l’église de l’Etat et supprimer le Sénat ainsi que la présidence de la République.  Quant au collectivisme souhaité par les socialistes, il n’en n’est pas question.  Le parti républicain est en train de se scinder entre « opportunistes » avec Gambetta et « radicaux » avec Clemenceau.  Les gouvernements opportunistes se succèdent – on prend les mêmes et on recommence – avec notamment les gouvernements Waddington (1879), Freycinet (4 fois entre 1879 et 1892), Gambetta (14/11/81 – 30/1/82), Ferry (3 fois entre 80 et 85).  Clemenceau en est un redoutable adversaire avec ses radicaux, dont Camille Pelletan, et son nouveau journal La Justice.  

    Pour Clemenceau se sont des années brillantes.  Il est en habit tous les soirs.  Il participe à des duels, comme témoin ou comme acteur principal.  Il tire l’épée et le pistolet. 

    Le duel Déroulède-Clémenceau :

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    C’est un cavalier distingué.  Il rédige le traité d’équitation (dressage) de James Fillis célèbre pour son galop en arrière et son galop sur trois jambes.  Il divorce de son épouse qui retourne aux USA.

    Un sujet important de désaccord avec les opportunistes est la question coloniale.  En 1882, il refuse au gouvernement les crédits qui lui auraient permis de s’associer aux Anglais pour mener ensemble la répression d’une rébellion (Ahmed Urabi) et partager ( ?) le contrôle de l’Egypte.  Il s’oppose aux interventions en Tunisie (1881), en Indochine (1880-1885), à Madagascar.  Il n’a pas le dernier mot.  Pour lui, la priorité doit être de se préparer à la revanche en Europe ; d’autre part, la conquête par la force de territoires occupées par des populations en état de faiblesse est incompatible avec les principes d’humanisme universel exposés dès 1790 et faisant intégralement partie de l’identité française.

    En 1885, un grand débat au Parlement l’oppose à Jules Ferry.

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Ferry expose les avantages d’une politique coloniale :

    • Raisons humanitaires : apporter la civilisation à des races inférieures ou en retard de développement par des investissements de toutes nature
    • Raisons économiques : trouver des débouchés pour nos produits
    • Raisons politiques (patriotisme) : retrouver en Afrique ou en Asie une place que la France a perdue en Europe.

    Clemenceau démonte cette argumentation et se montre alors visionnaire :

    • Toutes les races sont égales et les civilisations asiatiques ont également leur valeur.
    • Les équipements (ports et routes) installés à grand frais servent aux autres puissances comme aux Anglais et aux Chinois en ’Indochine
    • L’important est de préparer la revanche en Europe.

     Entre 1876 et 1885, Clemenceau est le tombeur des ministères opportunistes.

     Le mauvais jugement sur le général Boulanger : un poulain introduit puis abandonné.

    Boulanger est un camarade du lycée de Nantes, d’une année l’ancien de Clemenceau.  C’est un Cyrard heureux. Campagnes brillantes en Algérie puis au Tonkin.  Blessé à Champigny, il est fait colonel.  En mai 71 lors de la semaine sanglante, il entre dans Paris mais est blessé au coude. Il ne participe pas au massacre.  Sa réputation de général républicain est intacte.  Promu général de brigade grâce à l’appui du duc d’Aumale en 1880, il travaille au ministère de la guerre. 

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    Clemenceau renoue avec le général car il voit en lui un militaire susceptible de réformer l’armée et de républicaniser le corps des officiers.  Remarqué en tant que directeur de l’infanterie, il s’occupe de la troupe, ce qui le rend populaire.

    Il est nommé général de division et se voit nommé chef du corps d’occupation en Tunisie.  Il y commet un impair diplomatique rapidement oublié [11]

    En 1885, Freycinet, sur la recommandation de Clemenceau le nomme ministre de la guerre.  Il applique la nouvelle loi sur le service militaire : les séminaristes ne sont plus dispensés (« les curés sac au dos »).  Les membre des anciennes régnantes étant exclus des armées de terre et de mer, Boulanger raye des cadres des officiers le prince Murat, les ducs de Chartres, d’Alençon, de Nemours et même d’Aumale, son ancien protecteur.   A l’occasion de grèves à Decazeville, il évite habilement de faire tirer sur la foule et chante la fraternité entre soldats et mineurs. 

    Le 14 juillet 1886, Boulanger sur son cheval noir est le héros de la fête (En revenant de la revue …Je n’ai fait qu’admirer le général Boulanger).

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    En avril 1887, l’affaire Schnaebele [12] Un commissaire français est tombé dans un traquenard monté par les Allemands et se trouve emprisonné en Allemagne.  Boulanger ne veut pas pousser à la guerre mais se tient prêt.  Clemenceau pousse à la modération.  Une semaine plus tard, le commissaire est libéré.  Boulanger a fait reculer Bismarck.  La popularité de Boulanger est au zénith.  Il devient un général dangereux.  Et Clemenceau de déclarer : « la guerre, c’est une chose trop grave pour la confier à des militaires ».  En mai 1887, le gouvernement est renversé.  Le nouveau, dirigé par Rouvier [13] ne compte pas Boulanger dans ses rangs. 

    En juillet 1887, pour qu’il ne participe pas à la revue du 14, Boulanger est envoyé à Clermont-Ferrand.  Manifestation de foule à la gare de Lyon qui empêche le train de partir. 

    Clemenceau juge sévèrement l’engouement de la foule pour le général.  Boulanger insinue que cette désapprobation est le signe que Clemenceau et son journal La Justice ne sont pas libres.

    En mars 1888 Boulanger est mis en retraite d’office.  On lui reproche de s’être rendu à Paris sans avoir demandé préalablement l’autorisation.  Il devient éligible. Il se présente à des élections partielles Son programme : dissolution de la Chambre et révision de la constitution.   Dans le département du Nord, c’est un triomphe.  Les ouvriers ont voté pour lui.  A la Chambre, Boulanger est soutenu par la droite, mais les Guesdistes voient dans le général une occasion de mobiliser les forces populaires et d’affaiblir le parti opportuniste.  Après quelques semaines Boulanger abandonne son mandat de député.  Il se bat à l’épée contre Guy Floquet alors président du conseil et se retrouve blessé.  En janvier 1889, Boulanger est élu député de Paris, qui demeure une ville ouvrière où tous les excès sont possibles.  Ses partisans lui proposent de marcher sur l’Elysée.  Boulanger refuse. Les Républicains se ressaisissent sous le gouvernement Tirard avec Constant comme ministre de l’Intérieur.  Il menace Boulanger de la Haute Cour pour complot.  Boulanger fuit en Belgique puis à Londres.  La Haute Cour le condamne par contumace pour menées subversives à la détention dans une enceinte fortifiée.

    Les élections d’octobre 1889 amènent une majorité républicaine.  Clemenceau est élu dans la Var.  Ferry est battu.  Le mouvement boulangiste a réussi à faire élire une quarantaine de députés (dont Maurice Barrès et Paul Déroulède) qui siègent à l’extrême gauche.  En 1891 Boulanger se suicide sur la tombe de sa maitresse. 

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    C’est le temps où Drumont publie des ouvrages antisémites qui recueillent l’approbation de nombre de boulangistes. 

     La chute et la traversée du désert.

    Deux affaires dans lesquelles Clemenceau se trouve injustement accusé d’être mêlé vont être fatales pour le chef des radicaux socialistes : l’affaire de Panama et l’affaire Norton.

    La Compagnie de Panama crée en 1880 par Ferdinand de Lesseps rencontre des difficultés financières.  Pour faciliter une augmentation de capital, la Société décide d’émettre des actions à lots.  Pour ce faire, une loi est nécessaire.  Pour convaincre les députés des pots de vin leur sont offerts : ce sont les chèques et les chéquards.  La loi est votée en 1888.  Clemenceau a apporté son vote.  Par ailleurs la Compagnie arrose la presse pour qu’elle écrive des articles favorables à l’avancement du projet.  Le baron Reinach et Cornélius Hertz, deux financiers juifs, sont les artisans de cette opération de corruption.  La Justice, le journal de Clemenceau profite de ces largesses sans pour autant diffuser de fausses informations.  En 1889 la Compagnie est mise en liquidation.  En 1891 une instruction est ouverte contre Lesseps et ses deux fils pour escroquerie.  L’affaire traine.  En septembre 1892, Drumont dans La Libre Parole - journal antisémite - raconte les dessous de l’affaire accusant Lesseps, les responsables de la compagnie mais aussi les intermédiaires financiers, juifs en général, dont le baron Reinach, son neveu Joseph, et Cornélius Herz.  Reinach, pour ne plus être cité, propose à La Libre Parole de donner les noms des corrompus contre un silence le concernant.  Le gouvernement ne pouvant plus reculer, Reinach est mis en accusation.  Il se suicide en novembre 1892, Herz fuyant en Angleterre.  Ce dernier donna une liste de 104 chéquards.  Clemenceau ne faisait pas partie des chéquards mais avait dîné avec Reinach et le ministre Rouvier la veille de sa mort.  Clemenceau est alors suspecté de collusion avec la Compagnie.  C’était la revanche des boulangistes et plus généralement de la droite.

    L’affaire Norton est plus simple.  Norton est un aventurier faussaire déjà condamné pour de nombreux délits.  Il assure des fonctions de traducteur à l’ambassade d’Angleterre.  Il diffuse de fausses informations selon lesquelles Clemenceau et son journal seraient stipendiés par l’ambassade.  C’est une période où les relations franco-anglaises sont difficiles du fait de rivalités coloniales (Madagascar, Soudan).  L’ambassade de Grande-Bretagne est chargée de mener une campagne de presse défendant les vues britanniques

    Au parlement, les adversaires de Clemenceau sont Déroulède [14] et Barrès.  Déroulède l’accuse d’être un chéquard, d’avoir reçu de l’argent de Norton, d’avoir dîné avec Reinach la veille de sa mort et d’avoir voté en faveur les actions à lots.  Aucune de ces accusations ne peut être prouvée ou représente un délit.  Clemenceau sort blanchi par ses pairs.

    Mais en septembre et octobre 1893, Clemenceau, victime d’une campagne de presse violente est battu aux élections à la députation dans son arrondissement du Var.  La traversée du désert commence.

    Les élections de 1893 marquent un changement dans l’équilibre politique.  Le pape Léon XIII a accepté les institutions républicaines même s’il condamne la politique menée par les républicains.  Les catholiques peuvent alors rallier les rangs des républicains opportunistes, ce qui entraine une orientation plus droitiste desdits opportunistes.  De l’autre coté du spectre politique, les socialistes confrontés aux difficultés du monde ouvrier qui vit la crise des années 1880 et qui s’organise grâce à la liberté syndicale apportée par la loi de 1884, mettent en avant un programme de réformes sociales inspirées par les penseurs marxistes.  Les socialistes gagnent des circonscriptions ouvrières jusqu’alors détenues par les radicaux.  Le mouvement radical socialiste, ouvert aux réformes sociales, notamment l’impôt sur le revenu, est maintenant dépassé sur sa gauche.  Les radicaux trouvent leurs électeurs dans la France rurale et dans les villes moyennes ; les ouvriers les ont délaissés.

    Devenu écrivain [15] et journaliste par nécessité, Clemenceau met son énergie au service de deux causes : la justice sociale (impôt sur le revenu, amélioration des conditions de vie des ouvriers, développement des syndicats) et l’abolition de la peine de mort.  Cette dernière question est d’actualité avec la recrudescence des attentats anarchistes.

     L’affaire Dreyfus

    Quand en décembre 1894 Dreyfus est condamné, Clemenceau approuve le verdict ; il regrette que la sentence ait été aussi clémente alors qu’un pauvre soldat a été condamné à mort pour avoir lancé un bouton de tunique à la tête du président d’un conseil de guerre.  Le même jour Jaurès tenait un discours similaire : les sentences sont terribles pour les modestes, douces pour les privilégiés.

    Dès après le procès, chacun pouvait savoir que la procédure n’avait pas été correctement appliquée : les jurés avaient eu accès à un dossier secret que l’inculpé et la défense ne connaissaient pas.  Cette grave entorse au code de procédure ôtait toute légitimité à la sentence.  De plus les conclusions fantaisistes et discordantes des graphologues laissaient planer un doute sur la culpabilité de Dreyfus.  Mathieu Dreyfus[16] et Bernard Lazare essaient de gagner à la cause de la révision des hommes intègres comme Zola ou Scheurer-Kestner, alors vice-président du Sénat.  En juillet 1895, le lieutenant-colonel Picquart – nouveau chef du service des statistiques , c'est-à-dire du contre-espionnage - acquiert la certitude que Esterhazy a écrit le bordereau et la trahison de ce dernier se trouve confirmée par la découverte du petit bleu en mars 1896. 

    Le colonel Henri et le Lieutenant Colonel Picquart :

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    La hiérarchie militaire ne veut rien savoir.  Picquart est envoyé en mission d’inspection puis en Tunisie.  En juin 1897, Picquart confie ses certitudes à son ami l’avocat Leblois. Ce dernier met Scheurer-Kestner dans la confidence, qui rend publics ses doutes.  En novembre il rencontre le ministre de la Guerre et lui indique ses soupçons concernant Esterhazy.  La nouvelle fuit dans la presse.

    Scheurer-Kestner, mais aussi Lazare et Herr (bibliothécaire de l’Ecole Normale) parviennent en octobre 1897 à semer le doute dans l’esprit de Clemenceau et lui ouvre les yeux quant à l’existence d’un vice de forme.  Clemenceau le fait savoir dans la presse.  Le procès de décembre 94 doit être cassé.  Clemenceau part en guerre contre la raison d’Etat, forme républicaine du bon plaisir royal contre lequel la Révolution française s’est élevée.  Le nom d’Esterhazy commence à circuler comme étant l’auteur probable du bordereau. Clemenceau se demande publiquement qui protège Esterhazy.  En fait le commandant Henry et tout l’Etat-Major, mais une enquête est lancée concernant Esterhazy.  D’où l’article de Scheurer-Kestner : « La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera ».  Le 28 novembre, une ancienne maitresse d’Esterhazy rend public une lettre où son amant déclarait souhaiter mourir en capitaine de uhlans sabrant des soldats français.  Esterhazy passe en conseil de guerre, qui l’acquitte après un procès mené tambour battant devant un parterre d’officiers prêts à chahuter les témoins à charge (10 janvier 1898).  13 janvier : « J’accuse » dans l’Aurore ; le texte est de Zola, le titre de Clemenceau.

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    L’année 98 commence mal.  Zola est condamné en première instance puis en appel.  Les manifestations antisémites se multiplient, notamment en Algérie.  Clemenceau condamne les journaux catholiques (La Croix et Le Pèlerin) qui s’associent aux campagnes anti-juives.  

    En mai les élections amènent une majorité modérée.  Le gouvernement est présidé par Brisson avec Cavaignac au ministère de la Guerre.  Ce dernier veut clore à tout jamais le dossier Dreyfus.  Il confirme la culpabilité de Dreyfus en citant trois documents secrets : deux portent la lettre D pour désigner le traitre, le troisième est le faux Henry.  Le discours impressionne mais l’existence d’un dossier secret est officiellement confirmée.  Clemenceau demande la révision avec une insistance renouvelée.  Il voit dans les anti-dreyfusards les vaincus de la République (royalistes, ultramontains, boulangistes) qui aspirent à la revanche.

    Le 13 août le capitaine Cuignet découvre le faux Henry.  Le 31, Henry avoue et se suicide.  Cavaignac démissionne.  Esterhazy s’enfuit en Belgique.  En octobre la Cour de Cassation est saisie d’une demande de révision et la déclare recevable.  L’arrêt de révision n’est rendu que le 3 juin 1899, du fait de manœuvres dilatoires et de la mort de Félix Faure remplacé par Loubet.

    8 août ouverture du second procès de Dreyfus.  Clemenceau malade n’y participe pas.  Le 9 septembre, Dreyfus est condamné par le conseil de guerre de Rennes à 10 ans de détention.  Se pose la question de la grâce présidentielle.  Clemenceau n’est pas favorable.  Ce serait accepter l’abandon d’une procédure d’appel et accepter le principe de la culpabilité de Dreyfus.  Mais Dreyfus est à bout de force.  A son corps défendant, Clemenceau, influencé par Jaurès, fait passer l’homme avant le principe.  Le 19 septembre Loubet gracie Dreyfus.  Mais Clemenceau estime que l’Affaire a dépassé son principal protagoniste, que Dreyfus a été inférieur au rôle que l’Histoire lui demandait de jouer.  Le « parti » dreyfusard sort divisé de la victoire.  Le 14 décembre 1900, une loi d’amnistie générale pour tous les protagonistes de l’affaire Dreyfus est votée à l’initiative de Waldeck-Rousseau.   Clemenceau ne le lui pardonnera jamais.

    L’Affaire a révélé un Clemenceau entièrement dévoué à une cause humaniste, loin des compromissions et des tentations du pouvoir.  C’est un homme régénéré.  Il est prêt à remonter sur la scène politique.  En mars 1902, Clemenceau est élu sénateur du Var à la suite d’une élection partielle.

    Clemenceau sur les marches du pouvoir puis au pouvoir.

    Au tournant du siècle, la grande question est le rôle de l’Eglise dans la vie sociale et politique : pratiquement c’est le rôle des congrégations qui, selon Clemenceau, enseignent la théocratie romaine.  Clemenceau est partisan de la dissolution des congrégations non autorisées et en même temps de la liberté d’enseigner, signe de liberté de penser et de s’exprimer et gage de pluralité des méthodes d’enseignement.

    A partir de 1905, le contexte international se tend.  En mars 1905, Guillaume II a manifesté son intérêt pour soutenir le Maroc contre les initiatives françaises tendant à mettre le pays sous tutelle militaire (sécurité des biens et des personnes) et administrative (mise en ordre des finances).  Clemenceau est opposé à toute politique coloniale au motif que sa légitimité repose sur le droit du plus fort.  Il s’oppose violemment à Delcassé le ministre des Affaires étrangères qui ne veut pas de négociations avec l’Allemagne sur le Maroc [17].  En définitive, c’est une conférence internationale, la conférence d’Algésiras (janvier 1906) organisée grâce à l’entremise de Theodore Roosevelt qui sera chargée de régler le problème.  Cette conférence sera un succès diplomatique pour la France qui obtient carte blanche pour administrer les ports du Maroc.

    Cette affaire marocaine a rapproché Jaurès et Clemenceau, tous deux anticolonialistes, mais Jaurès faisait confiance à l’Allemagne, alors que Clemenceau redoutait son impérialisme.   En avril 1905 était fondée la SFIO d’inspiration marxiste refusant de soutenir des gouvernements bourgeois. 

    Jean Jaurès en 1904 :

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat convenait à Clemenceau.  Il y avait l’article 4 disposant que les biens de l’Eglise seraient attribués à des associations cultuelles.  Ces associations pouvaient devenir l’amorce de schismes au sein de la catholicité française.  D’où un tollé général de la part de la hiérarchie ecclésiastique.  Briand accepta alors de préciser que les associations cultuelles se conformeraient « aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice ».  C’était accepter que les associations soient contrôlées par la hiérarchie [18].   Clemenceau ne voulait pas de cette précision, mais vota tout de même la loi en novembre 1905.  En fait Clemenceau n’avait pas compris qu’une séparation adaptée à un pays majoritairement catholique ne pouvait découler d’une loi de combat.  Jaurès sentait mieux les réalités populaires.  Dès février 1906, le pape Pie X condamnait la séparation par l’encyclique vehementer vos.

    L’application de la loi impliquait l’inventaire des biens de l’Eglise.  Ces inventaires se passent mal, avec des heurts entre catholiques défendant l’entrée des églises et forces de l’ordre.  Un incident mortel le 6 mars eut lieu à Boeschepe une petite commune du nord de la France.  L’incident fut monté en épingle.  Le président du conseil dut démissionner.  Sarrien le remplaça en mars 1906 avec Clemenceau au ministère de l’Intérieur.  C e dernier calme les ardeurs des anticléricaux au sujet des inventaires : « La question de savoir si l’on comptera ou ne comptera pas les chandeliers dans une église ne vaut pas une vie humaine ».  Les inventaires ne sont pas poursuivis là où ils nécessiteraient l’emploi de la force. 

    Dès arrivé au ministère [19], Clemenceau est confronté à une grève de mineurs à Lens (mars 1906), faisant suite au dramatique accident de Courrières (1100 morts). 

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Clemenceau refuse d’envoyer la troupe de manière préventive ainsi que c’était alors l’usage.  Mais les heurts entre grévistes et jaunes sont sanglants.  Clemenceau doit tout de même envoyer la troupe.  Un officier de dragons est lapidé. L’accident de Courrières a pour conséquence une augmentation des salaires, une prise en charge, par la compagnie des mines, de rentes pour les veuves et, plus généralement, l’instauration du repos hebdomadaire. 

     A Paris, le 1er mai 1906 suscite les plus grandes inquiétudes.  Clemenceau fait arrêter les chefs de la CGT par précaution. La troupe est cantonnée dans Paris.  La journée se passe sans heurts.

    C’est le moment où il s’oppose à Jaurès dans des joutes oratoires qui sont restées célèbres.  Jaurès est alors l’homme de la table rase, de la confiscation des moyens de production, en fait de la révolution ; Clémenceau de la réforme : l’émancipation des travailleurs peut s’appuyer sur la grève mais pas sur des voies de fait.  Les deux veulent le progrès social et la justice sociale.  Clémenceau aura les socialistes contre lui.  Une question qui sépare socialistes et radicaux : le droit de grève des fonctionnaires.  Clemenceau y est farouchement hostile.

    En octobre 1906, Sarrien démissionne pour des raisons de santé.  Clemenceau lui succède.  Innovation importante : la création d’un ministère du travail qui est confié à Viviani, issu des rangs socialistes, mais indépendants (pas SFIO).

    Deux conflits sociaux marquent la présidence de Clemenceau.  Chaque fois il fait rétablir l’ordre.  Les ouvriers et leur syndicat peuvent manifester et se mettre en grève, mais dans l’ordre, sans violences ni déprédations.  Les socialistes ne le soutiennent pas.Le bloc des gauches qui a fait la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’existe plus. 

    • En 1907, les vignerons du midi. Ils sont confrontés à une surproduction et souhaitent limiter la chaptalisation.  Au cours des manifestations la troupe sensée rétablir l’ordre pactise avec les manifestants, souvent cousins des soldats.    D’où l’envoi des appelés du contingent loin de leur lieu d’origine.  L’affaire se calme par une taxe sur le sucre utilisé pour la chaptalisation.
    • En 1908 une grève dans les sablières de Draveil. Il y a des morts.  Les responsables de la CGT sont arrêtés.  Le syndicat est désorganisé pour un temps.  D’aucuns ont dit que Clemenceau avait utilisé des agents provocateurs pour créer des incidents qui permettraient de décapiter la CGT.

    Pendant ses années au ministère de l’Intérieur, Clemenceau a pu compter sur le concours du préfet de police Lépine.  Ce dernier a initié d’importantes réformes : meilleur recrutement, meilleur salaire, meilleur uniforme, création des unités à bicyclette, création d’un service centralisé d’archives permettant de suivre les condamnés.

    Le Préfet de Police Lépine et Georges Clémenceau :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    En juillet 1909,il s’oppose à Delcassé sur la façon dont avait été traitée l’affaire du Maroc.  Il révèle alors que la France n’était pas prête à entrer en guerre.  C’était la révélation d’un secret militaire.  Il est mis en minorité et doit démissionner.  C’était une embûche parlementaire.  Il avait été président du conseil près de 3 années.

    Avant la tourmente.

    Retrouvant sa liberté, Clemenceau fait une tournée de conférences en Amérique latine.  Il y est accueilli en chef d’Etat.  Il se fait opérer de la prostate, opération à cette époque délicate et dangereuse. Il crée un nouveau journal, L’Homme libre.   Il se préoccupe de l’élection du président de la République qui succède à Fallières.  Ce sera Poincaré que Clemenceau n’aime pas et qui n’est pas son candidat.  Enfin le grand problème est celui des relations avec l’Allemagne qui semble plus redoutable que jamais [20] La durée du service militaire est portée à 3 ans en juillet 1913, contre l’avis des socialistes [21].  Ces derniers croient en les réactions pacifistes des socialistes allemands (SPD).  La mesure fait passer les effectifs de l’armée de 480000 à 750000 soldats (en Allemagne : 875000).  Se pose le problème de l’armement.  Mis à part le canon de 75, l’armement français est inférieur.

     Le Tigre au début de la guerre

    Clemenceau préparait la guerre mais ne la voulait pas.  Juridiquement les Allemands sont dans leur tort : ils ne sont pas parvenus à convaincre leurs alliés autrichiens de ne pas faire la guerre à la Serbie après l’attentat de Sarajevo. 

    En août 14, avant la bataille de la Marne, le gouvernement s’installe à Bordeaux.  Clemenceau suit ; les souvenirs de 71 l’assaillent.

    Ses principes sont simples : faire la guerre pour vaincre

    • Le pouvoir militaire est subordonné au Gouvernement et le Gouvernement est contrôlé par le Parlement.
    • Il veut bien être chef du Gouvernement, pas un simple ministre de l’Union sacrée.

    Pratiquement il participe puis préside la commission sénatoriale de l’armée devant la quelle les ministres sont invités à expliquer leurs politiques. Il visite les troupes.

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

     Il s’efforce alors d’identifier les dysfonctionnements des services de l’administration militaire ou civile, les services de santé par exemple.  A cala s’ajoute des articles dans son journal qui a pris le nom de L’Homme enchainé depuis que la censure interdit la parution de certains numéros ou caviarde les textes.

     Le Tigre retrouve le pouvoir.

    En 1917, chacun est las de la guerre.  Les pacifistes souhaitent une paix blanche.  Les mutineries [22] jettent le trouble dans les esprits. Clemenceau, lui, ne pense qu’à la victoire.

    En mars 1917 le tsar est renversé.  La démocratie s’installe en Russie qui va continuer la guerre.  En avril, les USA entrent en guerre, à la suite du torpillage du Lusitania.  Deux bonnes raisons pour rendre Clemenceau optimiste.Mais il va déchanter : l’offensive Nivelle – le Chemin des Dames – est un échec.150000 soldats hors de combat ; 40000 morts.  En novembre, Lénine qui a pris le pouvoir décide de faire une paix séparée avec l’Allemagne.  L’armistice de Brest- Litovsk est signée le 15 décembre 1917 [23].  Sur le front mutineries ; à l’intérieur grèves, des ouvrières notamment.  Clemenceau s’insurge devant la mollesse de Malvy [24], ministre de l’Intérieur, qui tolère des propos défaitistes et des initiatives pacifistes (réunion de mouvements socialistes pacifistes).

    Le 14 novembre 1917, Poincaré demande à son adversaire de toujours de prendre la tête du gouvernement.  Son équipe est formée de seconds couteaux, Pams (Intérieur), Pichon (Aff. Etr.)  Klots (Finances).  Son seul objectif : faire la guerre.  La paix sera la conséquence de la victoire.  Son journal redevient L’Homme libre. Les socialistes se retirent du gouvernement.  Epuration parmi les hauts fonctionnaires quand ils sont jugés pacifistes.  Malvy et Caillaux [25] sont jugés et condamnés, le premier pour forfaiture, le second pour avoir entretenu des relations avec des pacifistes étrangers.

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    L’armée manque d’effectifs.  On fait la chasse aux planqués (embusqués).  On fait venir des africains (65000).  Les forces américaines arrivent lentement, 30000/mois.  Il faut les instruire.  Dans les usines, la main d’œuvre manque : on fait venir des Italiens. 

    Clemenceau est également ministre de la guerre.  Il s’installe rue Saint Dominique.  Il mène une vie d’ascète.  Beaucoup le trouvent mal organisé [26], mais d’une extraordinaire vitalité et volonté. 

    Clemenceau réorganise le haut état-major.  Il n’aime pas Pétain qu’il trouve pessimiste [27], mais lui, donne le commandement du 9egroupe d’armées (nord-est).  Foch peu à peu acquiert sa préférence. 

    Les relations avec les alliés sont délicates en raison du désir d’autonomie de chaque pays.  En décembre 1917 un conseil supérieur de guerre est créé qui réunit Clemenceau, Lloyd George, Orlando et House, représentant de Wilson.

    En mars 1918, 172 divisions alliées ; 20 de plus du coté allemand.  Le 21 mars commence la seconde bataille de la Marne.  Les forces anglaises doivent se replier.  Le 26 mars, Foch est chargé de coordonner les armées anglaises et françaises.  Ce n’est pas encore le commandement unique.  Le 14 mai seulement, Foch est nommé « Commandant en chef des armées alliées en France ».  15 juillet, dernière offensive allemande.

    Le 5 octobre, Poincaré apprend que les Allemands sont disposés à engager des pourparlers en vue d’un armistice sur les bases des 14 propositions de Wilson.  Clemenceau est prêt à négocier pour hâter la fin des hécatombes ; Poincaré lui veut aller d’abord à Berlin.  D’où une querelle [28] qui amènera Clemenceau à proposer sa démission. 

    L’armistice et le traité de paix.  

    Il y a deux négociations : celles de l’armistice et celle de la paix.

    Vers l’armistice

    Dès la mi-juillet 1918, Ludendorff estime que les forces allemandes ne parviendront pas à enfoncer le front et gagner la guerre.  Il faut résister et engager des négociations à la faveur d’un succès local, tant que les forces allemandes occupent le terrain.  Une paix à l’avantage de l’Allemagne pourra alors être envisagée.  Ludendorff reste en fonction jusqu’au 26 octobre 1918.

    L’armistice de novembre 1918 est conclue sur la base des 14 points du président Wilson [29].  Les conditions d’armistice sont d’abord négociées entre les Américains et les Allemands, les Alliés n’étant pas partie prenante.    Les Etats Unis [30] engagent des négociations avec l’Allemagne sur la base des 14 points de Wilson.  Ces 14 points sont acceptés par l’Allemagne dès le 6 octobre, les Allemands demandant un armistice sur ces bases. 

    Le 23 octobre Wilson envoie aux Alliés (Français et Britanniques) une note faisant le point des négociations.  Il appartient alors aux Anglais, Français et Italiens de se mettre d’accord en complétant les dispositions indiquées par Wilson.  Pour les Français, l’opportunité d’un armistice n’est pas évidente.  Certains, dont Poincaré, souhaitaient la capitulation de l’Allemagne, donc aller à Berlin s’il le fallait. Foch prépare une attaque de grande ampleur pour le 15 novembre.  D’autres, dont Clemenceau, avaient conscience de la fatigue des soldats.   L’armistice devait être obtenue au plus tôt.  Le point de vue de Clemenceau prévalut. Haig était partisan d’un arrêt des combats rapides.  Il ne voulait pas que ses soldats combattent pour un agrandissement de la France sur la rive gauche du Rhin.

    Les conditions militaires de l’armistice furent définies par Foch.

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

     Elles comportaient l’évacuation, conformément à un calendrier serré, par les forces allemandes des territoires sur la rive gauche du Rhin, dont l’Alsace Lorraine, ainsi qu’une bande de 40km sur la rive droite.  Également des livraisons importantes de matériel militaire (canons, mitrailleuses) et civil (locomotives, wagons, camions). 

    Ces termes de l’armistice furent présentés à la délégation allemande dirigée par Matthias Erzberger (assassiné en 1921) qui n’obtint que très peu d’amendements.

    Vers le traité de paix

    Wilson décide de présider la délégation américaine. 

     Woodrow Wilson :

    Une conférence  sur Georges Clémenceau, offerte aux lecteurs du blog par son auteur, l'historien  Robert Fries

    Au demeurant les élections à mi-mandat de 1918 ne sont pas favorables aux démocrates.  Wilson ne dispose pas du soutien de la Chambre des Représentants.  Il en va différemment pour Lloyd George (libéral mais radical) qui remporte une victoire éclatante aux élections de 1918 et pour Clemenceau qui bénéficie du soutien du Parlement et de l’opinion. 

    Les positions des Alliés sont les suivantes :

    • Avec ses 14 points, Wilson estime que la SDN sera en mesure de régler les problèmes internationaux qui résulteront de la paix. Wilson est sensible à la nécessité de ne pas humilier l’Allemagne.  Il veut une paix sans vainqueur. Il craint que l’Allemagne ne tourne au bolchevisme. 
    • La Grande Bretagne ne veut surtout pas que la France s’étende à l’ouest du Rhin. Elle refuse le principe de la liberté des mers qui empêcherait toute forme de blocus, un des atouts de la Navy, maitresse des mers.  Quand on vient à parler des réparations, Lloyd George demande que les pensions des anciens combattants soient inclues dans les réparations.
    • En France :
      • Foch est partisan d’extraire la Rhénanie (Allemagne à l’ouest du Rhin) du nouvel Etat d’Allemagne. La Rhénanie devrait d’abord être occupée puis faire l’objet d’Etats autonomes.  C’est en fait le vieux rêve des frontières naturelles.  Les USA et la Grande-Bretagne ne veulent pas entendre parler de telles propositions.  Foch veut également réduire considérablement la puissance de l’armée allemande (30 divisions au lieu de 210 ; pas d’artillerie lourde ; pas d’aviation ni de tanks).  Cette position dure est partagée par Poincaré qui soutient Foch ce qui ne contribue pas à améliorer les relations entre Poincaré et Clemenceau.
      • Clemenceau a priori n’a pas de projets précis. Il entretient sur l’Allemagne et son peuple, qu’il connait bien pour s’y rendre chaque année (eaux de Carlsbad), un solide préjugé : « Les Allemands sont un peuple servile qui a besoin de la force pour soutenir un argument.  ……  Il faut être justes envers les Allemands. …… Je puis vous dire que leur notion de justice n’est pas la nôtre. »   De plus il a peur de la proximité de l’Allemagne.  « Vous êtes les uns et les autres à l’abri.  Nous ne le sommes pas ».
      • Pour reconstruire le nord-est de la France détruite par les Allemands au moment de leur retraite, des réparations sont prévues. Elles sont légitimes car les Empires centraux sont considérés comme responsables de la guerre et desdommages subis par les populations [31].
      • Quant à la Société des nations, une formule résume sa position : « J’aime la Société des nations, mais je n’y crois pas ».
    • Clemenceau propose en définitive une occupation provisoire de la Rhénanie. Pour la Sarre, elle sera administrée par la SDN pendant 15 ans (jusqu’à 1935).  Ensuite un referendum décidera si les Sarrois veulent être rattachés au Reich [32].  Les mines de Sarre deviendront propriété française à titre de réparations.  Elles seront ultérieurement rachetées par l’Allemagne.  Cette proposition fait l’objet d’un baroud d’honneur de Foch et de Mangin qui, chef des armées d’occupation, a tendance à favoriser un mouvement autonomiste rhénan.  Clemenceau se contente de deux dispositions :
      • La « garantie » solidaire de la Grande-Bretagne et des USA de venir en aide à la France en cas d’attaque allemande. C’est une garantie solidaire, or … les USA ne ratifièrent jamais le traité de Versailles, …donc la garantie devient invalide !
      • La possibilité pour la France et les Alliés d’occuper la Rhénanie si les engagements n’étaient pas tenus par l’Allemagne (paiement des réparations), ce qui sera le cas.

    Clemenceau est placé entre deux positions extrêmes : celle de Foch et celle de Wilson.  Sa ligne de conduite sera moyenne : occupation de la Sarre pendant 15 ans, occupation temporaire de la Rhénanie, réduction d’astique de l’armée allemande, mais non-annexion de la rive gauche du Rhin, création de micro-Etats en Europe balkanique, création de la Société des Nations.  En plus des réparations financières qui permettent de ne pas envisager une politique de rigueur.  

    On a reproché à Clemenceau d’avoir été trop dur, trop faible et léger

    • Trop dur en imposant une occupation provisoire à la Rhénanie, en liant les réparations à une responsabilité, en demandant des réparations inconsidérées, sans comprendre que ces réparations seraient moins profitables que le commerce avec une Allemagne démocratique et prospère
    • Trop faible en ne parvenant pas à imposer que les frontières occidentales de l’Allemagne s’arrêtent au Rhin (point de vue de Foch et de Poincaré)
    • Léger en acceptant une garantie de défense apportée solidairement par la Grande-Bretagne et les USA, sans avoir la certitude que le traité qui donnait vie à cette garantie soit ratifié par le Sénat et la Chambre des Représentants des USA. De plus le montant de ces réparations n’étaient pas précisées de façon claire.

    Les négociations de la paix commencent le 18 janvier 1919 et s’achèvent le 28 juin.  27 nations sont représentées.  Lloyd George, Orlando et Clemenceau négocient pour des intérêts ; Wilson pour l’éthique, la justice et le droit.

    Lloyd George, Vittorio Orlando, Clémenceau et Woodrow Wilson :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

     Clémenceau et les puissances de moindre importance.

    Italie

    Après avoir hésité entre se ranger du côté des Empires centraux ou du côté de la Triple Entente, l’Italie signe en mai 1915 le traité de Londres.  En cas de victoire, l’Italie recevrait le Trentin, le Haut-Adige, l’Istrie, la Dalmatie.  La guerre a été dure pour l’Italie – défaite de Caporetto en octobre 1917, résistance sur la Piave, offensive en octobre 1918, armistice du 4 novembre 1918 – et a couté 650000 tués.

    Clemenceau a une sympathie moyenne pour Orlando le Premier Ministre italien et, à tort, peu d’estime pour l’armée italienne.  Il ne soutient pas les demandes italiennes en se rangeant du côté de Wilson, qui, n’ayant pas signé le traité de Londres ne souhaite pas accorder à l’Italie des territoires à l’est de Trieste (Istrie avec Fiume et Dalmatie).  Les Italiens ne sont sensés recevoir que 10% des réparations devant être payées par l’Allemagne ; ils sont furieux, ce qui aura de graves conséquences pour l’avenir des relations franco-italiennes.

    Belgique

    Clemenceau prouve de l’estime pour le peuple belge et de l’amitié pour le roi Albert Ier. 

    Russie des Bolcheviks.

    Clemenceau n’avait pas de sympathie pour la Russie tsariste du fait de son caractère ultra-conservateur.  Il n’a pas plus de sympathie pour le régime bolchevik qui ne respecte pas la propriété privée et qui a signé l’armistice de Brest-Litovsk le 15 décembre 1917 et la paix en mars 1918.  Conséquence de la défection d’un allié, le transfert vers le front ouest d’une quarantaine de divisions allemandes (environ 750.000hommes). Pendant toute la, période de la guerre, Clemenceau se préoccupe de conserver un front à l’est en aidant les armées embryonnaires finlandaises, roumaines, ukrainiennes, également tchécoslovaque et polonaise.  

    Quant à l’URSS, les alliés sont partagés.  Wilson et Lloyd George redoutent l’extension du bolchevisme en Europe Centrale, point de vue que Clemenceau ne partage pas.  Les premiers sont prêts à négocier avec les Russes ; le second est prêt à leur faire la guerre[33].  La France apporte un soutien à Wrangel en Sibérie et à Denikine dans le Caucase.  Une flotte française entre en Mer Noire et occupe Odessa. A la suite d’une mutinerie (avril 1919) et du manque de moyens financiers, ces opérations visant à affaiblir le régime bolchevik sont mises en sommeil.  En fait Clemenceau n’avait pas de politique vis-à-vis de la Russie et n’a pas réussi à préserver l’alliance franco-russe d’avant la guerre.

    Tchécoslovaquie, Pologne.

    Pendant la guerre, Clemenceau crée une légion tchécoslovaque appelée ensuite brigade tchécoslovaque à partir des Tchèques et Slovaques servant dans la Légion étrangère ainsi que de prisonniers capturés par les troupes russes.  Clemenceau soutient la nouvelle Tchécoslovaquie[34] avec Benes et Masaryk.

    La Pologne est chère au cœur de Clémenceau à l’instar de beaucoup de Français.  Depuis Michelet, chacun savait que la Pologne avait été victime d’une injustice fondamentale.  Un Comité National Polonais est créé à Paris en août 1917 qui est à l’origine d’une Légion polonaise.  Les interlocuteurs de Clemenceau sont Sienkiewicz (auteur de Quo Vadis) et le pianiste diplomate Paderewski.  Clemenceau se préoccupe du sort réservé aux minorités allemandes, ukrainiennes et juives.

    Clémenceau dans son bureau en 1919 :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    La paix et la fin de la carrière politique

    Les mois qui suivent l’armistice sont difficiles.  Les soldats veulent être démobilisés, mais ils ne le seront qu’une fois la paix signée.  Le nord du pays a été ravagé ; il faut reconstruire.  La vie est chère.  La guerre a ruiné les épargnants.  Les dettes sont immenses.  L’Etat est endetté vis-à-vis des Français ; également vis-à-vis de l’étranger.  La guerre terminée, l’Union sacrée a fait long feu.  Les revendications ouvrières portent sur la semaine de 8h et sur l’augmentation des salaires.  Les grèves se multiplient.  Souvent violentes. 

    Clemenceau prend les devants : il fait voter la semaine de 8h.  Mais il interdit les manifestations prévues le 1er mai 1919.   Les heurts avec les forces de l’ordre sont rudes : 300 blessés du côté des manifestants, 400 du côté des forces de l’ordre.  Clemenceau est redevenu le Premier Flic de France.  Les socialistes ne le lui pardonnent pas.  Au demeurant, il conserve une majorité à la Chambre des Députés.

    Le 19 février 1919, l'anarchiste Émile Cottin fait feu à neuf reprises sur l'automobile du président du Conseil. Celui-ci est atteint par trois projectiles, sans être blessé mortellement.

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Les élections des députés ont lieu en novembre 1919 selon un scrutin à la proportionnelle sur des listes départementales.  Les socialistes perdent des sièges.  La Chambre bleue horizon incarne un coup de barre à droite.  Clemenceau ne se représente pas au Sénat.  Il est prêt, après hésitations, à ce que ses amis le poussent à la présidence de la république.  Il se laisse manœuvrer par Briand qui fait élire Deschanel.  La question des relations diplomatiques avec le Vatican est au centre du débat.  Deschanel est plus conciliant. 

    Le 18 janvier 1920 Clemenceau présente sa lettre de démission à Poincaré.  Comme le remarque Lloyd George : « Cette fois, ce sont les Français qui ont brûlé Jeanne d’Arc ».

     La retraite du Tigre.

    Clemenceau retrouve sa Vendée natale en résidant, face à l’océan, dans la « bicoque » de Saint-Vincent sur Jard qu’un admirateur a mis à sa disposition.  Il fait aussi de grands voyages : l’Egypte, où il est étonné par la richesse de la faune, puis l’Inde où il réussit à tirer trois tigres.

    Clémenceau en Inde :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

      Ces voyages sont autant d’occasions d’approfondir les civilisations et les philosophies orientales.  En Egypte il prend conscience du nationalisme et prévoit que les Britanniques devront quitter le Pays.  Il est enthousiasmé par l’Inde.

    A son retour, la situation a changé : Deschanel a dû démissionner pour cause de santé mentale.  Les USA n’ont pas signé le traité de Versailles, mais conclu une paix séparée avec la jeune République de Weimar.  Ils n’ont pas non plus adhéré à la SDN et pourtant c’était le président Wilson qui l’avait lancée.  Avec le président Warren Harding, les Républicains ont retrouvé leur politique isolationniste. 

    En novembre 1922, Clemenceau fait une tournée de conférences aux USA.  C’est en personne privée qu’il prend la parole devant des auditoires considérables.  Il s’efforce de justifier le soi-disant militarisme français par la nécessité de se défendre compte tenu du manque de garanties offertes par les Alliés.

    En 1923 il fait la connaissance de Mme Marguerite Baldensperger.  Elle a 40 ans, lui plus de 80.  Elle lui demande de rédiger un Démosthène pour les jeunes.  Il lui adresse 668 lettres.

    Sa retraite est consacrée à l’écriture : La France devant l’Allemagne, Embuscades de la vie, Démosthène.En 1922 il fonde un nouveau journal L’Echo national.

    Il parvient à convaincre Monet de terminer les panneaux des Nymphéas qui ornent le musée de l’Orangerie.  Ce musée ne sera ouvert qu’en 1927 un an après la mort du peintre.

    Claude Monet et Georges Clémenceau :

    Notes de lecture sur Georges Clémenceau par Robert Fries

    Son enterrement se déroule dans la plus stricte intimité.  « Pour mes obsèques, je ne veux que l’essentiel, c'est-à-dire moi » ; « Ni manifestation, ni invitations, ni cérémonie ».

    L’estimation de ses biens à sa mort représente environ 277.000 euros en 2007.

    La vie privée de Clemenceau

    Pour Clemenceau, la famille est essentielle.  C’est vers que l’on se tourne au temps des épreuves.

    Son père Benjamin meurt en 1897 et sa mère née Emma Gautreau en 1903.  Ses sœurs et frères :

    • Emma née en 1840. Epouse un voisin de campagne.  Un de ses fils est chef de clinique à la Salpêtrière.
    • Adrienne née en 1850 avait un pied bot. Elle ne se maria pas.
    • Sophie née en 1854, intelligente et évoluée épouse un Autrichien juif correspondant à Paris d’un grand journal viennois. Elle tue son mari après l’avoir trouvé au lit avec la bonne.  Elle fut déclarée démente.
    • Paul né en 1857. Ingénieur de Centrale est ingénieur puis président de la Compagnie française de Dynamite (filiale de Nobel).  Possède une belle fortune.  Il épouse Sophie[35]Szeps, fille d’un journaliste autrichien, juif, célèbre, de tendance socialisante.  Son salon « était le plus germanophile de Paris ».  Georges se brouilla avec son frère Paul , vraisemblablement en raison des interventions de Berta, sœur de Sophie, en faveur de conditions d’armistice plus douces pour l’Autriche.
    • Albert né en 1861 était très lié à son frère ainé. Avocat, d’abord sans cause fut lancé par le procès de Zola.

    De son mariage avec Mary, Clemenceau a trois enfants :

    • Madeleine, qui épouse un homme riche et plus âgé qu’elle : Numa Jacquemaire. En 1900 à 30 ans elle tient un des salons les plus brillants de Paris.  Elle est grande, svelte et a une vie sentimentale compliquée.  C’était une femme de lettres qui écrivit plusieurs romans
    • Thérèse qui se maria deux fois. Elle vécut une partie de sa vie chez son père.
    • Michel ingénieur agronome qui entretint avec son père des relations parfois difficiles en raison d’affaires commerciales malheureuses lancées par Michel et qui nécessitèrent l’intervention financière du père.

     [1] Principales mesures sociales concernant les enfants :

    1. Villermé. Enfants < 12 ans : 8h/j.  <16 ans  12h/j
    2. 12h/j. 84h/semaine après une éphémère loi de 10h
    3. <12 ans pas de travail. La défaite est due à un mauvais état général résultant d’un travail précoce.

    1880-81.  Ecole obligatoire de 6 à 13 ans

    1. Durée maximale 10h/j. 70h/semaine pour tous
    2. Repos hebdomadaire dimanche
    3. 8h/jour. 48h/semaine.

    [2]Boulanger est un général républicain, issu du peuple, courageux et ambitieux, soutenu un temps par le duc d’Aumale.  Comme ministre, il réorganise l’armée : plus de tirage au sort, plus de dispense pour les curés, adoption du fusil Lebel, amélioration des conditions de vie des soldats et des sous-officiers. Il veut rapprocher le peuple de son armée.  Il est le porte-drapeau des revanchards (affaire Schnæbelé) et incarne un faisceau de mécontents (droite républicaine nationaliste, républicains déçus par les affaires – décorations – Bonapartistes, Orléanistes).  A ce titre il fait peur.  En 1887 il est nommé à Clermont-Ferrand.  Il entre en politique et se fait élire dans plusieurs départements dont Paris le 27 janvier 1889. Ce jour-là il renonce à marcher sur l’Elysée.  Le gouvernement (Constant ministre de l’Intérieur) prend peur et mena ce de l’arrêter.  Il quitte la France et s’installe à Bruxelles avec sa maitresse.  Il se suicide en 1891.

    [3]Clemenceau épouse Mary Plummer en 1869.  Les époux se séparent en 1876 et divorcent en 1891.  Mary est prise en flagrant délit d’adultère.  Elle est mise en prison pendant deux semaines puis renvoyée aux USA avec un billet de 3ème classe.  Elle est déchue de sa nationalité française.  Elle revient en France où elle meurt seule en 1922.

    [4]Paris est investi dès le 18 septembre.  Le 5 novembre, les élections municipales ont lieu.  Seuls les maires d’arrondissements et les conseillers municipaux sont élus. De novembre 1870 à la fin de la Commune (18 mars-28 mai 1871) Paris dispose d’un maire, mais il est nommé par le gouvernement.  Clemenceau avait démissionné avec Arago avant novembre 1870.  Il est réélu maire du XVIIIe le 5 novembre.

    [5]Sur la même liste : Garibaldi, Gambetta, Edgard Quinet, Victor Hugo

    [6]A Paris, le pouvoir local était entre les mains du Comité central de la Garde Nationale.  Celui-ci accepta la proposition de Clemenceau de demander à l’Assemblée nationale le droit d’organiser l’élection d’un conseil municipal.  Thiers s’opposa à cette proposition.  Clemenceau, qui l’avait présentée à Versailles fut considéré comme responsable.  Il fut alors démis de ses fonctions de maire du XVIIIe.  Des élections municipales eurent tout de même lieu (26 mars).  Clemenceau ne fut pas élu.  Il démissionna alors de ses fonctions de député (27 mars).

    [7]Pendant ce temps les « Versaillais » investissent Paris.  C’est la semaine sanglante du 21 au 28 mai qui fait 20.000 exécutions sommaires, 45.000 arrestations, 13.500 condamnations, notamment au bagne en Nouvelle Calédonie (Louise Michel). L’opposition révolutionnaire est décapitée pour une génération jusqu’à la relève assurée par les socialistes Jaurès et Guesde.

    [8]La fonction est à ce moment bénévole.  Clemenceau vit de son métier de médecin.

    [9]A cette époque, Paris est administré par le préfet de la Seine et le préfet de police, assistés du Conseil de Paris qui joue le rôle à la fois de conseil municipal et de conseil général, ce dernier étant augmenté des conseillers de Sceaux et Saint-Denis.Le rôle du conseil de Paris est limité.  Son président a surtout une fonction honorifique.Dans chaque arrondissement, un maire et trois adjoints (non membres du Conseil de Paris) assurent la gestion quotidienne.

    [10]En 1876, Mac Mahon,qui avait été élu président de la République en mai 1873, accepte un gouvernement républicain comprenant Dufaure et Jules Simon.   Le 4 mai 1877, il demande à Jules Simon de démissionner(coup d’Etat du 16 mai 1877), pour le remplacer par le duc de Broglie.  Il convainc le Sénat de dissoudre la Chambre.  En octobre les élections amènent une chambre républicaine.  Mac Mahon essaie d’imposer un fonctionnaire – général de la Rochebouet -  comme président du Conseil.  Les députés refusent de le rencontrer.  Mac Mahon doit se soumettre et accepter Dufaure.  En janvier 1879, les élections sénatoriales amènent une majorité de gauche à la chambre haute.  Mac Mahon ne dispose d’aucun soutien parlementaire.  Il démissionne.  Le 30 janvier 1879 Jules Grévy lui succède.

    [11]Il recommande à ses hommes d’utiliser leurs armes s’ils sont agressés par des civils italiens.

    [12]Schnaebele est un commissaire chargé de la sécurité dans les trains.

      En fait c’est aussi un espion.  Boulanger, sans consulter les autres ministres avait mis en place une organisation d’espionnage reposant sur des Alsaciens bilingues ayant choisi de s’installer en France.

    [13]Rouvier a passé un accord tacite avec la droite : la droite lâche Boulanger et lesmodérés ralentissent la laïcisation de la société.

    [14]Le différend avec Déroulède se termine par un duel au pistolet.  Chaque adversaire tire 6 balles.  Personne n’est blessé.

    [15]Par ailleurs, d'août 1894 à 1902, il écrit dans La Dépêche de Toulouse, contrôlée par Maurice Sarraut, d'abord des chroniques littéraires, puis des articles politiques73. Il collabore également au Journal (de 1895 à 1897), à L'Écho de Paris (1897), devient éditorialiste à L’Aurore et à l'hebdomadaire Le Bloc73. Il publie des recueils d'articles : Le Grand Pan (1896), dans lequel il fait l'apologie du paganisme précédant le judéo-christianisme ; Au fil des jours (1900) et Les Embuscades de la vie (1903). Il s'essaie même au roman, avec Les Plus Forts (1898). Ses essais littéraires, qui ne remportent guère de succès populaire, sont raillés par Maurice Barrès, Charles Maurras étant plus indulgent. En revanche, Léon Blum est élogieux pour Le Grand Pan ainsi que pour son roman73. Il écrit aussi une pièce de théâtre, Le Voile du Bonheur, jouée au théâtre Récamier en 1901, mais sans grand succès.

    [16]Clemenceau éprouvait une sincère estime à l’égard de Matthieu Dreyfus qui avait tout sacrifié pour sauver son frère.  Ce caractère chevaleresque lui plaisait.  Entre 1897 et 1899, Clemenceau rencontre Lazare tous les jours.

    [17]En avril 1905, Clemenceau interpelle Delcassé le ministre des Affaires étrangères : « Les politiques républicains, trouvant plus aisé de remporter des victoires sur les populations désarmées de l'Afrique et de l'Asie que de s'adonner à l'immense labeur de la réformation française, envoyaient nos armées à des gloires lointaines, pour effacer Metz et Sedan, trop proches. Une effroyable dépense d'hommes et d'argent, chez une nation saignée à blanc, où la natalité baissait. (…) Partis de France dans l'illusion qu'à la condition de tourner le dos aux Vosges, le monde s'ouvrait à nous, nous rencontrons l'homme de l'autre côté des Vosges devant nous à Tanger »

    [18]Or la hiérarchie ecclésiastique relève du pape donc d’une autorité étrangère.  Clemenceau ne pouvait le tolérer.  La même question s’était posée pour les congrégations suite à la loi de 1901.  Les associations doivent être déclarées.  Les congrégations autorisées, pour la même raison d’autant que les moines ont fait vœu d’obéissance. L’autorisation est donnée par la loi, congrégation par congrégation.  En revanche les établissements dépendant des congrégations, en général des écoles, sont autorisés par décret, donc par le pouvoir exécutif.

    [19]C’est une période d’expansion.  Les ouvriers mieux informés prennent conscience de leur situation misérable.  C’est le moment des grandes grèves.

    [20]Les relations avec l’Allemagne étaient passées par une crise en 1911 lorsque Guillaume II avait envoyé une canonnière devant Agadir.  La crise avait trouvé une solution dans une convention franco-allemande de 1912 qui échange le droit d’intervention au Maroc contre un accroissement du Cameroun allemand aux dépens du Gabon français.  Caillaux est l’artisan de cet accord. 

    Clemenceau aurait souhaité un rapprochement avec l’Autriche-Hongrie.  Il avait approché l’archiduc Rodolphe dans cet esprit.  L’annexion de la Bosnie-Herzégovine en 1908 mit un terme définitif à cet espoir.

    [21]Les socialistes par la voix de Jaurès prônent une armée à la Suisse : les milices ayant uniquement une mission défensive.  En cas de déclaration de guerre, Jaurès demande la grève générale qui serait également suivie en Allemagne.  Le 31 juillet, Jaurès est assassiné par Vilain.  Clemenceau salue la noblesse de son allié durant l’affaire Dreyfus et son adversaire depuis 1906.

    [22]Des mutineries – refus d’obéissance – ont été fréquents en 1914 et 1915.  Elles ont été sévèrement réprimées.  En 1917, après l’échec des offensives Nivelle (Chemin des Dames) d’avril, les mutineries se reproduisent sur une échelle plus vaste et traduisent un « ras le bol » général.  Elles s’accompagnent d’un mouvement de grèves et de manifestations pacifistes.  Sur le front, 3500 soldats ont été condamnés, 1381 aus travaux forcés, 554 à mort et 49 exécutés dont 26 pour rébellion collective.  Le président de la République a gracié 90 à 95 % des condamnés à mort.  En France, du fait du gouvernement d’Union nationale, les mutineries n’ont pas été relayées à l’arrière par une organisation politique.  En Russie et en 1918 en Allemagne, la situation était différente.  D’où la chute des deux empires.

    [23]40 divisions de l’Axe seront transférées vers le front ouest.

    [24]Malvy est un radical socialiste.  En 1917, il sert de bouc émissaire car il a préféré contrôler les mouvements pacifistes plutôt que de les enfermer.  Il sera condamné à 5 ans de bannissement.

    [25]Inspecteur des finances.  Croit au rapprochement franco-allemand.  Pendant la guerre, entretient une correspondance avec des amis allemands.  Il sera condamné pour cela, puis blanchi après la guerre.

    [26]Notamment Paul Cambon, ambassadeur à Londres.

    [27]En mars 1918, Pétain aurait déclaré : « Les allemands battront le Anglais en rase campagne ; ensuite, ils nous battront ».

    [28]Poincaré reproche à Clemenceau sa position favorable à l’ouverture de pourparlers.  Ce comportement risquerait de « couper les jarrets » des troupes en pleine marche en avant.  Clemenceau est sensible à la fatigue des soldats et l’inutilité de mener des hommes à la mort.

    [29]Plus de diplomatie secrète, les institutions élues étant informées du contenu des traités.  Liberté des mers.  Abaissement des barrières commerciales.  Désarmement général et contrôlé. Interdiction de la guerre sous-marine.  Instauration d’un régime démocratique (république) en Allemagne. Réformes en faveur des populations coloniales.  Restitution de l’Alsace-Lorraine.  Indépendance de la Belgique.  Société des Nations.  Autres dispositions régionales.

    [30]Les Etats Unis se considèrent comme associés aux Alliés, et, dans les périodes difficiles des négociations, menacent de négocier une paix séparée avec l’Allemagne.  C’est du reste ce qui arrivera.

    [31] La culpabilité de l’Allemagne figure à l’article 231 du Traité de Versailles qui stipule que l’Allemagne et ses alliés sont responsables des dommages de la guerre. 

    En voici le texte :« Les gouvernements alliés et associés  déclarent et l'Allemagne  reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses Alliés ». Cet article a été ressenti comme une humiliation. 

    Le montant des réparations a été fixé par la commission interalliée des réparations en mai 1921.  Il s’élève à 132Md de marks-or, soit 3 fois le PNB allemand en 1913.  Le montant dont la seule Allemagne était redevable s’élevait à 52Md de marks-or.  En 1931, quand les paiements cessèrent, seuls 20Md avaient été payés.

    [32]Ce fut le cas en 1935 : 90,5% des voix pour le rattachement au Reich.  A noter que le principe d’une indemnité était contraire à Wilson qui la considérait comme un abus des vainqueurs. L’Allemagne étant dans l’incapacité de payer d’autant que la Ruhr est occupée par les armées belges et françaises.

    [33]Clemenceau soutient l’Ukraine dans ses tentatives de se débarrasser de l’emprise russe.   Cette initiative est mal vécue par les Russes Blancs qui tiennent à conserver l’intégralité de la Russie tsariste.  Foch se dit prêt à mater la révolution bolchevique avec 200 ou 250.000 hommes.  Mais ce ne peut-être que des volontaires, pas si faciles à réunir.  De plus les fonds manquent. 

    [34]Le Tchécoslovaquie nait aux Etats-Unis lorsque Masaryk le 18 octobre 1918, sur les marches de l’Indépendance Hall de Philadelphie, déclare l’indépendance de la Tchécoslovaquie.  L’accord de Wilson avait été durement acquise.

    [35]Sophie avait une sœur, Berta, dont Clemenceau semble avoir été épris.

    Notes de lectures

     Anti portraits Alain Minc ; Clemenceau de Duroselle ; Clemenceau de Michel Winock

     Comme Mitterrand, Clemenceau n’a pas une vision économique de la société.  Il a le point de vue des hommes de la Révolution, des Lumières. 

    Quelques éléments d’un programme idéal de réformes politiques pour Clemenceau, celui d’un jacobin anticlérical.

    • Enseignement laïc, gratuit, obligatoire. Ferry s’en était chargé, avec la séparation de l’Eglise et de l’Ecole.
    • Suppression de la Présidence de la République, du Sénat, de l’armée permanente, de la peine de mort
    • Libertés de la presse, de réunion, d’association
    • Election des maires et « décentralisation » (un reste des Girondins)

    Au plan économique

    • Suppression du livret ouvrier
    • Gestion des caisses ouvrières par les ouvriers
    • Interdiction du travail des enfants de moins de 14 ans, réduction à 6h de la journée de travail des enfants de moins de 18 ans [1]
    • Liquidation des grandes compagnies de chemins de fer, des canaux, des mines
    • Impôt sur le revenu (sera établi en 1917)
    • Mais défense absolue de la propriété privée: en cela il s’oppose à Jaurès.

    Quelques erreurs dues à des réactions impulsives.

    « Clemenceau, très impulsif, forcément absorbé par d’autres soins, connaissant fort mal beaucoup de grandes questions et pas du tout les dossiers, se fait des opinions rapides et irréfléchies comme il lui est arrivé toute sa vie ».  (Poincaré)

    Boulanger.  En 1886, Clemenceau recommande le général Boulanger [2] à Freycinet qui en fait son ministre de la guerre.  Un an plus tard, Clemenceau voit le danger.  Il sera sans pitié.  D’où son épitaphe : ‘Il est mort comme il a vécu : en sous-lieutenant ».

    Dreyfus.  En décembre 1894, lors du premier procès de Dreyfus, Clemenceau ne peut mettre en doute la qualité de la justice militaire.  De plus Dreyfus est un bourgeois et un juif ; or chez Clemenceau, il y a un fond d’antisémitisme.  Il sera convaincu par Mathieu Dreyfus que le procès n’a pas été mené honnêtement.  Pour lui l’important est que la justice soit rendue sans tricherie.  Il a du mal en 1898 à accepter la grâce présidentielle.  Dreyfus aurait dû être à la hauteur de son destin.  De plus la poursuite du combat judiciaire pourrait être un tremplin pour ses ambitions politiques.  Les principes et son intérêt passent avant la vie d’un individu.  Clemenceau ne connait pas la modération.

     


    1 commentaire
  • "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    Robert Fries, toujours généreux, a donné le texte et les illustrations de sa conférence aux personnes intéressées et m'a permis de la publier sur le blog.

    Merci infiniment à lui !

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries

    "Les duchesses de Bourgogne", une conférence de Robert Fries


    1 commentaire
  •  A la fin de l'Assemblée Générale de l'AMPC, Robert Fries,  a évoqué,  dans une belle allocution, les relations de l'association des  Amis du Musée avec son environnement, durant ses mandats successifs de Président.

    Robert Fries a rappelé les actions des Amis du Musée du Pays Châtillonnais  durant son mandat de Président

    Madame la Présidente,

    Monsieur le Président,

    Madame la directrice du Musée,

    Chers Amis du Musée,

     

    Je remercie notre présidente de me permettre de livrer quelques réflexions sur notre Association et sur ses relations avec son environnement.   Ces réflexions – marquées à un sceau plus sombre - sont le fruit de plus de 11 années en tant qu’administrateur, président puis vice-président de l’Association.  Rassurez-vous, je ne briguerai pas de nouveau mandat exécutif.

     Je me suis beaucoup investi dans notre association.  Je ne le regrette pas.  Je garde le souvenir de belles années.  D’abord en raison des personnes que j’ai côtoyées.

    • En premier lieu mes collègues du bureau, le moteur de l’association. Ils sont-là dans la salle : Marie Thérèse, Annette, Sylviane, Noël, Jack, Mary, et pendant longtemps, Roger.  Je pense aussi à Jean- Claude Stutz qui nous a quittés trop tôt.  De belles personnes qui sont devenues des amis très chers.
    • J’ai également beaucoup apprécié le concours des administrateurs, toujours généreux de leur temps et de leurs conseils. Remarquons que les deux conservatrices qui se sont succédées à la tête du musée participaient régulièrement au conseil d’administration ainsi qu’aux bureaux.  Elles faisaient partie du premier cercle.  Je crois qu’elles ne l’ont pas regretté.

    Quelques mots sur ces deux conservatrices.  Nous les avons bien connues.Les Amis du Musée étaient aussi les amis de la conservatrice en fonction; et c’est bien ainsi que ça doit être.

    Toutes deux, des femmes cultivées, diplômées de l’Institut National du Patrimoine, l’une en début de carrière, l’autre en fin de carrière, l’une et l’autre animées d’un sens aigu du service public et de l’intérêt général.

    Félicie Fougère comme Catherine Monnet se sont passionnées pour les collections dont elles avaient la garde.  Elles en avaient acquis une connaissance approfondie et subtile.  D’où quelques études, publications et même documentaires pour la télévision qui ont marqué leur temps.  Je me souviens ausside visites du musée, à l’intention de visiteurs choisis sur le volet, plaisantes et parfois étincelantes avec Félicie pour guide, toujours érudites avec Catherine.  A dire vrai, j’étais fier d’être un Châtillonnais d’adoption.

    Animées des meilleures intentions elles ne rechignaient pas devant la tâche.  Malheureusement, je les ai vues s’étioler au fil des années, ployant sous le poids de travaux administratifs et d’intendance, faute de collaborateurs appropriés et stables.  Les deux,du reste, ont quitté Châtillon épuisées et amères

    Cela dit, nous avons vécu de grands moments, et quand je dis « nous », cela signifie les animateurs, les adhérents, les agents du musée.

    Nous avons eu de belles conférences.  En fait par un accord tacite, le musée sous-traitait aux Amis l’organisation de conférences.  Naturellement les thèmes et les conférenciers étaient définis d’un commun accord.  Nous avons eu

    • Des archéologues.
      • Les grands professeurs, Claude Mordant, Dominique Garcia
      • Des femmes et des hommes de terrain, Emilie Millet, Bastien Thiéry (sur le site de Lavau)
      • Des femmes et des hommes de laboratoire qui analysent ce qui échappe à l’œil.
    • Des historiens professeurs d’université e naturellement nombre de conservateurs. 
    • Sans oublier les talents locaux, Michel Lagrange, Emmanuel Kromicheff, Dominique Masson et j’en passe

    Nous avons fait de beaux voyages.

    • Par exemple, en octobre 2022, nous sommes allés en Allemagne visiter les sites Hallstattiens du Bade-Wurtemberg. 6 collaborateurs du Musée participaient au voyage.  Pour eux, c’était une action de formation exceptionnelle dont le coût était partagé entre la Communauté de Communes, les Amis et la Société archéologique.    Malheureusement, aujourd’hui, seuls deux sont encore au musée.  C’est un peu dommage au plan de l’investissement : un manque de continuité dans l’action qui me désole.

    Nous avons enfin célébré d’heureux événements.

    • En 2022, c’était le retour du Bacchus, cette statue en bronze de l’époque romaine. Ce retour ne doit pas grand-chose aux Amis du Musée.  Ils se sont contentés de soutenir Catherine Monnet.  Elle était à la manœuvre.  Ses journées étaient longues et ses nuits courtes.  Elle a réussi ; il ne faut pas l’oublier.  Ce n’est pas rien de récupérer un objet de grande valeur 49 ans après qu’il ait été volé.  La presse internationale en avait bien conscience.  Ce n’est pas tous les jours qu’on entend parler du Châtillonnais à la BBC, la radio anglaise.
    • A la fin de la même année, l’installation de la salle Marmont avec le beau portrait d’Andreas Appiani, ceux des membres de la famille du maréchal, ses décorations et deux affiches de l‘époque, qui illustrent si bien une carrière mouvementée.
    • L’année suivante l’installation de la salle XVIIème siècle avec le grand Hercule et Antée attribué à Annibale Carrache. Je sais que l’attribution n’est pas certaine, mais c’est stimulant d’avoir osé sortir ce vénérable tableau des réserves.
    • Également en 2016 l’inauguration des audioguides. Ces audioguides offraient en 4 langues une visite guidée du musée avec un programme particulier pour les enfants.  C’était un saut qualitatif.  Le système avait été conçu, acquis et installé par le Musée.  Le financement avait été intégralement assuré par les Amis du Musée grâce à un don généreux du Crédit Mutuel (18.000€), une subvention de la Fondation de France (2500€) et une participation des Amis sur les fonds propres de l’association.  Le système a fonctionné pendant quelques années à la satisfaction des visiteurs.  Puis les appareils ont commencé à se détraquer et des modifications ont été apportées à la présentation des collections.  Maintenant ce qui reste des audioguides git dans un fond de placard.  A mon sens, cet investissement, non négligeable, a été versé un peu vite au compte Pertes et Profits.  Je le regrette.

     Cela est du passé.   Permettez-moi de formuler quelques vœux concernant le musée et ses relations avec l’association.  Ce sera ma conclusion.

    A ce que j’ai compris, en lisant la presse locale, le Musée va faire l’objet de travaux importants.  Un PSC (Programme scientifique et culturel) est en cours de préparation.  Un conseil scientifique sera réuni.  Le Musée aura donc des installations rénovées, une feuille de route et une boussole.  Je m’en réjouis.

     Quant aux relations entre le Musée et l’Association, elles peuvent revêtir trois formes.  J’en parle d’expérience pour avoir été administrateur de la Fédération Française des Sociétés d’Amis de Musées.

    • Soit le Musée et l’Association se dressent l’un contre l’autre.  C’est lamentable, mais cela peut arriver.  C’est de l’énergie gaspillée dans des querelles futiles,(picrocholines).
    • Soit le Musée est à côté de l’Association, dans une relation d’indifférence, disons de splendide isolement. C’est un moindre mal, mais c’est triste.
    • Soit le Musée est avec l’Association, parfois en symbiose. C’est la solution que nous nous sommes efforcés de mettre en œuvre, en général avec bonheur. 

    Dans un temps et dans un domaine où les moyens sont limités, c’est la solution qui permet de réunir le bénévolat et l’action publique au service de l’intérêt général.

    Sans hésiter, je vote pour cette troisième solution.  J’ose espérer ne pas être le seul dans cette salle.

    Je vous remercie.

     
    Robert Fries, maintenant Président d'Honneur de l'AMPC, a été très longuement applaudi par tous les adhérents qui ont à l'unanimité approuvé ses paroles.

    Merci à lui pour sa lucidité et sa franchise.

     


    1 commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique